23 ➵ La terrible idiotie

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Le dépôt déjà glacial, refroidit encore plus lorsque Constantin sortit - dans une volute de fumée bleutée le crâne à moitié arraché - du collier.

  - Ton cœur est terrifié Lilianne, lança-t-il lentement de sa voix d'outre-tombes, que se passe-t-il ?

Lilianne avait envie de serrer l'ami qu'elle avait depuis si longtemps. Mais c'était un défunt et elle une vivante, c'était impossible. La peine lui nouait la gorge comme un sanglot qui glissait le long de son corps.

  - Archibald a disparu... comme celui dont tu as pisté la pipe en porcelaine.

Constantin resta silencieux, assez longtemps.

  - Nous sommes sur la Citacielle, n'est-ce pas ? Finit-il par demander.

  - Oui, je suis remontée à l'aide d'un traîneau.

  - Je vois...je sens la parfum funeste de la Mort emplir les lieux.

Lilianne se crispa. Un mauvais présage. Un rat passa comme une ombre contre le mur dans un cri suraigu. La jeune Sidhe manqua de hurler. Stop ! Elle était beaucoup trop tendue. Elle devait se calmer, reprendre son calme. Ce n'était certainement pas le bon moment pour paniquer. Elle devait se reprendre, sauver Archibald. Elle devait absolument rester organisée bon sang de bonsoir !

Lilianne serra les poings dans sa tenue déchirée. Elle ressemblait à une voleuse de costumes. Mais quelle importance ? Elle allait prendre une grande décision, maintenant.

La jeune fille passa au peigne fin, le dépôt qui l'entourait. Les étagères couvertes de toiles d'araignées aux perles de givre, les planches gondolées par l'humidité froide, les pots de peinture, les outils de bricolage, des papiers qui tombaient en lambeaux, les sabliers brisés et les champignons de moisissures le long des coins. Lorsqu'elle respirait, une faible vapeur s'échappait d'entre ses chairs légèrement violettes.

Lilianne toucha ses lèvres du bout de ses doigts, tremblante mais déterminée. Elle devait absolument demander cette requête à Constantin pour retrouver la trace d'Archibald. C'était le seul recours, particulièrement dangereux certes, mais elle n'avait aucun objet qui appartenait directement à son fiancé pour faire un fèis pàganach, elle devait donc passer au niveau supérieur de son pouvoir de médium.

C'était son choix.

  - Constantin... demanda-t-elle la voix hésitante, je vais te demander d'assurer mes arrières.

  - Toujours Lilianne... mais pourquoi ?

  - Je vais faire un ìobairt. Sur moi-même.

Si le cadavre pouvait pâlir, il l'aurait fait. Il se figea dans son uniforme de soldat.

- C'est trop dangereux. Laissa-t-il tomber dans un ton glacé comme un blizzard.

- C'est ce que j'ai décidé de faire, répliqua-t-elle en tendant les mains vers le défunt.

  - Et si tu meurs ?

Un silence. Lilianne déglutit avec difficulté. C'était une possibilité envisageable, effectivement. Ses yeux la piquaient.

  - Je ne mourrais pas.

  - Sais-tu Lilianne, que... Perséphone sent en elle-même lorsque sa descendance médium pratique un ìobairt ?

La jeune Sidhe grimaça. Bien sûr qu'elle savait. Un ìobairt dans le dialecte de Sidh voulait dire 《sacrifice》. Elle allait se sacrifier et voyager avec son âme pour retrouver Archibald. Il était bien connu que les morts voyaient tout. Mais le problème c'était qu'avec un ìobairt - le dernier pouvoir le plus violent de sa caste - elle passait totalement dans le monde froid.

LA FIANCÉE D'ARCHIBALD¹'² ━゙LA PASSE-MIROIR✔Where stories live. Discover now