Jour 6 : les feuilles qui tombent

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J'ai rassemblé mes souvenirs
et essayé de me rappeler
du temps où c'était simple
mais je ne l'ai pas trouvé

Aussi loin que je me souvienne
Je n'ai jamais vraiment
été à ma place nul part.

Mes parents étaient
des gens sans aucune fantaisie
qui se cachait derrière des
règles illusoires.

Ils vivaient une vie bien tranquille
regardaient des
émissions choc
bien régressive
Et avaient eu un enfant
probablement parce que
tout le monde en avait

Pour autant je crois que j'ai été aimé.

Mes parents n'étaient pas des models de vie mais ils étaient
des parents irréprochables.
Ma mère restait à mon chevet
lorsque j'étais malade et
mon père m'apprenait à faire du vélo,
ce genre de choses.
alors je culpabilisais
parce que je ressentais
un manque inexplicable.

Lorsque mes parents
invitaient des amis
je les écoutais parler
mais dans tout ce qu'ils disaient
rien ne prenait sens

ils parlaient
beaucoup
mais ils ne disaient rien.

l'école
je crois que ça a été
réjouissant tout ma maternelle
et mon primaire

chouette j'allais apprendre
à parler et écrire correctement
apprendre tout un tas de choses
et après je pourrais construire 

mes points de croix 

une forme de couture

une forme populaire de broderie

et vivre ma vie pérenne

dans la cours je jouais
aux cow-boys et aux indiens
et à toutes sortes de jeux de rôle.

jusqu'à ce que j'arrive au collège
et que j'apprenne brusquement que peu importe ce que je savais je ne pourrais jamais dire aux adultes à quelle point ils se trompent et j'ai même commencé à être
traité comme un adulte :
On ne me parlait que de chose insignifiante, lourdes  et ennuyeuses.

J'ai commencé à m'éloigner des gens de mon âge qui n'étaient plus qu'une horde d'enfants conditionnés,
des adultes qui ne se géraient pas
le pire du pire.

J'ai continué mes études
malgré ça pour obtenir les diplômes qu'il fallait et pendant ce temps
je suis restée silencieuse.

J'ai quitté la maison dés que je l'ai pu

j'ai trouvé un petit appartement et je me suis inscris en physique.
je suis des cours par correspondance

Il y a bien eu des moments de joie

chaque année, pour les vacances d'été,
j'allais chez mes cousins, 5 frères
élevés par leur mère, ma tante.
Considérée comme la honte de la famille, la sœur de ma mère était pourtant la personne la plus sensée et vivante que je connaissais.
ils vivaient dans une petite maison près d'un lac dans laquelle tournait toujours un 45 tour. Personne ne s'excusait de faire du bruit, les gens s'enlaçaient sans honte. C'était pour moi la liberté.

J'avais demandé à Tante Arianne comment elle faisait pour être aussi heureuse alors qu'aucun homme n'était là pour elle. Elle avait ri et ses pommettes avait pratiquement cachées ses yeux comme chaque fois qu'elle le faisait. Elle m'avait regardé et m'avait dit que elle n'en avait pas besoin, qu'elle s'aimait inconditionnellement qu'elle n'avait pas eu mal quand ils étaient partis ces hommes parce qu'elle savait ce qu'elle valait, qu'elle était forte. Elle m'avait aussi dit qu'elle avait ses fils et que le soleil veillait sur elle.

Dans la fratrie, il y avait Gaëtan et Achille, ce n'était pas vraiment mes cousin puisque c'était des garçons que tante Arianne avait hébergée mais les autres enfants les considéraient comme leurs frères et elle les considérait comme ses fils.

Tous les six, nous faisions de longues ballades à vélo, nous mangions des glaces, et nous allions nous baigner dans le lac. Lorsque nous allions camper nous nous racontions des légendes urbaines à dormir debout. J'ai fait avec eux mes premières expériences, les cigarettes fumées en cachette le répulsif à la lavande dans nos cheveux pour masquée l'odeur et le mur qu'on faisait la nuit parfois pour aller marcher dehors sentir l'herbe sous nos pieds. La dernière chose,
je suis sûre qu'Arianne
le savait mais elle nous laissait faire.

En dehors du temps passé en groupe, j'étais beaucoup avec Gaëtan.
À lui seul je parlais de la ville, des adultes et des enfants conditionnés. Souvent il était assis en tailleurs par terre et il dessinait mais je savais qu'il m'écoutait. Il avait une valise en bois dans laquelle il mettait tous ses dessins. Et parfois je remarquais des ressemblances avec mes récits.

Il m'avait appris à danser la valse et le tango pieds nus dans l'herbe.
Si lui ou moi était énervé ou triste
l'autre l'emmenait au grenier pour danser au hasard les yeux fermés sur de la musique américaine.
On faisait de grands gestes,
on sautait partout.

Le matin, j'allais parfois me baigner au lac, j'aimais sentir le contact doux de l'eau. j'allais tout au fond et je restais là jusqu'a n'avoir plus d'air et alors je remontais. Je me souviens de mon maillot de bain rouge éclatant qui épousais mon corps et mes petits seins dont j'avais un peu honte.

Gaëtan est le premier garçon
avec qui j'ai connu les baisers volés, les  premiers désirs et les caresses les plus secrètes dont la beauté est resté tue parce qu'elle est un peu immorale.

Personne n'en a jamais rien su
et ces instants ne ce sont produits
que dans le secret d'une clé tourné à double tour ou la sûreté
d'un endroit abandonné.

Chaque année je les retrouvais avec
plus d'entrain tante Arianne, Gaëtan
et les quartes autres. j'appelais leur maison le chalet même si elle n'y ressemblait pas car c'était
un endroit sûr et chaleureux

Mais ma mère a fini par se brouiller
avec ma tante n'acceptant pas
leurs différences et probablement
par jalousie.

Elle n'a plus voulu que j'y retourne

et si pendant un temps, Gaëtan et moi s'envoyions des cartes postales nous avions vite pris conscience du risque que l'on courrait.

Alors je ne les ai plus revu et mon objectif était seulement d'attendre l'âge de partir pour me trouver un appartement blanc dans lequel respirer.

Je regarde maintenant
la plante verte
avec compassion.

Peut-être qu'elle aurait
voulu être un tournesol
peut-être qu'elle a été déracinée
trop tôt peut-être qu'elle n'a jamais voulu être là.

Le pot de fleurWhere stories live. Discover now