Chapitre 3 - Sirius

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Je me souviens de la première fois où j'ai eu peur pour Alhéna. Nous devions avoir 5 ou 6 ans. Je me souviens que c'était en Automne car les arbres étaient recouverts de feuilles oranges et rouges et que j'avais trouvé ça magnifique. Alhéna m'avait entrainé, un soir, dans la clairière derrière chez nous, là où les arbres forment un cercle presque parfait. A l'époque, déjà, je me souciais de tout. Alors, lorsqu'Alhéna avait décidé de grimper à un grand châtaignier et m'avait quémandé de la rejoindre, je ne l'avais pas fait. Elle avait atteint presque la cime et elle s'était émerveillée.

« J'ai l'impression d'atteindre le ciel. Je pourrais presque peindre les étoiles d'ici. »

« Al, descends, nos parents vont s'inquiéter. »

Nous avions fait le mur ce soir-là, comme nous le faisions régulièrement pour regarder les étoiles. Cette nuit-là, les étoiles brillaient de mille feux dans le ciel.

« Al, descends. », avais-je répété en jetant des regards par-dessus mon épaule, m'attendant à tout moment à voir débarquer nos parents.

« Mais Sir, je veux toucher le ciel !

– Tu sais que c'est impossible !

– Pas si je monte plus haut. »

Alors qu'elle s'accrochait à une branche au-dessus d'elle, celle sur laquelle elle prenait appuie s'est craquée et Alhéna est tombée de deux bons mètres. Elle n'avait rien de grave, heureusement, juste une bosse et quelques égratignures. Mais j'avais eu très peur pour elle, et je l'avais ramené chez elle en pleurant.

Depuis, j'ai eu peur pour elle un nombre incalculable de fois.

Mais aujourd'hui, alors qu'elle s'est écroulée et demeure inerte, je n'ai pas peur, non, je suis terrifié.

Alhéna, Alhéna, Alhéna.

Je m'accroupis à ses côtés, pétrifié, hurlant son prénom en boucle.

Très vite, les gens s'affairent autour de nous, tentant de la ramener à elle. J'arrive à peine à discerner ce que les gens disent à travers mes pensées confuses qui s'agglutinent dans mon crâne, si ce n'est qu'elle respire toujours et qu'une ambulance est en route. Mes larmes brouillent ma vue et mon corps tremble, parcouru de sanglots. Je me sens impuissant, incapable de faire quoi que ce soit à part répéter inlassablement son nom. Alhéna, Alhéna, Alhéna.

Soudain, on me soulève et m'éloigne d'elle.

« Reprends-toi mon garçon. », ordonne l'homme qui m'a porté et qui se tient maintenant entre moi et le corps toujours inanimé d'Alhéna. Seule sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration me rassure sur le fait qu'elle est vivante.

Je cesse de crier son nom mais ne réussis pas à me calmer pour autant. Les gens sont de plus en plus nombreux autour d'Alhéna, si bien que, bientôt, je ne peux plus l'apercevoir et reste bloqué derrière la foule. Je suis incapable de bouger, incapable de me faufiler parmi les passants pour la rejoindre. Ma respiration se fait de plus en plus difficile. Je suis paniqué.

La sirène de l'ambulance me ramène finalement à la raison et, alors que les secours séparent la foule pour rejoindre Alhéna avec un brancard, j'en profite pour me frayer un chemin de nouveau jusqu'à elle. C'est à ce moment-là que je remarque qu'elle a repris connaissance. Un énorme poids s'enlève de mon cœur. Elle a les yeux ouverts et regarde à droite à gauche, me cherchant moi. Elle croise mon regard et, tandis que les ambulanciers la soulèvent pour la poser sur le brancard, je m'approche d'elle, lui prends la main et lui assure que tout va bien, que tout ira bien. On la conduit jusqu'à l'ambulance, et je la suis, ne voulant plus la laisser une seconde de plus toute seule. Malheureusement, on refuse que je l'accompagne, car je ne suis pas de la famille. Nous ne partageons peut-être pas le même sang, mais nous sommes de la même famille.

Rattle the starsWhere stories live. Discover now