obliviate

Chapitre dix

Quatre heures avant l'accident

Namjoon savait qu'il allait amèrement regretter d'avoir accepté la proposition de son petit-ami dès qu'il eût posé les pieds dans cette foutue maison. La soirée du siècle. C'étaient les mots exacts que Seokjin avaient prononcés. Il ne savait pas si c'était un mensonge. Il savait uniquement que la maison était éloignée de son appartement et Namjoon était en possession d'une voiture flambant neuve – cadeau de ses parents pour avoir obtenu son permis de conduire. Et, pour une raison qu'il ignorait et qui le plongeait dans une rage folle, il s'était persuadé que Seokjin l'utilisait comme chauffeur. Pourquoi l'aurait-il laissé en plan aussi rapidement si ce n'était pas le cas ?

L'étudiant n'avait pas pu retenir un soupir de soulagement lorsque la silhouette de Taehyung s'était dessinée sous ses yeux colériques. Son ami lui offrait un sourire resplendissant et s'amusait à faire tourner un crayon entre ses doigts fins. La soirée était à peine commencée et il semblait déjà éméché. Ses joues avaient pris une couleur rosâtre et ses pupilles étaient dilatées. Il était étrangement euphorique. Son camarade de promotion prononça quelques mots que Namjoon ne parvint pas à entendre. La musique était trop forte et le rendait partiellement sourd.

« Tu veux boire un verre ? cria le plus jeune pour couvrir la musique. »

Ouvrant la bouche pour accepter la proposition de son ami, Namjoon se souvint qu'il était dans l'obligation de ramener son petit-ami à l'appartement. Il n'avait pas le droit de boire une seule goutte d'alcool. Une moue contrariée barra son visage alors que ses pupilles se posaient sur la silhouette de son petit-ami.

Seokjin discutait avec une jeune femme. L'étudiant en littérature n'eut aucun mal à reconnaître sa peau caramel et ses longs cheveux décolorés. Elle avait toujours eu ce regard de vipère. Elle avait jeté son dévolu sur son copain et cela le contrariait. Namjoon ne put camoufler son ignoble grimace. Pourquoi se sentait-elle toujours obligée de traîner dans les pattes de son copain ? Namjoon sentait la colère gonfler dans ses veines. Il avait envie de s'interposer entre eux et d'embrasser son aîné à pleine bouche. Il n'amorça cependant pas le moindre mouvement.

« Je ne peux pas boire, lui fit-il remarquer. Je conduis.

-Tu conduis ? son ami semblait surpris. Depuis quand tu conduis, toi ?

-Depuis que j'ai mon permis de conduire, répondit-il. Ca fait plus d'un mois que je vais en cours en voiture.

-Ce qui veut dire que ça fait plus d'un mois que tu oublies de me proposer de me ramener. »

Sa main qui ne tenait pas sa bouteille de bière sur le cœur, ses yeux écarquillés et sa bouche ouverte en une moue outrée témoignaient de son surjeu. Taehyung en faisait toujours trop. C'était pour cette raison que Namjoon l'appréciait. L'étudiant eut un léger sursaut lorsque le bras de son ami entoura le sien.

« Allons-nous amuser. »

*

Dire que Kim Namjoon ne s'amusait pas était un doux euphémisme. Enfoncé dans les coussins moelleux d'un canapé bordeaux, il observait de nombreux jeunes adultes boire à s'en détruire le foie et écoutait son camarade de promotion parler de multiples sujets. Taehyung faisait la conversation à lui seul et cela l'arrangeait énormément. L'étudiant en littérature n'était pas vraiment d'humeur à entretenir le moindre dialogue avec son ami.

Son regard sombre ne pouvait quitter la silhouette de son petit-ami. A seulement quelques mètres de lui, autour d'une table, Seokjin faisait une bruyante partie de bière pong. Il était complètement soûl, mais ne comptait pas pour autant arrêter de boire. Namjoon percevait parfaitement les signes distinctifs de son alcoolémie : il parlait particulièrement fort, s'esclaffait sans la moindre raison et devenait tactile envers toutes les personnes qui s'approchaient de lui. Cela ne lui plaisait pas du tout. A chaque fois qu'il parvenait à mettre une balle dans un gobelet, il bondissait et prenait sa coéquipière de jeu dans ses bras. Et, dès que leurs peaux se touchaient, Namjoon serrait les dents pour contenir sa jalousie.