Silence

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  Seule dans un coin de ma tête.

Entre les gens qui se bousculent.

J'ai l'impression d'être seule, au fond d'un trou sans fin, avec ses bruits horribles qui m'enlèvent l'envie de vivre.

Tout me gêne.

Des fois, ce sont de simples bruits de bouche, un objet qui tombe par terre, un tic tac d'un horloge voire quelqu'un qui parle...

Des fois ce sont des mots plus forts.
Comme ceux qui font mal.

J'aurais pas dû le faire. On m'avait pourtant prévenue! Mais que voulez vous, je suis bien obligée d'oublier ces mots qui résonnent dans ma tête...

Leurs mots. 

Eux je les hais comme je n'ai jamais haït personne. Eux se sont des démons, mes démons, ma pire peur et un film d'horreur.

En plus ils font mal! Au cœur et au visage. Tout les jours, sans arrêt.

J'ai finit par m'y habituer, je ne pleure que dix minutes chaque soir. Et j'arrive à dormir vers une heure du matin! Mais bon, je suis toujours grosse et moche. À force de ne manger que de la salade, on va croire que j'en raconte. 
Donc je n'en parle à personne.

Déjà parce que, franchement, ce n'est pas quelques chose de grave. 

Ça fait juste mal.

Mais aujourd'hui, les choses ont changées.

Il y a deux semaines en fait. 

Les écouteurs branchés dans les oreilles, j'étais obligée de couvrir les bruits qui m'entouraient, les moqueries, les rires, les insultes.

Pauvre connasse, personne n'aimerait avoir ta gueule!

Dégage, t'es pas déjà morte?

Tu fous quoi ici? Tu ne mérites rien, tu n'es rien, tu n'as pas de vie pauvre fille!

Montre ta sale gueule que je la mette sur internet! Haha! 

Ta mère a dû t'abandonner à ta naissance tellement t'es moche!

Ouais, t'as été adoptée!

Saleté!

Connasse!

Des fois j'ai envie de les frapper. De leur dire de la fermer.

Puis j'ai découvert la musique.

À fond toute la journée, elle m'a aidé à survivre.

Je ne pensais pas qu'elle m'aiderai à en finir.

Hyperacousie, m'ont ils dit... Mon oreille est cassée, aucun moyen de la réparer. J'ai pleuré toute la nuit.

Vous savez pourquoi? Parce que je ne supporte plus un bruit! Et plus on m'insulte, plus je rage, plus j'ai envie de silence.

Juste le silence.

Sans voix qui me hantent, sans ombre qui me suit où que j'aille, sans ces bruits devenus insupportables pour mes pauvres oreilles. Toujours avec mes écouteurs car la musique est la seule chose que je supporte.

Moi qui pensait être dans un trou, je suis maintenant certaine d'être dans une boite qui rétrécit peu à peu et qui attend que j'étouffe. Une boite remplie de bruits horribles, de chuchotements, de choses qui font mal.

Espèce d'intello!

Me touche pas gros porc!

Espèce d'autiste!

T'es nulle!

Vais-je finir par les croire?

Je sais pas, mais j'ai juste envie qu'ils se taisent.

Ouais, je suis comme ça, je veux que les gens se taisent pour mon propre bonheur.

C'est de ma faute si je me suis pétée les oreilles.

Arrêtes de respirer tu pollues le monde!

T'es grosse!

Regarde tes chaussures, tu vaux pas la peine d'exister!

Arrête d'essayer de vivre, ça sert à rien ma pauvre!

Je suis vraiment nulle.

Je ne mérites rien, même pas la vie. Mon propre corps n'en peut plus, à commencer par mes oreilles suivies de ces marques de coups partout sur mon visage.

Et de ces traces sur mes poignets.

Je suis une bombe à retardement, je vais exploser et c'est le bruit autour de moi m'a amorcée. 

Taisez vous! 

Je veux juste le silence.

Aaaaah, je voudrais tant être sourde!

Mon rêve le plus cher.

J'en ai marre de vos critiques! Elles me brûlent de l'intérieur!

Ces flammes seront mon tombeau.

Laissez moi...

Mais personne ne m'écoute.

Un couteau dans la main, je suis prête à réaliser mon vœux le plus cher: trouver le silence. 
Cette paix sans ces bruits horribles qui me tuent, ces gens qui me frappent, les insultes, les moqueries... 

Un jour je ne supporterais plus la musique.

Je ne veux pas que ce jour arrive.

Le couteau planté dans mon ventre, je pense à ma famille. Ils vont être tristes, ils vont s'en vouloir... Les pauvres, ils ne vont rien comprendre.

Ma soeur d'à peine huit ans qui découvre les joies de la vie, va savoir sa soeur morte. Les joies de la vie, tu parles!

Mon père, gentil, calme, agréable, s'en voudra pour toujours. Il va pleurer, se traiter d'incapable.

Ma mère, renfermée, froide, franche, curieuse, ne va plus jamais parler. Enfermée dans sa chambre, elle pleurera sa fille perdue.

Mais bon, tant qu'ils comprennent que tout ce que je veux, c'est le silence.

Je le sens déjà arriver, il est là! Je le veux, je l'attrape et le serre contre moi. Mon silence, finie la souffrance, je vois que la paix va suivre.

Morte, j'ai enfin déployé mes ailes.


Histoires comme ça...Where stories live. Discover now