Chapitre 4 - Jules Foster pour vous servir

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Un bras vigoureux intervint. Les muscles bandés, tirant l'intrus en arrière de toutes ses forces, Keane s'interposa. Posté devant Yara, il faisait barrage de son corps tendu en une attitude de défi. Seule à la tenir désormais, la batte de baseball devint plus lourde dans les mains de Yara, l'obligeant à redescendre sur Terre. L'intermède aussi bref qu'intense était terminé. Ne restait alors qu'une empreinte douce amer, comme un cacao plein d'arômes, imprégnée en elle.

- Qu'est-ce que tu lui as fait, fulmina Keane.

- Rien de mal. Elle semblait emprisonnée dans un mauvais rêve alors je suis venu la réveiller. C'est tout, se justifia de nouveau le jeune homme.

- Mes fesses ! Je l'entends crier et je te retrouve dans sa chambre. Elle te frappait avec sa batte !

- Elle a eu peur...

- Donc tu lui as fait quelque chose et je vais...

- Oh c'est bon ! Si tu l'as entendu crier, pourquoi t'es pas venu plus vite. Au moins, on serait pas dans cette situation débile, avec toi qui joue les grands sauveurs alors que t'es juste à côté de tes pompes !

Keane perdit lui aussi patience et armait déjà son poing tout en lançant, vindicatif :

- Je vais t'arracher la gueule !

Il n'en eu toutefois pas le temps. La voix blanche de colère contenue de Stéphanie l'interrompit.

- Mais qu'est-ce qui se passe ici ? On vous entend depuis le bas des escaliers !

Les bras chargés de victuailles et arborant une mine aussi interloquée que courroucée, elle remplissait à elle seule l'encadrement de la porte empêchant quiconque de sortir. Keane se radoucit aussitôt devant son petit bout de femme. Elle avait beau avoir l'allure d'un mikado, son caractère relevait plus du pitbull.

- Ce n'est pas ce que tu crois ma chérie. Je n'allais pas me battre. Les apparences sont contre moi.

Un sourire échappa à Yara. Difficile d'imaginer Stéphanie gober ça. La scène qu'elle avait suspendue laissait un Keane les joues rouges, les yeux enfoncés en un regard rageur sous des sourcils froncés au point de se rejoindre. Non, c'était certain qu'elle n'avalerait pas cette couleuvre. La même réflexion devait s'être déroulée dans l'esprit de l'énigmatique ténébreux. Ingénument, il invoqua un prétexte galant envers la petite furie afin de s'éclipser :

- Donne-moi ça, Nanny.

Abandonnant son fardeau, Stéphanie se décala machinalement pour lui laisser le passage. Il sortit en sifflotant, un coup d'œil narquois en direction de Keane. Ce dernier penaud, allait devoir affronter sa chère et tendre en mode « Nanny » et la convaincre qu'il ne s'était pas apprêté à faire ce qu'elle détestait par-dessus tout. La soirée entière ne serait pas de trop.

- Je te jure que ce n'est pas ce que tu crois !

- J'aimerais mieux. Tu sais combien j'ai en horreur les types qui se battent à tout bout de champ. Hors de question que j'épouse un homme comme mon père.

Elle attaquait fort. La date du mariage était déjà fixée et la salle réservée.

- Mais je t'assure que ce n'était pas ça !

- Alors c'était quoi ?

La dispute s'annonçait longue. Déjà lassée de leur énième discorde et sachant pertinemment comment cela allait aboutir, Yara décida de sauter le déroulement et de profiter du petit espace créé par l'inconnu pour s'échapper.

Ce tourbillon d'événements lui paraissait encore surréaliste : la mort du juge et ses implications, son cauchemar, ce type dans sa chambre et ses amis les plus proches entrés chez elle. Tout s'était enchaîné trop vite et elle avait besoin d'une petite pause et surtout de tranquillité. Malheureusement, elle allait devoir attendre un peu parce qu'une priorité s'imposait à elle : retrouver celui qui un instant l'avait fait vibrer de peur, tout en ravivant une sensation oubliée depuis bien trop longtemps.

Bien que toujours méfiante, elle ne pouvait se défendre d'une pointe de curiosité envers cet étrange personnage qui avait semé tant de zizanie et s'en sortait étonnamment indemne, pour le moment. Et puis, il avait appelé son amie « Nanny »... surnom que cette dernière n'autorisait qu'à des personnes qu'elle appréciait réellement. Cela avait de quoi piquer son intérêt.

Elle tomba rapidement sur l'objet de ses recherches. Avec une attitude toujours aussi gaie et nonchalante, l'individu s'affairait dans la cuisine avec un naturel frisant l'insolence. Fouillant dans les placards pour les ustensiles dont il avait visiblement besoin, coupant, éminçant, faisant revenir à la poêle, il s'activait comme s'il était chez lui. Abasourdie par le personnage, Yara en avait oublié de réagir. Elle l'observait, sidérée et fascinée, les bras ballants. Lui était absorbé par sa tâche et pourtant il fut celui qui rompit le silence, prouvant par la même que rien n'échappait à son attention.

- Tu es venue pour retenter ta chance ?

Elle ne comprit pas tout de suite à quoi il faisait référence. Il insista :

- Va falloir mieux viser !

Indiquant de la pointe du couteau la batte qu'elle tenait toujours en main quoique plus mollement, il la narguait ouvertement, cela sans même lever les yeux de son ouvrage. Suivant du regard comme un robot ce qu'il montrait, elle se décida néanmoins à réagir. Elle posa son arme de défense en équilibre sur le mur de l'ilot de la cuisine et s'avança vers lui.

- Je vais te poser une dernière fois cette question : mais t'es qui, toi ?

Le ton employé était plus doux même si une note de défiance s'y décelait toujours.

Jules. Jules Foster pour vous servir Mademoiselle, s'exclama-t-ilavec emphase, une petite courbette mi-moqueuse mi-sérieuse en appui.

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