Chapitre 3

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Le footing du dimanche matin il n'y a que ça de vrai pour oublier, décompresser. Les soldats que je croisais me saluer à chaque fois que je passais devant eux. Ma mère ne comprenait pas, pour elle courir était une perte de temps considérable sur "mes futures études." 

En retournant à la maison, j'aperçus une voiture militaire devant la porte du garage. Je pris mon portable et éteignis la musique que j'écoutais. Mon coeur se mettait à battre de plus en plus fort, j'avais peur d'une mauvaise nouvelle. Je sautais par-dessus la clôture pour arriver plus vite à la porte d'entrée, j'écrasais au passage une douzaine de fleur. J'entrais dans la maison comme une furie. Ma mère était assise sur le canapé, je n'arrivais pas à définir ce qu'elle faisait. 


-Maman ? demandais-je d'une petite voix. 

-Oh! Entre Arizona! dit-elle avec le sourire. Regarde qui est de retour à la maison ! 

J'entrais dans le salon et posais mon portable sur le buffet. En face de moi se trouvait ma mère et à sa droite se trouvait quelqu'un que je chérissais et admirais plus que tout sur ce monde, cette personne qui m'avait donné envie de faire ce que je voulais faire de ma vie. Parmi toutes les choses fabuleuses que j'aurais pu dire à cet instant précis seul un "Te revoilà" sortit de ma bouche.

-Je pense qu'un "Je t'aime papa" aurait été mieux. dit-il. 
-Oh oui, je suis désolée c'est juste que je pensais pas que tu reviendrais de sitôt alors...
-Alors tu penses qu'un "te revoilà" me fait plaisir; 
-Je suis heureuse de te revoir, mais tu sais très bien que je peux pas du tout vous dire je t'aime et je ne vous le dirais jamais. 
-Sinon que mange-t-on? 
-Oh ça c'est simple, du pudding. dis-je. 
-Arizona! cria ma mère. 
-On ne mangera pas de pudding aujourd'hui ma chérie, c'est la première fois que je rentre au pays depuis des mois, alors pour mon premier soir je vous invite au restaurant. 
-Le petit restaurant en ville qui vient d'ouvrir? demandais-je. 
-Si ça peut te faire plaisir.

Je montais dans la salle de bain prendre une douche bien chaude. J'en profitais pour me raser un peu les choses, chose que je ne faisais qu'une fois toutes les deux semaines. En sortant de la douche j'enroulais mes cheveux dans une serviette, je m’essuyais le corps et j'enfilais un jean slim et un chemisier gris. Mon père était heureux de me voir, il devait donc voir qu'il avait réussi sur tous les domaines. Je me maquillais un peu et je me séchais et lissais un peu les cheveux. En rentrant dans ma chambre, j'enfilais ma paire de converse et mit mon portable à charger. 

Je fis un tour sur internet pour voir si j'avais quelques notifications. Aurore était encore passée par là, quatre messages et plusieurs publications sur mon profil ainsi que des garçons de mon lycée me demandant si j'avais fait mes devoirs pour que je leur passe. Ce que je ne fis absolument pas, chacun son problème après tout.

Je regardais encore une fois un forum de discussions pour des jeunes personnes voulant s'engager dans l'armée. J'y étais sous un pseudonyme bien sûr, mais au moins je pouvais me vider la tête et dire des choses que je pensais sans avoir peur des conséquences. Et j'aimais beaucoup ça. 
Une heure après mon père m'appela pour que je descende. Ma mère était déjà dans la voiture, mon père lui regardait des photos. 


-C'était il y a deux mois. dis-je. 
-Oh, j'étais en Irak moi.
-Papa...c'est bien le front ?
-Bien ? 
-Je suis désolée, je veux dire...
-Oui, c'est bien parce que je me sens utile. 
-J'aimerais bien me rendre utile moi aussi. 
-Tu le seras, dans l'hôpital militaire. 
-Ouais, je ne suis pas vraiment sûr de ça...
-Pourquoi ? 
-Le milieu médical ce n'est pas ma tasse de thé. 
-Tu n'as pourtant que des A...
-Oui, mais bon les notes ne font pas tout tu sais. 
-Oui, j'en suis conscient. Mon coeur, écoute-moi, fais ce que tu veux de ta vie. Sincèrement, personne ne t'en voudra.
-Maman si. 
-Ta mère c'est ta mère voyons. Allez, allons au restaurant et on en reparlera plus tard.

Dans la voiture, mes parents parlaient de tout et de rien, des nouvelles, des morts, des règles de l'armée. Mon père avait perdu son meilleur ami, il avait marché sur une grenade. Je sentais de la tristesse dans sa voix, un peu de nostalgie. Ma mère ne comprenait pas, elle parlait de mes futures études, je voyais mon père me regardait dans le rétroviseur. Je pense que quelque part en lui, il le sentait. Je pense qu'il sentait que je voulais suivre ces pas. 

-Quand j'étais petit, commença-t-il à dire, j'avais un rêve fou. Je voulais voler, mais malheureusement j'ai été recalé. C'était un rêve que j'avais et sincèrement je le regretterais toujours. Mais aujourd'hui je fais ma vie, je suis heureux de sauver des vies et oui, j'ai perdu des amis, des enfants, des familles et je l'ai sur la conscience, mais en parallèle j'ai sauvé de nombreuses vies. Même si j'en ai perdu beaucoup d'autres. Tom suit son rêve, et je pense qu'Arizona devrait faire pareil.

-Son rêve c'est d'être infirmière. Comme moi. répondit ma mère. 

-Et si je ne le suis pas, tu vas me renier ? demandais-je. 

-Non, bien sûr que non. Être médecin c'est magnifique aussi. 

-Maman, je ne veux pas être médecin, ni infirmière. 

-Tu veux faire quoi alors ?

-Rien, enfin, je ne sais pas encore. 

-Je peux finir mon histoire ? demanda mon père. 

-Bien sûr mon amour. Répondit ma mère. 

-Je pense que la vie vaut la peine d'être vécu quoiqu'on en fasse. J'ai besoin de savoir que mes enfants vont bien et également que mon épouse va bien. Et si j'ai choisi de me donner corps et âme dans la sauvegarde de mon pays j'en suis désolée. Mais mon rêve c'était d'être quelqu'un d'utile, et j'ai réalisé mon rêve. Tu as voulu être infirmière toi, Tom lui voulait être soldat, et Arizona..

J'écoutais les paroles de mon père en regardant la ville par la fenêtre. Il avait toujours su quoi dire, il avait toujours eu les mots pour rassurer. Je ressemble à mon père, j'ai les mêmes rêves, les mêmes objectifs. Malgré tout ça il n'y avait qu'une chose que j'avais en tête : un jour je serais un soldat.

« Je suis un soldat »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant