Chapitre 13 - Dans la tourmente 1

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De longs bâillements échappaient à Yara tandis qu'elle longeait à pied les quais du lac Léman en direction du cabinet Leemer & Salvi. Elle essayait de repousser les souvenirs de la nuit précédente, mais le rythme de croisière adopté par une mère et son petit garçon devant elle, ne lui facilitait pas la tâche. Elle tenta de les doubler à plusieurs reprises mais dû y renoncer. Il y avait foule sur les quais et Yara n'avait pas à cœur de bousculer les passants aussi afférés qu'elle, en ce chaud début de matinée. Elle prit donc son mal en patience et laissa affluer les pensées que son cerveau voulait lui voir analyser.

La nuit de sommeil précédente avait été trop courte à son goût. Dormir trois heures, ce n'était définitivement pas assez. Malgré tout, elle ne se sentait pas si mal, ce qui l'étonnait beaucoup.

En effet, si la soirée en elle-même avait été mitigée, elle avait plutôt appréciée l'after. L'intermède avec Nolan avait eu le mérite de soulager les tensions sexuelles bien présentes ces derniers mois qu'elle n'avait pu prendre en considération plus tôt, trop surchargée de travail. Et si l'attitude de Jules avait laissé Yara démunie et très en colère au début, elle avait fini par relativiser et mettre la main à la pâte.

Il fallait dire qu'il ne lui avait pas laissé beaucoup de choix. Tandis qu'il s'était attaqué au désordre avec entrain, sifflant même des airs à la mode par moment, Yara avait, de son côté, imaginé plusieurs scénarii pour se débarrasser de lui. Mais aucun ne lui était apparu viable. Demander de l'aide aux voisins ? Les deux autres appartements de son palier étaient pour l'un vide, pour l'autre occupé par une dame âgée et sourde. Elle ne connaissait qu'une seule personne aux autres étages. Un homme jeune et, certes, bien sympathique mais occupé à gravir l'Everest. 

Elle aurait pu appeler la police, mais pour leur dire quoi ? Une connaissance récente est en train de ranger mon appartement après ma fête d'anniversaire. Ils lui auraient ri au nez en se demandant quel pouvait bien être le souci. Deux autres possibilités étaient envisageables : sortir à nouveau sa batte de baseball ou l'ignorer et aller dormir. La batte n'avait pas eu l'effet escompté la veille alors autant l'oublier. D'autant que cela aurait été un peu « too much » pour la situation. Quant à se coucher alors qu'un individu têtu et inconnu rôdait, il ne fallait même pas y songer ! 

A court d'idées, elle s'était, dans un premier temps contentée de se poster en tailleur sur son canapé et d'observer les allées et venues de Jules, l'air renfrogné. Il ne voulait pas lâcher l'affaire, parfait ! Ils seraient donc deux têtes de mule. Puis, la culpabilité avait pris le dessus et se traitant in petto de "gamine", elle l'avait rejoint pour nettoyer ce qui était, après tout, son problème à elle plus qu'à lui. Bien lui en avait pris d'ailleurs, car la conversation avec Jules avait été délicieuse. Il avait su avec tact rendre l'instant plaisant et amusant à souhait, comme lorsqu'ils avaient cuisiné ensemble. Quand elle s'était allongée sur son lit, elle avait été étonnée de sentir son dos moins raide, comme si des nœuds de tension avaient disparu. Son sommeil avait été profond au point qu'elle s'était réveillée sans se rappeler ses rêves, ce qui était plutôt rare.

Yara poussa un soupir et s'essuya le visage avec son mouchoir brodé, déjà ruisselante de sueur à 8h du matin. Quelques traces de fond de teint y restèrent imprimées.

Il faut que j'arrête de me maquiller la peau, admit-elle à contrecœur en son for intérieur. A peine posé et ma sueur casse le contouring. Ça coule et ça poisse... Ça fait tout sauf propre ! Il faut vraiment que j'arrête, insista-t-elle pour mieux se convaincre.

La même réflexion la frappait chaque été, depuis trois ans<. Il lui était, pourtant, difficile de renoncer à l'un de ses petits plaisirs quotidiens. Apprêtée en toutes circonstances, elle tenait cela de celle qui l'avait élevée. Mais le petit chemisier à manche courte qu'elle portait et qui collait à sa peau, lui rappelait une nouvelle fois que le monde d'aujourd'hui n'était définitivement plus celui d'hier et qu'il fallait s'adapter.

Le panneau d'affichage de la pharmacie, devant laquelle elle passait, affichait déjà 30°C. Cette chaleur oppressante entamait ses réserves d'énergie et la lassitude de son corps commençait à reprendre le dessus. Sa bonne humeur matinale s'effaçait petit à petit et être efficace au travail risquait de ne pas être sa priorité. Elle aurait déjà fort à faire pour ne pas somnoler alors même que ses paupières refusaient obstinément de rester ouvertes. Réprimant un nouveau bâillement, Yara se focalisait sur l'immense Jet d'Eau en bordure du lac, motivation sommaire pour continuer d'avancer quand plusieurs sonneries de téléphone retentirent à l'unisson. Celle particulièrement stridente de son smartphone attira toute son attention et la sortit de sa torpeur. Inquiète d'entendre ce son, elle ne perdit pas une minute pour sortir son téléphone de son sac à main noir, imitant par ses gestes les passants autour d'elle.

Affolée avant même d'avoir lu en entier la notification clignotant sur l'écran, son angoisse augmenta à mesure qu'elle parcourait des yeux le court paragraphe de mise en garde.

Alerte à la population
Episode climatique niveau rouge
Temps estimé avant survenue : 10 minutes
Type : orage violent avec risque de grêle élevé

Précautions à prendre :

- Ne pas sortir.

- Si vous êtes dehors, à pied, à vélo ou à trottinette, vous mettre à l'abri.

Si vous êtes en voiture, vous arrêter sur le côté et mettre vos warning.

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