Chapitre sept

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Sa journée de travail était calme. Beaucoup trop calme aux yeux de Namjoon. Il aurait aimé prétexter le peu de client pour retrouver la chaleur agréable de son appartement. Il avait proposé à son employeur de reporter ses heures de travail, mais le regard mauvais de celui-ci l'avait rapidement dissuadé de continuer son argumentaire. L'étudiant avait regagné la caisse, une moue renfrognée déformant les traits de son visage.

A seulement quelques mètres de lui, Lee Dongyul faisait du charme à une jeune étudiante. Elle semblait profiter de ses vacances pour étudier ses quelques cours autour d'une tasse de thé fumante. Namjoon la soupçonnait de se rendre au café seulement pour entendre les doux mots et beaux compliments de son collègue. Cette scène était assez habituelle. Namjoon avait énormément de peine pour elle. Dongyul était une bonne personne. Il ne souhaitait cependant pas se poser avec une autre personne. Il profitait de sa jeunesse.

Ses pupilles noires rivées sur l'écran de son téléphone portable, Namjoon consultait ses quelques réseaux sociaux sans réel intérêt. Il souhaita un joyeux anniversaire à quelques connaissances, aima quelques photographies originales ou égocentriques, et retweeta quelques réflexions amusantes. Son employeur ne semblait pas vouloir les reprendre et les forcer au travail. Il avait conscience du peu de clients et de l'ennui de ses employés. Il ne voulait cependant pas leur permettre de rentrer plus tôt.

Le léger et désagréable tintement d'une clochette retentit dans la salle presque vide. Elle annonçait l'arrivée d'un client. Namjoon aurait été capable de le prendre dans ses bras pour l'avoir tiré de son ennui. Il rangea son cellulaire dans la poche arrière de son jean délavé d'un geste précipité et offrit un sourire poli au client. La commissure de ses lèvres retrouva rapidement sa position initiale lorsqu'il découvrit la silhouette du client.

Seokjin avançait lentement vers le comptoir. Sa démarche peu assurée n'était pas habituelle et Namjoon sentit son cœur se compresser dans sa cage thoracique. Sa silhouette entière témoignait d'une réelle détresse. Son visage terne transpirait la tristesse : ses yeux avaient pris une couleur légèrement rougeâtre, ses lèvres semblaient asséchées, et sa peau avait perdu tout son éclat. Il avait pleuré et Namjoon ne supporter pas cette vision. Il se fit force pour ne pas réagir.

« Bonjour, prononça-t-il d'une voix tremblante. Je prendrais un chocolat chaud. »

Ses intonations incertaines et fragiles faisaient énormément de peine avec Namjoon. Son ancien amant était une personne souriante et se laissait rarement emporter par des émotions négatives. Un léger pincement au cœur, il prépara la boisson chaude de l'autre garçon. Se souvenant des habitudes que Seokjin avait lors de ses rares instants de détresse, il ajouta une légère touche de cannelle dans la tasse. L'étudiant en littérature n'osait pas lui adresser le moindre mot. Il ne voulait pas le brusquer et le faire craquer une nouvelle fois. La boisson fumante entre ses immenses mains, Namjoon s'approcha de son client. Celui-ci semblait perdu dans la contemplation des plis de sa veste.

« Ça fera cinq mille weons, fit-il en glissant le gobelet sur le comptoir.

-Est-ce que je peux rester avec toi quelques instants ? demanda timidement le plus vieux en lui tendant les billets.

-Tu n'as même pas besoin de me demander cela. »

Un sourire machinal et poli étira les lèvres pleines de Seokjin alors que ses mains entouraient la tasse en carton pour en absorber la chaleur. Namjoon ne se sentait pas capable de lancer la conversation alors il observa son ancien amant. Celui-ci semblait vraiment mal en point. L'étudiant en littérature l'avait remarqué lorsqu'il avait pénétré dans le café, mais des nombreux détails lui avaient échappé. Sa peau terne laissait apparaître d'immondes cernes violacés et soulignaient ses yeux sombres dont la sclère s'était colorée de rouge. Ses lèvres paraissaient asséchées et mordues. Namjoon aurait aimé les embrasser pour faire disparaître les quelques traces de sang. Il espérait que cela puisse le guérir de sa détresse. Ses vêtements n'étaient pas repassés alors que son ex petit-ami était une personne particulièrement soignée.

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