Chapitre 1

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PDV de Aloïs

Fatigué de cette longue journée, je m'autorisais deux minutes pour souffler. Mon métier était fatiguant et ce n'était pas nouveau. Pourtant je m'étais battu des années avec d'interminables études pour celui-ci. C'est ce que j'ai toujours voulu faire.
Peu importe à quel point mon métier était fatiguant, j'aimais ce que je faisais, j'aimais aider les gens. J'ai toujours était comme ça: aider, protéger, soutenir, écouter, faire preuve de compassion. J'avais toutes les qualités requises pour être psychologue, et mon envie d'aider aurait surpassé tous les obstacles du monde.

Il était déjà dix neuf heures et mon cerveau semblait sur le point de lâcher. Écouter les problèmes des gens en essayant du mieux possible de les aider était bien plus compliqué qu'il paraissait.
Je soufflais une dernière fois avant d'ouvrir la porte à mon dernier client. Je ne l'avais jamais rencontré et son dossier me paraissait bien vide. Kael Kane. Apparemment, ce serait un de mes confrères qui me l'aurait envoyé. J'ouvrais la porte de mon cabinet et l'appelait:

-Monsieur Kane ?

-C'est moi.

Une voix grave me répondit, rauque comme un grondement bas, puis un homme gigantesque et vêtu entièrement de noir apparut devant moi si brusquement que je sursautais. Était est-ce même possible d'être aussi beau ? Devant moi se tenait un homme aux cheveux aussi noir que ses yeux qui contrastaient avec la blancheur immaculée de sa peau. Sa carrure ne laissait aucun doute sur le fait qu'il devait possèder une musculature extrêmement développée. Tout en me serrant la main, il me sourit. Sourire qui n'atteint jamais ses yeux.
Pris d'une sueur froide et les sens en alerte, je me sentis soudainement mal à l'aise face à cet homme qui ressemblait étrangement à mon fantasme de l'homme parfait. C'en était déconcertant. Je me giflais mentalement pour cette réflexion. À déjà vingt-neuf ans, je réagissais comme un lycéen. J'étais célibataire depuis si longtemps que ça me montais à la tête.

-Vous pouvez vous asseoir là-bas, dis-je en me décalant légèrement de l'entrée pour le laisser passer tout en désignant le canapé juste en face de mon fauteuil.

Sans un mot de plus, il s'installa puis croisa ses longues jambes en me regardant sans jamais se départir de son sourire en coin.
J'avais l'impression de perdre tous mes moyens et mon cerveau semblait avoir décidé de me lâcher.

-Alors Monsieur Kane, il y a un sujet en particulier que vous souhaitez aborder ? Commençais-je en le regardant étendre ses bras sur le dossier du canapé, l'air parfaitement décontracté, semblant même apprécier la situation.

-Non.

Et bien, au moins, cela à le mérite d'être clair. J'avais déjà rencontré un nombre incalculable de personnes ne souhaitant pas me parler mais pourtant je me raclais une énième fois la gorge, cherchant à reprendre contenance et prenant mon courage à deux mains face à cette homme intimidant.

-Si vous le voulez, vous pourriez commencer par comment vous vous sentez, non ? Je pense que ce serait un bon début, fis-je avec un sourire rassurant et pourtant tremblotant. Décidément, il fallait que je me reprenne et vite.

Quelques minables secondes s'écoulèrent où l'on n'entendit que nos deux respirations, où son regard perçant ne lâcha pas le mien.

-Dites-moi docteur, pourquoi êtes vous devenu psy ? Gâcher une tel beauté dans un métier si fade, alors que vous auriez pu être tellement plus... murmura-il, laissant sa phrase en suspens comme s'il était pensif tout en tapotant de ses long doigt l'accoudoir du canapé dans un lent mouvement régulier.

Son regard était accroché au mien et il avait finalement posé sa tête dans le creux de sa main dont ses doigts étaient ornés de grosses bagues dans une attitude très décontracté. Mais malgré le ton malicieux de sa voix et son sourire joueur, je ne pus m'empêcher de le trouver toujours aussi froid. Peut-être était-ce ses yeux, semblables à une abîme profonde dans laquelle on pourrait se perdre et ne jamais retrouver son chemin. Ou peut-être était-ce moi qui me sentais emporté par son regard, sans la moindre résistance, dans un vide infini.

Je rougis de gêne, malgré tout flatté par ce beau parleur.

-Vous évitez le sujet ?

-Cela dépend, est-ce que ça marche ?

-Non, cela fait longtemps que je ne me laisse plus avoir par de beaux discours.

-Oh, êtes-vous un de ceux qu'on appelle tristement coeurs brisés ? La personne qui a fait ça doit être stupide pour faire du mal à une si belle créature.

-Je vois clair dans votre jeu vous savez. Vous savez manier les mots, vous prenez cette air de confidence et vous faites croire ce que vous voulez au gens, mais moi je ne suis pas stupide, répondis-je en haussant un sourcil taquin, lui montrant bien que j'avais vu clair dans son jeu.

-Vous pensez que je parle bien ? Vous savez, il y a un tas de choses que je sais bien faire.

Je le regardais dans les yeux, plongeant dans son regard comme un ultime défi, comme une provocation. À ma grande suprise, il souffla légèrement et reprit:

-Vous savez, je crois bien que même si je voulais vous parler, je ne pourrais pas, continua-t-il.

J'haussais les sourcils, interrogateur, attendant qu'il continue, au fond je m'y attendais: une réponse mystérieuse pour un homme mystérieux.

-Je crois que je vous mentirais. Parce que j'ai passé ma vie entière à mentir. Il y a certaines choses que l'on ne peut dire à voix haute, de peur qu'elles ne deviennent trop réelles. Des blessures que nous avons haï, nié, tu, par honte ou par envie de les oublier. Il y a des choses que jamais je n'avouerais, peu importe à quel point c'est douloureux, certains mots ne franchiront jamais mes lèvres.

J'étais légèrement déstabilisé par ce changement de sujet, il était devenu si sérieux, si honnête en une fraction de seconde.

-Vous voulez dire que vous préfèrez vivre en ayant perpétuellement conscience de votre douleur ?

-Je préfère oublier à quel point j'ai eu mal et j'ai mal. Peut-être que je ne fais qu'entasser les cicatrices mais je l'accepte. Certaines douleurs ne guérissent pas, vous savez.

Face à cet homme, face à cette franchise, je ne pus que rester silencieux. Cet homme qui semblait si fort, si courageux, si fier venait d'avouer ses faiblesses. Cet homme qui semblait pouvoir s'asseoir sur un trône et régner en maître sur le monde se mettait à nu devant moi, petit homme si insignifiant.

Sa tête soutenu par sa main, il me faisait penser à un roi, le monde lui appartenait, le monde était à ses pieds.

Il me regardait sans bouger, sans ciller, sans jamais se départir de son sourire en coin, il ne laissait montrer aucun sentiment. Il restait froid comme de la glace, comme si il parlait de la pluie et du beau temps alors que j'avais l'impression qu'il allait me révéler tous les secrets de l'humanité.

-Se taire pour mieux se reconstruire, continua-t-il en laissant tomber sa tête en arrière.

-Reconstruire sur un sol fissuré n'a jamais été une bonne idée.

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Salut les gars !!!
Et oui je reviens pour une nouvelle histoire qui sera sûrement courte, 5 chapitres je jpense.
J'espère que ce début vous aura plut ?!?!

Ma Lumière.[BOYXBOY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant