si je rencontre des montagnes, je les soulève

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     - Tadaaa...

Je fais un geste vague en direction du moulin, soudain gênée à l'idée de le montrer à Paolo. Et je me déteste d'être gênée à cause de cela. Reprends-toi Tiana, bon sang.

Il fait quelques pas pour s'avancer, lève la tête pour observer la façade dans son entièreté et sourit. Forcément, j'aurais dû m'en douter...

Je le devance pour ouvrir la porte et le laisse entrer, légèrement anxieuse à l'idée qu'il n'aime pas. Mince, je connais ce type depuis deux heures et je m'inquiète de la possibilité que mon « restaurant » ne lui plaise pas. Je suis vraiment pathétique.

J'entre à la suite de Paolo, qui tourne la tête dans tous les sens, essayant de capturer les moindres détails de l'endroit. Je reste derrière lui sans rien dire. Il finit par se retourner vers moi et je lui demande ce qu'il en pense.

- Il faut que tu m'expliques.

J'arque un sourcil, ne comprenant pas ce qu'il veut dire. Face à mon incompréhension, il développe sa pensée :

- Le concept, explique-moi comment sera ton restaurant.

Je souris, ravie qu'il pose la question. Pour l'instant, l'endroit n'a pas grand-chose d'un restaurant mais tout est dans ma tête. Je vois déjà l'entrée, des plantes grasses de chaque côté, un tapis rouge amenant jusqu'à la réception. Là, un employé emmènera les clients à leur table, qui seront situées au centre. J'imagine de grandes tables rondes, des nappes vertes, rappelant les nénuphars... Sur la droite, une grande cuisine équipée, à gauche, une scène pour l'orchestre de jazz qui jouera tous les soirs. Il y aura des plantes partout, pendant du plafond. Un immense lustre de cristal également, au centre de la pièce. Je serai cheffe cuisinière et chaque soir, je sortirai de ma cuisine pour discuter avec les gens, j'offrirai des beignets aux enfants... Et là, quand l'escalier sera réparé, je ferai une mezzanine, où il y aura d'autres tables qui auront une vue plongeante sur l'orchestre.

- Et je l'appellerai Tiana's Place, finis-je d'expliquer à Paolo.

Je suis essoufflée d'avoir couru dans tous les sens pour lui décrire le plus précisément mon rêve mais je ne peux m'empêcher de sourire. Je sens que mon but se rapproche de plus en plus.

Seulement, Paolo ne sourit pas, il fronce les sourcils. Alors mon sourire retombe aussitôt et je m'approche de lui. Je le dévisage, essayant de comprendre le fond de sa pensée. Après quelques secondes de silence, je pose enfin la question qui me brûle les lèvres.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi est-ce que tu fronces les sourcils ?

Il ne répond pas tout de suite, semblant hésiter. Il a presque l'air mal à l'aise. Mais sous mon regard insistant, il finit par répondre.

- C'est juste que.... Ton restaurant tel que tu me l'as décrit sera merveilleux Tiana, vraiment. Mais,

comment trouveras-tu l'argent nécessaire ? Je veux dire, d'après ce que j'ai compris, tu ne croules pas sous l'or, et pour un projet comme celui-ci, il te faudrait des centaines de milliers. Je suis désolé de te dire ça mais honnêtement, j'ai du mal à penser que ce soit réalisable.

Dire que je ne m'attendais pas à ça serait un euphémisme. Je suis énervée, surprise, triste, déçue et tout un tas d'autres choses à la fois. Après le sermon que je lui ai fait plus tôt, comment peut-il continuer à dire de telles choses ? Je sais que mon rêve n'est pas simple mais ce n'est pas pour autant qu'il est impossible. Évidemment, il me faudra, des mois, peut-être encore des années même, avant d'arriver au bout, mais j'y arriverais. Je le sais, tout au fond de moi.

Je me contente de hausser les épaules, n'ayant pas le courage d'argumenter une seconde fois pour le convaincre.

- Je t'ai déjà dit ce que je pensais tout à l'heure, je ne vais pas te le répéter. Tu crois ce que tu veux mais moi, je sais que j'y arriverai.

La Princesse Sans La GrenouilleWhere stories live. Discover now