Chapitre n°7 - Courageux ou stupide ?

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13 Novembre 2015

Je venais d'atterrir à l'aéroport et mes articulations étaient endolories par la longueur du vol. 7 heures assises sans bouger c'était pas le mieux pour la forme, puis je suis le genre de personne qui n'arrive jamais à dormir dans les transports. En bref mon corps était engourdi et en plus j'étais épuisée. Encore heureux que je n'ai aucune valise à porter, quand je suis partie sous une impulsion quelques mois plus tôt, j'avais tout laissé derrière moi. Autrement dit, mon appartement tout confortable et rempli de vêtements,  n'attendez que moi.

J'avais une boule au ventre depuis quelques jours, c'est pas que j'étais particulièrement superstitieuse mais rentrer à Paris un vendredi 13, rajoutait à ma nervosité. Bref comme à chaque fois que j'avais un mauvais pressentiment, j'avais une boule au ventre. J'espère que je ne vais pas vomir avant d'arriver chez moi...

 J'arrivais dans le hall principal des arrivées, quand je rallumai mon téléphone. Pendant que celui-ci s'allumait, je pris le temps de m'étirer longuement avant de prendre un taxi pour rentrer chez moi. Je m'en étais pas rendu compte, mais mon « vrai » chez moi m'avait manqué. Terriblement manqué.

Une fois ma carte SIM déverrouillée je recevais les notifications. J'avais 12 appels manqués d'un numéro que je n'avais pas enregistré. Bizarre. J'avais également des messages vocaux de ce même numéro. J'allais écouter le premier quand on téléphone vibra dans les mains. Ce même numéro tentait de m'appeler, encore. Habituellement j'évite de répondre aux numéros que je ne connais pas, mais 11 appels manqués c'était assez inquiétant.

- Oui, allô ?

- Julietta ?!?!

Je reconnaîtrais cette voix entre mille.

- Ken.

- T'es où ?

- J'ai pas envie de te parler là, oublie-moi une fois pour toutes.

- Non attend, raccroche pas.

- Quoi ?!

- Attends, t'es pas au courant ? T'es où exactement ?

- Pas au courant de quoi ? Je suis à l'aéroport ! Je m'apprêtais à prendre un taxi!

- Julietta ne bouge pas de l'aéroport, tu m'entends ?! Ne bouge surtout pas, je viens te chercher. Ne passe pas les portes.

- Bordel Ken je suis pas rentrée pour toi, c'est vache de m'appeler ! T'as pas le droit de me faire ça, pas après tout ce qu'il s'est passé. Pas cette fois-ci, je regrette. Je suis venue pour Laure, un point c'est tout. Pas la peine de te pointer à l'aéroport, je serais déjà rentrée chez moi d'ici là.

- Jules, je t'en supplie, pour une fois, écoute moi.

Il me suppliait? Il n'avait jamais fait ça, jamais ! Je remarquai seulement maintenant le ton de voix de Ken. Sa voix déraillait, il paraissait à bout de souffle, complètement désemparé. Il était en panique. Genre vraiment en panique. La dernière fois que j'avais entendu ce timbre dans sa voix c'était quand il croyait que des mecs avec qui il avait magouillé me menaçaient de mort alors que c'était juste Dimitri. Dieu, cela me paraît être il y a une éternité...Je pris alors conscience de ce qui m'entourait. Tout les gens autour de moi étaient au téléphones, certains pleuraient.

- Ken, qu'est-ce qui se passe ?

Ma voix était bien moins glaciale, c'était comme un chuchotement. J'avais une boule au ventre, j'étais toujours aussi sensible aux mauvaises vibes.  Quelque chose de grave est arrivé, j'avais un mauvais feeling.

- Apparemment il y a eu un attentat dans la capitale. Je suis pas à Paris, mon téléphone arrête pas de sonner j'ai dû emprunter le bigo d'un gars de la sécurité pour te joindre. S'il te plaît Julietta ne bouge pas jusqu'à que j'arrive.

- Un attentat ? À Paris ? Mais, comment ça ? Qu'est-ce qui s'est réellement passé ?

- Je ... euh... j'en sais pas plus. Promet moi que tu ne bougeras pas de là où t'es jusqu'à que je t'appelle ?

- Attend mais Ken t'as pas intérêt à te ramener à Paris. Reste là où t'es. Je refuse que tu viennes. C'est pas négociable.

- Promets Jules.

- Je.. promis .. mais ...

Il avait raccroché à la seconde où j'avais promis. J'avais été sonnée quand il m'avait annoncé cet attentat. J'avais pas réalisé, sur le coup. Mais je comprenais de plus en plus ce qui se passait, l'aéroport tournait à présent au ralenti, personne n'osait bouger. Tout le monde était choqué. Et moi qui devait attendre Ken ... attend! Ken ?! Non !! Il ne fallait surtout pas qu'il vienne !! Il se mettait en danger aussi ! J'essayai de rappeler le numéro, sans succès. J'essayai donc le numéro de Ken que je me rappelais, en espérant qu'il n'ai pas changé. Sans succès. Ken... non ...

Les télés de l'aéroport avaient été branchées sur la chaîne de BFM et les informations arrivaient au compte goutte, et chacune d'elles étaient assourdissantes. De plus en plus de monde pleurait. J'appelai Laure, elle n'était pas censée être à Paris mais je préférais m'en assurer.

- Allô ?

- Laure ! Oh mon Dieu, où es-tu ?

- Toujours à Bordeaux, qu'est-ce qui se passe ?

- Allume BFM. Je suis soulagée que tu ne sois pas à Paris. Il faut que je raccroche, j'attends un appel important. Je te rappelle plus tard.

J'attendais en effet un appel de Ken, j'avais peur que la ligne soit occupée au moment où il me rappellerait. J'envoyais des messages à tous mes contacts vivant à Paris, pour m'assurer qu'ils allaient bien quand une petite fille, qui devait avoir 12 ans tout à plus, s'approcha de moi. 

- Euh excusez-moi madame, mais est-ce que je peux appeler ma mère avec votre téléphone ? Le mien n'a plus de batterie...

- Bien sure mon ange. Tiens.

Je lui tendis mon téléphone bien volontiers, elle me faisait tant de peine. J'essayai d'imaginer mon petit frere dans la même situation et les larmes me montèrent aux yeux.

- Elle ne décroche pas ...

- Eh bien... comment tu t'appelles ?

- Clara.

- Clara, tu la rappelles en lui laissant un message expliquant qu'elle doit te rappeler sur mon numéro et tu restes avec moi jusqu'à qu'elle t'appelle. D'accord ?

- Oui, merci beaucoup madame !

- Julietta.

- Merci Julietta.

Pendant qu'elle appelait sa mère, je nous trouvai deux sièges sur lesquels on pourrait s'assoir en attendant. Quand elle vint s'assoir à mes côtés elle abordait une mine tellement triste ... je ne résistai pas avant d'entourer ses épaules de mon bras, pour tenter tant bien que mal de la réconforter. Une certaine solidarité s'installait entre toutes les personnes attendant dans cet aéroport. Certains parlaient de leur parents, d'autres de leurs enfants ou alors de leur femme ou mari.

Et moi, sans même culpabiliser, je ne pensais qu'à une seule personne : Ken. Ce n'était ni quelqu'un de ma famille, ni mon mari, ni même mon copain à vrai dire. J'avais envie de l'appeler, de lui hurler de rester là où il était, de ne surtout pas venir ici. Et s'il faisait une rencontre malencontreuse ? Je me rongeais le frein, mais je refusais de me laisser aller et de pleurer. Deux raisons. 

La première étant que pleurer c'était abandonner et je ne baisserais sûrement pas les bras, tant que j'ai pas de nouvelles de lui... comme on dit : pas de nouvelles, bonnes nouvelles hein ?! Et la deuxième étant, que je pensais à Clara, jusqu'à ce que sa mère arrive je me considérais responsable d'elle. Quoi de pire pour une jeune fille que de voir la personne qui s'occupe d'elle, se mettre à paniquer ?

Incompatibles - TOME 2Where stories live. Discover now