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- J'ai un message pour Kim Taehyung. 

- Parle. 

- Le poisson a mordu à l'hameçon. 

Sourire. C'est le gamin de la dernière fois, celui de Lance avenue. Il attrape la pièce qu'on lui tend et décampe. Kim Taehyung est soulagé, il a soit-disant vengé son père, il a à nouveau tiré. Mais le mince sourire qu'il s'autorise disparaît. Yoongi n'est pas satisfait, et c'est pire. Pire que tout.

Il se retourne dans son lit, s'affole un instant. Mais non, tout va bien, il a envoyé Jungkook négocier. Et s'il n'a jamais eu aussi peur de sa vie, c'est qu'il n'a pas peur si souvent. Il est Kim Taehyung, bordel. Kim Taehyung n'a aucune raison d'avoir peur. 

Pas vrai ? 

Il s'allume une cigarette, assis sur le bord du lit défait. Un instant, il pense à son père. Mais un instant seulement. Faut pas penser à ça, les morts peuvent plus faire de mal à qui que ce soit.

Dans un parc pas si loin, y a Jungkook dans une veste en jean, Jungkook avec son look un peu trop bien soigné pour un aussi mauvais gamin. Dans le même parc, y aussi Seokjin, avec son style un peu trop propre pour le malfrat qu'il est. Ils font tous un peu semblant, de toute façon. 

Ils échangent quelques mots, et les gamins du quartier sont trop loin pour entendre. Ils ne voient que le grand sourire de Kim Seokjin, un sourire sans doute beaucoup trop grand pour l'affaire qui se joue. Mais tant pis. Il se marre, Seokjin, il sait qu'il va gagner. Il sent qu'il a choisi le bon camp dans la bataille qu'on n'a pas encore vue venir, et c'est la meilleure sensation qui soit. 

Kim Taehyung peut se rendormir tranquille, son plan va marcher. 

Ils se serrent la main, l'air grave ou trop heureux, et s'éloignent chacun de leur côté. L'histoire continue. 

Il sifflote, Seokjin, dans les petites rues du centre-ville. Il devrait tout de même regarder par dessus son épaule, Seokjin, sait-on jamais. Il n'a peut-être pas vu la prochaine venir. Paraît que ça arrive même aux meilleurs. Son grand chapeau aux larges bords ne lui épargne que peu d'angles morts et les rues sont dangereuses, ces temps-ci. Y a des trahisons plein la ville, et ça pue. C'est Namjoon qui le dit et Namjoon a toujours raison. 

Seokjin rentre chez lui, le cœur léger, la bourse pleine. Seokjin pousse la porte de la pension où il loge pendant son passage en ville, Seokjin ne regarde pas devant lui. Il aurait du. Hoseok lui saute dessus avant qu'il ait eu le temps de ranger ses clefs. Des bras autour de son cou, des mains sur ses yeux. Il se débat tant qu'il peut. Le grand chapeau blanc se fait piétiner. Des bras, des mains, un pied dans la figure, des cheveux roses. Quel bordel. 

Quand Namjoon arrive à l'hôtel quelques heures plus tard, il n'y a plus que le chapeau plus vraiment blanc sur le tapis, devant la porte. Et les clefs toujours sur la serrure. Seokjin le trafiquant d'armes a disparu quelque part. Alors Namjoon fait comme il fait toujours.

Il s'assoit et réfléchit.

Mais ça ne dure pas longtemps. Il se relève, rentre dans la grande chambre saccagée. Ils ont pas pris grand chose. Quelques grenades, peut-être un flingue. Le gros du butin est déjà loin. Namjoon part à l'accueil et passe un appel. Pas un mot au sujet d'une disparition, pas besoin d'alerter la ville entière, non plus.

- Jungkook ? Il faut qu'on se voie.  Ramène ton gars cette fois. Même endroit même heure.

Kim Seokjin a disparu. Est-ce que Hoseok a gagné pour autant ? Tout reste à prouver. On ne sait même plus qui se bat contre qui.

Près de Finsbury square, y a une longue voiture rouge garée sous un arbre mort. Pas une égratignure. Et sur le capot, y a une fille avec une casquette. Et à côté, un gars sans. On est en plein jour et ces gens-là travaillent, chacun à leur manière. Ses talons pendent dans le vide pour ne pas rayer la voiture. Une vraie professionnelle. Et lui la regarde en coin, les yeux plus creux que ceux d'un mort. C'est terrifiant. La lumière est découpée sur son visage, des ombres se dessinent un peu partout. Ils ne se connaissent pas. Elle lui prend sa cigarette des mains et la porte à sa bouche. C'est tellement cliché, comme geste, que ça ne peut pas être improvisé. Et tout le monde le sait.

Elle l'a amené là en lui promettant des renseignements. Trop facile. Il est venu en sachant très bien que c'était un piège. Évident.

Et puis voilà qu'ils se partagent une cigarette comme deux vieux amis, sur un capot à l'ombre des arbres. Il n'a pas encore été question entre eux de renseignements ni de menaces de mort. Rien qu'une entente intelligente entre un traitre et une espionne. C'est à ce moment-là qu'on commence un peu à s'écarter du scénario original.

- Tu bosses pour qui ?

- À ton avis ?

- Peut-être que j'ai pas envie de le savoir, en fait.

Serait-ce l'ombre d'un sourire, sur son visage ? Nul ne peut déceler le mensonge. Elle est douée, Sofia. La meilleure de toutes. Des ombres et des lumières entre ses yeux et ses lèvres. 

- Alors je pourrais te revoir qu'on en discute ? 

- Prévois quelques billets. Chambre 213. Au Brownlow.

Il acquiesce sans sourire et descend de la voiture, agile, et s'éloigne mains dans les poches, tête nue comme un adolescent. C'est étrange, ce qui lie ses deux là. Elle doit le tuer. Elle est payée pour ça. Et lui fonce dans la gueule du loup, de son pas calme et mesuré. Ça n'a aucun sens.

Sofia aussi le sent. C'est trop facile. Min Yoongi cache quelque chose.

Et si encore c'était surprenant.

Fous le camp - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant