Fous le camp - Taekook

08

Le ciel est tombé sur Jungkook, alors il est couvert de pluie. Toujours sur ce même banc dans ce même parc, il attend.

Il a presque peur, ce jour-là. Presque. Un autre jour, il demandera peut-être un flingue à Taehyung. Là tout de suite, il se fait l'impression d'un pantin de chiffon, complètement à la merci de tout assaillant venant le tuer pour de bon. Un regard croisé par mégarde, et il se retrouve avec une balle dans le crâne. C'est pas si facile, la vie d'un mort.

La veille, sur ce même banc, c'était différent. Kim Seokjin n'avait pas encore disparu. Ils avait pu  parler calmement, préparer tout naturellement leur petite guérilla. Tout devait marcher, ça semblait si facile.

Mais Seokjin a disparu.

À côté de Jungkook, y a Taehyung. Taehyung qui fume sa clope, l'air grave et le visage fier. Comme ça, on pourrait presque croire qu'il n'a jamais peur. Jungkook a presque envie de l'engueuler, de lui dire de se méfier, pour une fois. C'est peut-être eux, les prochains. Ils ont tant d'ennemis, et eux tant de recoins sombres et de chances de les dénoncer. 

Namjoon apparaît comme par magie depuis derrière les buissons. C'est n'importe quoi. Mais il est trop intelligent et trop triste (il paraît) pour ne pas être prudent. Taehyung est presque tenté de se foutre de lui. Il se retient juste à temps. 

- Qui a enlevé Seokjin ? 

Le chef du gang (il paraît) écrase sa clope sous son talon dans le sable trempé du parc et plante son regard un tant soit peu charismatique dans celui de l'étudiant. 

- Yoongi, sans aucun doute. Je sais pas comment il a fait, mais il est pas complètement stupide, il a du se douter qu'on préparait un truc. 

Un silence. Cette fois, c'est Jungkook et Namjoon qui échangent un regard. Taehyung déteste ça. Et puis la cabine téléphonique du coin sonne, les trois sursautent, personne ose répondre. Alors Jungkook pousse un juron pas vraiment assez distingué pour son personnage et se lève. 

Taehyung déteste ça. 

Il le regarde depuis le banc, une main sur son flingue et l'autre pas trop loin de Namjoon. Ce gars-là, il le connaît pas. Et Seokjin était un traitre, de toute façon, on peut pas leur faire confiance. Taehyung voit Jungkook froncer les sourcils, se pincer les lèvres, raccrocher. Il n'a pas dit un mot. 

Soudain, il écarquille les yeux et crie un truc. Personne comprend mais tout le monde sait qu'il faut décamper. 

Même Namjoon court à s'en décrocher les hanches. Derrière eux, une cohorte de gars à vestes en jean, sans doute des gars de Jimin. Ça se voit à leur peau plus recouverte de pansements que nue, à leurs gueules un peu absurdes, à leur air perdu même quand ils courent droit devant eux. Heureusement que leur leader peut à lui seul rattraper toute la classe qui leur manque. 

Ils tirent des coups de feu vers le fond de la rue. Et bien sûr, c'est la seule rue de la ville qui ne débouche que sur des impasses. Même si ça n'a aucun sens géographique, c'est vrai, dans les films comme celui-là. Et ils courent tellement vite qu'ils trébuchent pas. C'est presque magique. Taehyung tient sa casquette d'une main pour ne pas qu'elle s'envole. 

Ils finissent par tourner dans une rue. C'est une de ces impasses qui se terminent par un grillage. Alors ils sautent sur les toits des voitures et parviennent à s'échapper avec un talent digne des plus grands gymnastes. Faut comprendre, ils ont fait beaucoup de grandes bagarres et de courses poursuites. 

Ellipse. Petite pièce sombre, lumière jaune dégueulasse, chaise entre quatre murs nus. Seokjin. Et en face de lui, Hoseok, qui a l'air un peu malade dans l'éclairage glauque. En même temps, il a l'air de pas mal s'éclater de la situation. Faut le comprendre. Le marchand d'armes n'a même plus la plus misérable grenade ou le moindre flingue de poche. 

Ils ont pas grand chose à se dire. Mais ce qui faut comprendre, c'est que Seokjin est dans la merde. Mais que Namjoon l'étudiant en art va venir le sauver, d'une manière ou d'une autre. 

Yoongi rentre dans la petite pièce et sourit en voyant Seokjin. Lui fait plutôt la gueule, et ça s'arrange pas quand il voit Yoongi. Il sourit jamais, Yoongi. Et c'est terrifiant. 

- Tu croyais vraiment t'en sortir comme ça, hein ? Avec quelques unes de tes blagues de merde et une chambre d'hôtel en ville ? 

- Je t'avoue que je m'attendais à une vengeance plus spectaculaire. En fait, je suis presque déçu. 

Yoongi rit. C'est vraiment pas bon signe. 

- Oh mais t'es bien impatient mon cher Seokjin. Ça arrive. Je viens d'avoir Jungkook au téléphone, tu sais. 

Et puis il part, Yoongi, en souriant tellement trop. Et même qu'une fois dehors, il sort une clope. Et même qu'il a plus de casquette. Mais quand il entre dans l'hôtel Brownlow, on le laisse passer. Et quand il toque à la porte 213, elle s'ouvre. 

Quand Yoongi entre, il ne sourit plus tout à fait comme avant. Il est concentré. 

Sofia se tient devant lui, veste de cuir et jean elle aussi. 

Et c'est comme si tout le reste n'était qu'une introduction. Elle, vous ne la connaissez pas et lui, à peine. Elle est un peu ce personnage que les scénaristes sortent de leur poche quand ils ne savent plus quoi faire. Mais la vérité, c'est qu'elle était là depuis le début, à attendre son heure. 

Le jeu le plus intéressant peut enfin commencer.