Vois tu?

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Des pas résonnent.

Une voix vient briser le silence pesant.

-Tu vois la lumière, au fond du couloir?

-Fous moi la paix.

De l'eau tombe, goutte par goutte, sur le sol.

-Tu la vois?

Ces paroles résonnent une dizaine de fois avant de s'éteindre, comme une bougie sur laquelle on viendrait souffler.

Un léger bruit de crissement se fait entendre.

-Tu as peur?

-Laisse moi.

-Tu as peur?

Le silence redevient pesant. L'eau ne goutte plus. Reste le bruit d'un souffle, une respiration. 

Et des pas.

Un bruit de tuyauterie résonne sans qu'on puisse en deviner la provenance. Des grincements, des crissements, des gouttes puis un souffle plus fort s'ébruitent en concert comme pour empêcher le silence de revenir, comme pour le faire fuir. Tout résonne, tout devient plus fort. 

Un cri.

-Aah!!!

Les pas s'arrêtent. Tous les bruits aussi. Juste le son de quelqu'un s'effondrant comme une masse sur le sol.

-Tu as peur?

-Tais toi...

Le sol est froid. Froid et humide. Lisse à certains endroits, rugueux à d'autres, il n'y a aucun moyen de déterminer le lieu. Des bottes rappent contre le sol, un bruit de souffle de plus en plus puissants, il fait froid ici.

Une goutte lui tombe sur l'épaule, elle la sent si fort, comme si elle pénétrait dans sa peau. 

-Tu vas bien? 

Ces paroles résonnent dans le froid. Il gèle presque, c'est comme ci des flocons invisibles étaient venus se déposer sur ses épaules.

-... Oui.

Elle s'appuie sur un mur. Celui ci est fait de pierres. Humide, froid, dur et rugueux, elle s'y colle pourtant avec force. Ses doigts nus semblent se congeler, elle a peur de ne plus pouvoir les bouger.

-As tu peur?

Des pas résonnent à nouveau. Sa main s'appuie contre le mur de pierre pour ne pas tomber. Il fait tellement froid qu'elle est obligée de s'arrêter à plusieurs reprises pour réchauffer sa main.
Un bruit de souffle se fait entendre. Sa main retrouve un peu de chaleur mais celle ci disparaît vite, comme une illusion.

-Arrête avec... Tes questions...

La respiration devient plus forte. Les pas s'arrêtent et se fait entendre le bruit d'un corps tombant sur le sol. La douleur se ressent dans ses bras, son dos et ses côtes. Elle sent des larmes couler sur ses joues.

-N'abandonne pas! Il faut que tu voies la lumière...

-Aïe...

Elle ne peut plus se relever. C'est fini de toute façon, elle est coincée ici, dans le froid, dans l'humidité. 

Dans la douleur. 


Combien de temps est-elle restée par terre? Elle ne le sait pas. Elle sait encore moins si elle se relèvera. Sa tête lui tourne et la douleur persiste. Elle a si mal et si peur. 

Mais elle est restée ici assez de temps pour sentir une odeur nauséabonde. Elle lui pique la gorge et les narines, comme si elle lui écorchait la peau de l'intérieur. Cette odeur, insupportable et indescriptible semble maintenant régner en maître. 
Ça fait mal. Encore plus mal.

Elle ne veut pas de cette odeur. 
Un bruit de raclement. Des bottes contre le sol, un corps contre le mur, le mur froid, dur, rugueux. Une plainte, un soupir d'effort puis des pas.
Incertains, faibles, irréguliers.
Mais des pas.

Elle a mal, si mal, mais pourtant elle marche. Car un autre mal est venu la chercher. Cette odeur l'étouffe, elle a l'impression de mourir, qu'une graine s'est plantée dans son cerveau et que celle ci veut la détruire. 

Des gouttes tombent sur le sol.

-Alors? Tu la vois? 

Elle a peur. Une boule plantée au milieu du ventre l'étouffe encore plus que l'odeur. Maintenant sa fierté est mise de côté, elle ne désire qu'une chose.

-De l'aide...

-Pardon?

-Je veux... De l'aide...

-La lumière t'aidera.

Quelles sont ces paroles? Elle n'en comprend le sens. La peur qui lui tiraille le ventre vient se ficher au sommet de son crâne, dans sa tête. Elle se sent devenir folle, lentement, c'est un vrai supplice.
L'odeur, nauséabonde, piquante, puissante, semble lui exploser les narines. Le froid lui gèle les mains, les bras, les joues, le corps. Des bruits de grincements, de plus en plus forts, font vibrer ses tympans. 
Collée contre le mur, elle avance pourtant.

Elle se sent fantôme. Comme si elle n'existait plus. Comme si elle n'avait jamais existé. Ses jambes la supportent presque par miracle mais elle ne le sait pas, car elle ne les sent plus. Elle ne sent que le froid, l'odeur, ce froid qui s'incruste dans sa peau puis traverse sa chair, cette odeur qui la rend folle.

Elle tombe.

D'un coup.

Comme une masse.

Un bruit sourd. 

Puissant.

Plus fort que la dernière fois.

Cette fois si, elle ne se relèvera pas.

Pas dans ce froid. Pas avec cette folie planquée au fond de son crâne. Pas avec ce bruit qui lui explose les tympans.


Au début elle ne l'entend pas. Puis elle la différencie des autres bruits mélangés.

Une voix.

-Tu ne te relèves pas?

Pourra-t-elle ouvrir la bouche? En faire sortir un son? Elle est tellement faible...

-Je n'ai plus... De forces... Souffle t-elle.

-La lumière te réchauffera.

Elle n'en peut plus. Qu'est ce que c'est que ça encore? Cette voix, ne peut elle pas juste lui venir en aide? 

-Quelle lumi... ère? 

Elle a essayé de crier mais sa voix s'est coupée. Elle se met à tousser. Encore un effort, la rage au fond d'elle demande un effort.

-La lumière?! Crie t-elle avec une voix qu'elle ne reconnait pas, il n'y a pas de lumière! Je suis seule, les sons me tuent, l'odeur me tue, le froid me tue, mes sentiments me tuent,  tu... Tu...

Elle s'étouffe et tousse bruyamment. Cette fois c'est bien la fin. Elle a épuisé toutes ses forces jusqu'à la dernière. Elle n'a plus qu'à attendre que la mort vienne la chercher...

-Tu ne vois pas la lumière? Alors ouvre les yeux.

Les sons d'abord perçus détachés se rassemblent dans sa tête. Ouvre les yeux...
Aura-t-elle la force? Elle n'a plus aucune force, son corps est comme anesthésié. Elle respire lentement et de moins en moins fort, elle sent la fin s'approcher, comme une ombre qui viendrait la happer...

Non!

Elle concentre toute sa volonté en un seul point, une seule action. Volonté qui vient lentement soulever ses paupières.

Ça y est.

Elle voit la lumière.



Des épreuves te feront tomber, d'autres te feront te relever. Mais si tu ne les veux plus il suffit d'ouvrir les yeux.
Et de voir la lumière.

Histoires comme ça...Where stories live. Discover now