Chapitre 14

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Joris arrêta la voiture devant un grand bâtiment blanc. Le soleil amplifiait la luminosité et lui faisait mal aux yeux. Décidément, la pluie ne semblait pas exister dans ce pays. 

"Où sommes-nous ?" demanda-t-elle anxieuse.

-A l'école que j'ai créé. Ne me regarde pas de cette façon, je dis la vérité ! sourit-il en la voyant hausser les sourcils. Je me suis dit que si tu avais fait des études pour devenir institutrice, tu appréciais la compagnie des enfants.

"Comment sais-tu que j'ai fait des études d'institutrice ? Tu as fait des recherches sur moi ?" fronça-t-elle les sourcils.

Elle eut sa réponse à la façon dont il baissa le regard. Marie secoua la tête, éberluée et furieuse. 

"Tu n'avais pas le droit de faire ça ! Ce n'est pas pour rien que je ne te dis pas tout. Il y a des choses que je souhaite oublier et si tu es au courant, ça ne m'aidera pas ! Je me sens mise à nu..."

Loin de se démonter face à sa désorientation, il rétorqua calmement :

-Et qu'est-ce que tu ne veux pas que je sache ?

"Pourquoi me le demandes-tu ? Tu es déjà au courant puisque tu as fait des recherches sur ma vie privée."

-Arrête ça tout de suite sinon je vais vraiment me mettre en colère. Tu crois que te poserais autant de questions si je savais tout de toi ? Tu es une véritable énigme, Marie. Quand je crois découvrir une partie de ta personnalité, tu me démontres le contraire. Tu ne cesses de me contredire, ce que personne ne fait d'ordinaire. Tu es... différente. 

"C'est un compliment ?"

-Bien sûr. Cesse de te dévaloriser. Tu es mystérieuse mais également intelligente et magnifique.

Il glissa une mèche de cheveux blonds derrière son oreille et Marie se mit à rougir en sentant sa main effleurer doucement. 

-N'en doute jamais... 

Elle se pinça la lèvre, gênée, lorsqu'elle vit un homme s'approcher de la voiture. L'angoisse la reprit. Un instant, elle vit Yahn se diriger vers elle, lui et son expression vide d'émotions, puis se raisonna. Yahn était mort. Joris la ramena à la réalité en posant la main sur son épaule. 

-J'ai créé l'école il y a trois ans dans l'objectif de dispenser une éducation de qualité aux enfants en difficulté ou orphelins. Une fois par mois, je leur rends visite. Je serais heureux que tu puisses les rencontrer, ils sont merveilleux. Avec eux, impossible de s'ennuyer.

Marie sourit tristement. Ses parents l'avaient brisée en lui interdisant de continuer ses études qu'elle adorait pour se marier de force. Joris la comblait en lui permettant de retrouver un peu des deux seuls bonheurs qui l'avaient maintenus en vie de longues années : la musique et la compagnie des enfants à travers l'enseignement. Elle essuya discrètement une larme. Son accident avait détruit ces deux espoirs.

-Allons-y, on est attendu.

"Mais je ne connais pas leur langue !" paniqua-t-elle.

-Tu es mieux placée que n'importe qui pour savoir que ça n'est pas un obstacle pour communiquer, asséna-t-il avec un regard appuyé. Cesse de t'angoisser pour rien. Tes peurs n'ont plus lieu d'être.

Au moment où elle allait enfin pousser la portière, il la retint.

-Et fais attention à ta cheville.

Elle leva les yeux au ciel, et rit presque en voyant son agacement face à sa réaction désinvolte. Il posa une main brûlante sur son dos pour la mener jusqu'à la porte d'entrée. Une ribambelle d'enfants d'environ quatre à dix ans sortirent soudain pour se précipiter dans les bras de Joris, riant aux éclat. Ils étaient vraiment attendrissants. L'homme les prenait tour à tour dans ses bras musclés, rigolant également avec eux. Toute trace de froideur avait quitté son visage. Il semblait détendu, simplement heureux. Une telle métamorphose était incroyable ! D'un homme dur, il s'était transformé en un semblant de père pour ces enfants. Cet aspect de lui était impossible à connaître s'il ne désirait pas lui-même le montrer. Qu'elle aurait aimé comprendre les paroles grecques qu'ils prononçaient tous... 

Puis un enfant pointa un doigt sur elle et elle se figea. Joris, la voyant reculer inconsciemment, la força à avancer. Il devait sans doute la présenter car à présent, toutes les paires d'yeux étaient figés sur elle. Elle se pinça la lèvre. Puis une fillette aux nattes noires vint la prendre par la main pour lui faire visiter l'intérieur, tout sourire. Marie fut bouleversée par ce geste si tendre et spontané. Les enfants étaient ainsi. Les autres bambins vinrent les rejoindre. Tous lui parlaient, riaient. Avaient-ils compris qu'elle ne parlait pas leur langue ni ne parlait tout court ? Du coin de l'œil, elle jeta un regard vers Joris. L'homme observait la scène les bras croisés, le sourire aux lèvres. Puis il s'avança et posa au sol une grande caisse remplie d'objets en tout genre. Cela allait de cahiers à des peluches et autres jouets. Les petits s'y précipitèrent, pétillants de joie. 

Joris vint la rejoindre et la soutint jusqu'à une chaise. Sa cheville la faisait maintenant souffrir. 

-Ils t'aiment bien.

"Comment le sais-tu ? Je n'ai rien pu leur dire ni faire quoique ce soit."

-D'ordinaire, ils ne sont pas à l'aise avec les étrangers. Comme pour moi, ton sourire et ta beauté les a hypnotisé. Avec toi, ils se sentent protégés. 

Marie baissa la tête, gênée du compliment. Une femme d'âge mûr vint à leur rencontre et échangea une poignée de main avec Joris. Une discussion en grec s'ensuivit. L'homme désigna Marie et la femme se tourna vers elle avec un sourire.

-Bonjour, je m'appelle Mya. Je suis chargée de faire classe aux enfants.

"Ravie de vous rencontrer. Vous parlez également français ! Je suis impressionnée ! Ces enfants sont adorables, de sacrées boules d'énergie." dit-elle.

-Eh oui, je me suis spécialisée dans les langues. J'en parle six au total. Je suis surprise que les enfants aient été aussi à l'aise avec vous, ce n'est pas fréquent. Beaucoup ont des problèmes psychologiques, dû à des traumatisme dans leur enfance, expliquait-elle. Certains ont été maltraités par leur parents, d'autres abandonnés dans la rue. Nous essayons de leur apprendre à vivre avec tous ces événements perturbants et à leur offrir tout l'amour qu'ils méritent.

Elle hocha la tête, perdue dans sa réflexion. Mya retourna vers les bambins qui la sollicitaient de toute part. A les voir si joyeux, il était difficile de se douter de leurs dures expériences faites à un trop jeune âge. Prise d'un violent mal de tête, la jeune femme s'éclipsa discrètement dans l'arrière-cours. 

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