45. Rien qu'un mauvais souvenir

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2100 mots


Ils sauront toutes vos faiblesses.

Si vous ne les connaissez pas vous-même, vous êtes perdu.

Kaldor, Principes


À Téralis, frapper aux portes n'était pas nécessaire. Les mages d'Arcs comme la primagister ou le maître-guérisseur voyaient venir l'aura de pensées qui précédait leur visiteur. Les soldats comme Jaren entendaient le moindre bruissement de pas, le moindre souffle d'air. S'ils étaient surpris, ils n'étaient donc pas sur leurs gardes ; auquel cas ils méritaient ce rappel.

Le bureau de Tibor n'avait pas même de porte, remplacée par une barrière d'Arcs semblable à la surface d'un lac, derrière lequel le maître-guérisseur se trouvait en son domaine, à l'abri de toute distraction ou visite impromptue.

Othon toucha la surface du miroir liquide, qui se rétracta aussitôt. Ce n'était qu'une extension de l'esprit de Tibor.

Le solain lui apparut de dos, penché sur une préparation. Le mélange bouillait dans un petit chaudron, posé sur des charbons qu'il ravivait en appuyant du pied sur un soufflet. À l'instar de son corps reconstitué à l'aide d'une prothèse de métal, tout l'atelier de Tibor était fait d'assemblages, d'amalgames et de réparations de fortune.

« Que veux-tu ? demanda-t-il en revenant à sa table d'examen, qu'il essuya avec un torchon issu d'une ancienne bannière militaire.

— Est-ce que je vous dérange ?

— Maintenant, c'est fait, bonhomme.

— Vous êtes un excellent maître d'Arcs, Maître Tibor...

— Ici, bonhomme, c'est « Tibor » ou rien.

— Mais vous n'avez pas été formé au magistère de Khar.

— C'est juste. Comment as-tu deviné ça ?

— Votre manière de faire. Vos connaissances ne sont pas celles du magistère. Et vous ne savez pas écrire.

— En même temps, le bras qui savait écrire, je l'ai perdu. »

Il agita son membre métallique patiné par le temps, qui prenait d'étranges reflets.

« Comment est-ce arrivé ?

— Ah, je suppose qu'on t'a parlé de la fameuse « histoire de Tibor », mais qu'on ne t'a jamais dit la fin. Pauvre bonhomme. C'est bien ici que ça s'est passé, à Téralis. Ça fait pas si longtemps, d'ailleurs, Seryn était déjà Prima à l'époque.

— On m'a dit que les démons...

— Tu as raison d'avoir peur des démons. Nous sommes des obstacles à leur avancée. C'est du moins comme ça qu'ils nous voient. La plupart n'ont pas de corps physique, pas tout à fait. Ils ne peuvent pas planter leurs dents dans ton mollet. Mais ils trouvent d'autres moyens, oui, d'autres moyens... je crois que tu en as fait l'expérience, l'autre jour, gamin. C'est toi qui étais en ronde quand l'araignée intermédiaire a tapé à notre porte ?

— Elle a essayé de me faire descendre du chemin de ronde.

— Ah, je connais ça. »

Ayant remué encore un peu sa décoction suspecte, Tibor donna un coup de pied dans les charbons pour éteindre les braises.

« C'est arrivé quelquefois. Crois-moi, nous sommes facilement influençables.

— Est-ce qu'il y a un moyen d'empêcher ça ?

Sol FinisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant