Chapitre 2.

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Louis.

(@aboutdemots) 


Son message me suffit pour comprendre où l'on doit se rejoindre et l'importance de son message. Je mets un pull, mes vans et je sors. Dehors, je m'allume une cigarette que je laisse brûler entre mes lèvres et me consumer les poumons jusqu'à arriver sur le toit.


Quand j'arrive, il est déjà là. Debout, à admirer le ciel étoilé du soir. Lui aussi, la cigarette fumante au bout des doigts. Et il est si beau, au milieu des astres brillants. Parce qu'il en est un, celui de ma vie. C'est l'être céleste autour duquel tout mon monde gravite. Et là, nous pouvons tous les deux sentir qu'il n'y a plus aucune attraction, que tout s'écroule. Nous sommes impuissants face à la force de notre amour. L'univers est déréglé.


Lorsqu'il se retourne, c'est le sol qui se dérobe sous mes pieds. Son regard est mortellement triste et vide. C'est moi qui ai fait ça, c'est de ma faute. Je l'ai tué. Il est mort à l'intérieur. L'amour est mort, depuis longtemps. Je l'ai brisé, étranglé de mes propres mains. Harry a essayé, à plusieurs reprises, de le sauver. Mais il n'a rien à faire. Il n'y a plus rien à réparer. L'amour s'effondre, s'éteint, et nous avec.


Une longue minute passe, silencieuse, où nous ne faisons que nous regarder. Autrefois, les regards suffisaient pour se comprendre, les mots n'étaient plus nécessaires. Mais à l'heure actuelle, et depuis des mois, ils ne sont plus assez forts. Ils ont cessé de briller, de nous faire vivre. Ils ne veulent plus rien dire. Ils ne se reconnaissent même plus. Nous sommes devenus des inconnus l'un pour l'autre. Deux planètes qui se tournent autour, s'attirent et se repoussent, mais ne se voient plus.


Puis il parle. Sa voix rauque, lente, résonne dans mes oreilles. Ses mots, eux, fracassent l'intérieur de ma poitrine. Je crois que mon cœur ne m'a jamais semblé aussi présent et douloureux qu'à cet instant.


Harry ne veut plus vivre dans le secret et les mensonges. Je ne peux pas lui en vouloir. Presque un an de relation et seulement quelques rares personnes sont au courant de la nature de nos liens. Ce n'est plus de l'amour. Plus vraiment. Ou alors, il est devenu tellement fort qu'il nous détruit, devient plus puissant que nous et n'a plus de sens. Lui comme moi, on ne supporte plus de s'aimer à s'en faire souffrir. C'est trop fort et ça nous tue.


Et ce sont mes mensonges, mes secrets. Ma honte, ma misérable vie d'égoïste. Peut-être que je veux garder Harry pour moi et le cacher du monde entier qui pourrait lui vouloir du mal. Mais peut-être aussi que je suis la seule cause de sa douleur.


Il m'aime, mais il a besoin d'un amour sincère. Et je ne sais pas ce qui fait le plus mal, entendre de sa bouche que notre amour ne l'est pas, ou me rendre compte qu'il n'est plus suffisant pour le rendre heureux. Il n'a jamais été dévoilé à la lumière du jour, et je doute qu'un jour j'ai réussi à apporter du bonheur à Harry.


Je serre les poings, porte une main tremblante à mes lèvres pour terminer ma cigarette. Elle a un goût amère, fade. Elle me brûle la gorge, m'incendie les poumons et j'aime ça. J'aime cette impression que tout brûle en moi, autrement ça fait longtemps que tout est mort à l'intérieur.


Harry me regarde, et je ne réponds pas tout de suite. Je passe mes doigts dans mes cheveux, marche vers quelques briques laissées là et empilées. J'écrase ma cigarette contre et me mets à rire. Un rire faux, douloureux, qui résonne comme un bruit infernal de fin du monde.


– Alors qu'est-ce que ça veut dire, Harry ? Tu me quittes, c'est ça ?


Mon ton est acerbe, je ne peux pas m'en empêcher. J'ai ce besoin irrévocable de lui faire du mal pour l'empêcher de m'en faire. Me protéger. J'ai toujours fait ça, et je crois que ça l'a détruit. Je crois qu'il en est mort à l'intérieur, lui aussi.


C'est à son tour de ne rien dire. Son silence parle plus que ses mots. Je n'ai pas besoin de l'entendre pour connaître sa réponse. Elle me broie déjà le cœur et me retourne l'estomac. Le vide présent dedans. C'est de l'air qui se contracte, et j'oublie de respirer. J'oublie de reprendre mon souffle le temps qu'il me délivre sa sentence.


Les secondes deviennent des minutes et les minutes des heures. C'est l'impression que j'en ai, en tout cas. Harry reste là, debout, face à moi. Son visage tourné vers mon corps qui tient à peine debout. Mes jambes ne me supportent plus. Je ne me souviens plus de la dernière fois que j'ai fait une nuit complète, la dernière fois que j'ai avalé un repas digne de ce nom, la dernière fois que j'ai souri. Cela semble si loin, une éternité, des années lumières.


La légère brise d'été, tiède, passe contre mon visage. Et je la sens, là, sur ma joue. Cette première larme, une goutte salée au chemin lent et interminable. Ma mâchoire se contracte, je frotte rageusement le dos de ma main en dessous de mon œil. C'est tout mon corps qui lâche prise.


Mais Harry me rattrape avant que je n'ai le temps de m'échapper. Aujourd'hui, il ne va pas me laisser fuir. Il prend mon visage entre ses mains et, contre toute attente, ses lèvres s'écrasent avidement contre les miennes.


Un baiser langoureux, passionné. Mes doigts s'accrochent à sa nuque, son dos, ses hanches, ses épaules. Je ne sais pas à quelle partie de son corps m'accrocher pour ne pas qu'il m'abandonne. Pour le faire rester. Mais c'est déjà trop tard, je sens qu'il me glisse entre les doigts. Je le sens, contre ses lèvres douces, chaudes et aussi tremblantes que les miennes.


Sa langue a la saveur de la cigarette et de la menthe, j'ai toujours aimé ça. J'ai toujours apprécié sentir le parfum de vanille sur son corps, ou l'odeur qu'a sa peau encore brûlante après une longue nuit à faire l'amour.


Ce baiser. Ce baiser a le goût d'adieu. Un dernier baiser pour mourir. Un dernier baiser pour s'aimer.


On se respire, se souffle, s'essouffle, se fond, se tue, s'embrase. Et il part, il s'éloigne. Plus vite encore que nos ombres nocturnes ne se détachent sous les rayons blafards de la lune. J'ai à peine le temps d'ouvrir les yeux, de reprendre mes esprits, qu'il n'est déjà plus là.


Je suis seul. Seul et en larmes, au milieu de ce toit désert. Harry est parti avec mon cœur et tout ce qu'il y avait de vivant en moi.

Amnesia.Where stories live. Discover now