Chapitre 18

13.2K 1.1K 40
                                    

Marie sentait l'angoisse monter. Personne n'avait jamais vu ses cicatrices. Les exhiber ainsi, même devant Joris, la perturbait et faisait remonter dans son esprit de douloureux souvenirs. Mais le désir restait toujours bien présent. En voyant ses tremblements, Joris demanda :

-Tu vas bien ? Si ça t'ébranle trop, je veux que tu me le dises et qu'on arrête immédiatement.

Marie secoua vivement la tête. Elle le voulait. Mais elle devait également lui dire. Si elle ne le faisait pas maintenant, elle n'était pas sûre de retrouver le courage nécessaire pour lui avouer tout ce que Yahn lui avait fait subir. Cette fois-ci, ce serait trop long à épeler sur sa main. Elle se leva précipitamment et trouva son carnet posé sur la commode. Joris, intrigué, vint se poster derrière elle et lut au fur et à mesure. 

"Mes parents m'ont forcée à me marier à Yahn pour sa fortune. Mais ils ignoraient que Yahn attendait la même chose de mes parents."

Elle secoua la tête, l'air atterré rien d'y repenser. Et Joris comprenait parfaitement son geste instinctif. Se retrouver au milieu des folies dépensières sans avoir son mot à dire avait dû être désespérant et terriblement frustrant.

"Lorsque Yahn s'est aperçu que mes parents étaient aussi à sec que lui, il s'en est pris à moi. A cause de tout ça, il était coincé dans un mariage qu'il n'aurait jamais voulu. De même, mes parents se sont enfuis sans que quiconque sache où, pour fuir leurs créanciers. Certains disent qu'ils sont morts... Mais je suis certaine que tu connaissais déjà cette rumeur ?" leva-t-elle les yeux, un sourcil haussé montrant son scepticisme.

Joris avala sa salive en hochant de la tête. Ses recherches sur la jeune femme lui avaient permis en effet de connaître un certain nombre de choses sur elle. Même si elle désapprouvait ses méthodes inquisitrices. Soudain, il vit son regard se perdre sur sa feuille blanche, vide, perdu dans des souvenirs. Inquiet, il posa une main sur son épaule et elle sursauta. 

-Prend ton temps, murmura-t-il doucement, les sourcils froncés.

Elle se passa un main dans les cheveux tandis que sa respiration s'accélérait.

"En l'apprenant, Yahn a commencé à se montrer brutal avec moi."

Joris posa une main sur la sienne pour réduire ses tremblements et de l'autre, essuya une larme qui s'échappait de son œil. Puis d'un geste, il l'encouragea à reprendre. Avec difficulté car ses tremblements s'intensifiaient, elle s'empara du stylo qu'il lui tendait à nouveau.

"Ça a commencé par des paroles dures, injustifiées. Puis par des insultes suivis de coups. Il buvait. Beaucoup. Chaque nuit. Pour se défouler, il me fouettait avec sa ceinture. Je n'avais aucune liberté. Au moindre prétexte, il m'enfermait dans la chambre pendant des jours, sans eau ni nourriture."

Étreinte par un sanglot, son stylo tomba au sol dans un "clac" retentissant. Elle s'accroupit sur le parquet froid, les mains recroquevillées sur ses oreilles. Car non. Non, ce n'était pas le pire. Il avait fait autre chose hormis lui infliger les coups les plus terribles soient-ils. Comme dans un écho, les inquiétudes de Joris peinaient à l'atteindre. Vaguement, elle le sentait secouer ses épaules. Elle revint à la réalité lorsqu'elle perçut à travers ses larmes qu'il s'éloignait d'elle.  

Joris avait tellement eut peur en la voyant s'écrouler au sol... Il croyait sincèrement qu'elle était prête à se dévoiler. S'il avait deviné que ça n'était pas le cas, il l'aurait empêché de parler. Lorsqu'il vit à quel point elle peinait à respirer et que ses mots n'avaient plus aucun impact, il voulut chercher son téléphone pour appeler une ambulance avant qu'elle ne devienne bleue. Lorsqu'une frêle main attrapa sa manche de veste. Marie secoua faiblement la tête et récupéra son crayon. L'écriture était difficile à lire tellement sa main tremblait. Joris écarquilla les yeux en lisant, tandis Marie se recroquevillait davantage. 

"Il m'a violée."

L'homme plaqua sa main sur sa bouche. Une minute passa avant qu'il ne comprenne toute la portée de cette révélation. Une minute de silence... Puis il plaqua son poing sur le mur, le faisant trembler au passage.

-Merde ! hurla-t-il, la faisant sursauter. 

Marie n'osait plus lever les yeux sur lui. Elle savait déjà que son regard n'avait jamais été aussi noir. Sa fureur était égale à son traumatisme et à son silence aussi froid que de la glace. A l'intensité des coups qui avaient tranché sa peau. A la blancheur de ses cicatrices. A la douleur ressentie lorsque Yahn s'était enfoncé avec violence en elle. 

En voyant la jeune femme se recroqueviller contre le mur opposé de frayeur, Joris se força à se calmer. Elle avait peur de lui ! Sa colère était trop grande. Il imaginait cet homme poser ses sales pattes sur la peau fine de Marie, hurlante. Et cette vision lui faisait mal, terriblement mal. 

Qui sait ce qu'il pourrait faire s'il restait ici... Il récupéra ses vêtements et quitta la pièce. 

Marie vit une intense lumière passer par la porte grande ouverte, celle que Joris venait d'emprunter. Lorsqu'elle se referma, on n'en distinguait plus qu'un rai avant que l'obscurité ne se fasse totalement dans la chambre. Son cœur la brûlait, la torturait. Ses larmes ne tarissaient plus. Elle se recroquevillait jusqu'à devenir enfin invisible, ne plus exister. Une fois de plus, on lui prouvait qu'elle devait être seule pour ne pas répandre le mal. Tout était de sa faute. Si elle s'était tue, Joris ne l'aurais pas abandonnée comme il vient de le faire. Qu'allait-il se passer, à présent ? Il allait probablement la jeter à la rue. Elle avait tout gâché... 

Joris faisait les cent pas depuis trois heures dans sa chambre, bouillonnant. Yahn était mort. Et tant mieux car il aurait tout fait dans le cas contraire pour le retrouver et le tuer. Ses mains étaient égratignées à force de cogner les murs et le sol. Mais en attendant, Marie était toujours là. Plus belle et plus en détresse que jamais. Soudain conscient du mal qu'il devait être en train de lui faire, il se précipita vers sa chambre. Elle était toujours au sol, sanglotante, sans avoir bougé. 

-Marie ! Écris-moi quelque chose, n'importe quoi, dit-il en lui tendant le carnet.

Elle le prit dans ses mains mais n'eut même pas la force de le tenir et il retomba lourdement au sol. Joris fut frappé par le regard plein de larmes qu'elle leva sur lui. Brusquement, il la prit dans ses bras musclés.  

-Excuse-moi, Marie. Excuse-moi de m'être énervé, murmura-t-il en la tenant contre lui. Rien de tout ça n'est de ta faute...


AttractionWhere stories live. Discover now