Chapitre 6 - Entre complicités et tensions 2

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Stéphanie et Keane vinrent rompre la bonhommie du moment, l'une par ses paroles et l'autre par son air bougon.

- Eh bah ça va mieux tous les deux, remarqua Stéphanie. Vous vous battiez et une seconde plus tard vous faites la cuisine comme un vieux couple.

- Je dirais plutôt qu'on fait connaissance de manière plus policée, rectifia Yara.

La porte d'entrée claqua violemment, surprenant les trois personnes restées à l'intérieur de l'appartement. Keane était en colère et le faisait savoir.

- Je m'expliquerai avec lui tout à l'heure, annonça Jules.

- Pas la peine, répondit Stéphanie. A son retour, il aura déjà oublié.

Le ton était catégorique, la parenthèse close. A l'attitude devenue quasiment revêche de Stéphanie pas question d'y revenir. Yara comprit le message et regretta que le passé ne soit toujours pas oublié ou à tout le moins totalement pardonné. Elle s'abstint de tout commentaire. Pourtant, elle doutait fortement que la mémoire de Keane flanche à ce point. Il avait toujours été un peu impulsif mais quelque chose de plus profond semblait l'avoir animé cette fois. Une animosité qui laissait présager un contentieux entre les deux hommes.

La tension devenant trop palpable, Jules fit diversion.

- Et sinon, on s'y remet ?

Les filles obéirent sur le champ et prirent rapidement le rythme. Les plats commencèrent à s'accumuler sur les plans de travail et dans le frigo.

- Pourquoi on fait tout ça au fait, interrogea Yara.

Elle indiquait le chantier qui encombrait à présent sa cuisine. Du tac au tac, Jules répondit :

- Bah...Pour toi.

Son ton un poil dubitatif interpela Yara. A priori, elle était censée savoir. Pourtant, sa mémoire lui faisait faux bond parce qu'elle ne se souvenait absolument pas de ce qui pouvait pousser ses amis et Jules à préparer de quoi nourrir un régiment entier.

Plus le visage de Yara devenait perplexe voire anxieux et plus Stéphanie arborait son joli sourire ultra blanc, très fière d'elle. Voyant qu'elle ne devinait toujours pas, elle s'écria :

- C'est ton anniversaire !

Yara pâlit. Une seule pensée traversa son esprit. "Oh non, pas ça !"

Stéphanie, elle, exultait.

- Pitié... pas ça, supplia Yara tout en arrêtant sa tâche et en posant les ustensiles de cuisine qu'elle tenait entre ses doigts.

Riant et tapant dans ses mains comme une enfant, son amie exultait.

- Non, Nanny. Je t'assure que je n'ai pas la tête à ça...

- Voici déjà une bonne raison. Ca va te changer les idées.

- ...Comprends-moi. Je suis claquée et épuisée moralement...

- En voilà une deuxième. Ca va te rebooster.

- ... J'ai tout sauf la motivation de cuisiner pour une fiesta...

- Menteuse ! Je t'ai vu à l'œuvre avec Jules.

- ...En plus, je suis toute poisseuse de la chaleur de la journée et je n'ai qu'une seule envie me doucher et me recoucher.

Le sourire s'évanouit des lèvres pulpeuses de Stéphanie. Le mode Nanny était de nouveau activé. Une petite ride entre les sourcils, ses fines narines légèrement dilatées, elle était déjà lasse de toutes les excuses qu'elle venait d'entendre. Elle ordonna sèchement :

- Bon t'arrêtes de faire ta rabat-joie maintenant et tu me colles immédiatement une tête réjouie sur ta trogne de coincée. T'as trente ans aujourd'hui ! Ça n'arrive qu'une seule fois dans une vie et c'est plutôt sympa comme événement. Enfin, quand on est normale... Alors on va fêter ça dignement et s'arranger pour que tu sois dépoussiérée de toutes les façons possibles. T'en a bien besoin !

Le langage était cru mais avait le mérite d'être percutant. Yara se tint coite, autant de vexation que par amitié. Elle ne voulait pas pousser à bout sa Nanny.

Ces derniers temps, elle s'était tout de même sentie un peu coupable de ne plus la voir. Son travail l'avait tellement accaparé qu'elle en oubliait de vivre. Elle ne le regrettait pas tellement, sachant les enjeux en cause, mais son cœur se serrait parfois de ne plus retrouver ses amis comme avant.

Esquissant un sourire un peu contraint, elle se remit au travail,résignée. Un soupir de soulagementéchappa à Stéphanie et un ricanement discret à Jules. Brusquement, les mots deson amie percutèrent Yara : « ...s'arranger pour que tu soisdépoussiérée de toutes les façons possibles. ». C'était bien ce qu'ellecraignait, le passé faisait de nouveau surface et elle avait un peu peur de laraison cachée derrière la présence de Jules. Si son amie comptait sur son étatd'ébriété pour lui fourrer un homme dans sa vie, elle allait être servie. Horsde question de tomber dans ce piège, même pour la rassurer avant son mariage.

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