Chapitre 13

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« L'homme est le seul animal qui sait qu'il va mourir » - Pascal

- Vous m'entendez ? Mademoiselle ?

Cette voix me semble venir de loin, comme un écho, mais je la perçois. Peu à peu, je retrouve certains de mes sens, et je peux sentir un masque qui recouvre mon nez ainsi que ma bouche. J'entends de nombreux bruits, il y a de l'agitation autour de moi. Mon corps est engourdi, j'ai affreusement mal à la gorge et la cage thoracique.
Finalement, je peine à ouvrir les yeux, la luminosité me paraît trop forte.
Une femme est penchée vers moi, et à peine ai-je ouvert les yeux, elle m'agresse avec une petite lampe pour inspecter la réaction de mes pupilles.

- Pupilles réactives.

À ce moment là, je constate que quelqu'un d'autre est penché vers moi, un homme en blouse blanche. Il y a quelques membres du personnel médical ici, je regarde autour de moi, et parviens à la seule conclusion que je suis dans un hôpital.

- Vous m'entendez ? répète cette femme.

Je hoche la tête.

Son chignon bien trop serré lui donne un air sévère, un stéthoscope autour du cou, une blouse blanche, tout ça m'est beaucoup trop familier.

- Bien, vous êtes à l'hôpital Bryséis, m'annonce t-elle, vous vous souvenez de ce qui s'est passé ?

Tout est flou, de quoi dois-je me souvenir exactement ? Qu'est-ce que je fais ici ?  Je me sens si faible, je n'ai plus d'adrénaline dans le corps, mes muscles sont endormis, mon âme fatiguée.

Je hoche la tête.

Après une batterie de tests, on m'a conduite dans une chambre, un des médecins m'a expliqué que c'est Eden et Chris qui m'ont trouvée. Visiblement, mon amie était toujours inquiète et à décider de passer chez moi avec Chris. Ils doivent probablement penser que j'ai essayé de me donner la mort. C'était peut-être le cas, ou peut-être pas.

Je n'ai jamais vraiment réfléchi à la mort, celle-ci ne m'a jamais inquiétée, et elle a été tout ce temps hors de ma portée, pourquoi aurais-je dû m'en inquiéter ? Il m'est arrivé, vaguement, de me demander qu'est-ce qu'il y avait après la mort, comme tout le monde j'imagine, sans pour autant que ça me fasse peur. On ne devrait pas avoir peur de quelque chose qui existe peut-être pas.
Mais aujourd'hui, j'ai revu les choses en perspective, peut-être que je n'ai jamais eu peur de la mort parce que je n'ai jamais été confrontée à elle, je n'ai connu que peu de décès au sein de ma famille, je l'ai peut-être sous-estimée. Alors oui, je suis contente d'être en vie, je ne sais pas vraiment à quoi je pensais, parce que non, je ne veux pas mourir, je voulais juste que la douleur s'arrête. Mais comment suis-je censée expliquer ça aux autres ?

La porte s'ouvre, Eden, Chris et Esteban entrent. Je ne peux décrire leur expression tellement elle est douloureuse, je sais ce qu'ils pensent. Aucun des trois n'ose parler, sûrement pour éviter de poser la question qui leur brûle les lèvres, je pourrais voir ça avec de la pitié, et ça fait mal.

- Posez-moi la question que vous mourrez d'envie de me poser, soufflé-je.

Les trois se regardent d'un air hésitant, et Eden finit par s'approcher. Un long soupir s'échappe de ses lèvres, elle est triste. Les voir comme ça me fait monter les larmes aux yeux, je me sens subitement honteuse.

- Pourquoi... commence-t-elle la voix enrouée, pourquoi tu as voulu te suicider ?
- J'ai pas voulu me suicider, réponds-je brutalement.

Mes trois amis se regardent, incrédules, avant de reporter leur attention sur moi. Pourquoi ne peuvent-ils pas juste me croire ? Ça m'attriste, ça me met en colère, ils sont mes amis les plus proches, n'est-on pas censé écouter avant de porter un jugement ? Surtout lorsque ça concerne un ami.

The Night is BlindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant