Chapitre 15

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Trois mois après cet épisode chaotique, Jules et moi sommes seuls. Avec sa tortue, pardon. Mon père nous a quittés, un mois et trois semaines après notre sortie de l'hôpital. Nous étions sur pieds. Son départ m'a chamboulé. J'ai cru le perdre à nouveau. Rajouter ça par-dessus la dépression n'a rien arrangé, mais je me suis tu. Jules était bien plus mal que moi. Elle avait besoin de soutiens. Encore aujourd'hui, je doute qu'elle ait balayé le passé. C'était bien trop rapide à mon goût. Si elle me ment, c'est uniquement pour me protéger et je n'aime pas ça. Nous sommes un couple. Nous devons nous entraider... dis celui qui cache encore des petits détails insignifiants !

Désormais, nous vivons ensemble, dans ma maison. Mon père nous rend visite les week-ends et repart en Amérique pour son travail. La semaine, nous travaillons à Luna Éditions. Les débuts ont été difficiles. Je ne cessais de penser à Jules, seule dans son bureau. Je faisais jusqu'à faire dix aller-retours pour m'assurer que tout se déroulait bien. Puis, au fil du temps, nous avons contrôlé nos peurs. Jules ne m'envoyait plus de mail toutes les heures et je n'accourais pas dans son bureau.

Pendant de nombreuses années, j'étais seul. Avoir une femme, qui plus est ma femme, vingt-quatre heures sur vingt-quatre m'a dérouté. Je faisais tout seul. Mangeait, dormait, regardait la télévision.

Aujourd'hui, ma vie a changé. Je prépare à manger à deux, je me couche en compagnie de ma femme et je vais jusqu'à me doucher avec elle ! Autant dire que les débuts étaient sacrément stressants. Je me retenais de roter ou lâcher des gazes de peur qu'elle se foute de moi. Je doute qu'il fût de même pour elle. Un jour, j'ai crevé l'abcès et lui ai dit que ce n'était pas bien de se retenir. Même après cette discussion, nous restons très discrets.

— Jules ! m'écris-je. De l'huile d'olive sur ta salade ?

— Oui, merci ! me répond-elle de la salle de bain.

J'attrape la bouteille et verse un filet d'huile sur la verdure posée dans une assiette creuse. La mienne est assaisonnée avec de la vinaigrette. Quand Jules revient, tout est terminé. Elle n'a plus qu'à mettre les pieds sous la table. Nous nous installons sans dire mot.

J'ai besoin de lui parler. De savoir ce dont elle attend de nous, de moi. Avec les événements passés, j'ai fait un choix. Ne plus fuir mon avenir et oublier ce qui m'a détruit. À commencer par Anaëlle. Je me promets de tirer un trait sur ma courte vie avec elle. Cette femme m'a appris pleine de choses. Le français, pour commencer, mais aussi la trahison. La peur, la haine, la vengeance. Elle m'a transformé. Ce n'est pas que je regrette, mais j'aurais aimé une meilleure relation. Basée sur la confiance et l'amour. Nous n'avons pas pu nous l'offrir.

Ma relation avec Jules est bien différente. Je découvre enfin ce qu'est l'amour et le regard qu'une femme amoureuse a. Quand elle glisse ses prunelles remplies d'amour et de désir, je me sens tomber plus fort amoureux. Nos liens sont puissants. Ils nous ont aidés à surmonter l'alitement et son horrible phrase. La dépression suite aux horreurs que nous avons vécues. Si une étape aussi grave est passée, nous pouvons tout surmonter. Mais seulement ensemble, mains dans la main.

— Jules ?

Elle redresse son nez de son assiette et m'avise avec un air enjoué. Stressé, je passe ma main dans mes cheveux. Je dois me lancer.

— Maintenant que nous habitons ensemble...

— Oui ?

— Nous deux... enfin..., bégayé-je. Je...

Je suis bel et bien incapable de prononcer à haute voix mes mots. Dans ma tête, mes phrases sont toutes faites. Même mes gestes. Le constat est sans appel. Je suis faible devant son regard brûlant, qui me transperce.

Jules Becker - Tome 2 EmpriseWhere stories live. Discover now