1. Départ et tempête

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Nous étions douze. Seuls trois d'entre nous rentrèrent.

Là où il n'y a rien. Là où le ciel pour seul horizon et le blanc à l'infini se confondent. Nos souffles quelque part, et le murmure des nuages.

Le froid.

Un froid intense, et qui épuise, peu à peu, toute chaleur, toute vie, tout élan. Puis plus rien.

Cette expédition fut loin d'être la pire, mais ce fut peut-être la seule ou pour la première fois, je sentis la mort rôder sous ma peau. Quelque chose d'impalpable et pourtant rêche, qui use et qui dit « je viens te chercher. »

Quoi qu'il arrive et quoi qu'il advienne de nous, ce monde a imprégné mes os et chaque fibre de mes muscles pour se graver dans ma tête avec la force d'une promesse. Celle de la beauté et du néant.

Un monde de blanc.

***

« Petra. »

– Oui Caporal ?

– Vérifie le matériel, et tâche de bien graisser les équipements. À la moindre casse ce sera pour notre pomme.

– Oui Caporal !

Elle était docile, solide et pourtant douce. Un petit soldat obéissant et sévère, plus envers elle-même qu'envers les autres. Sous son joli minois, Petra Rall était pourtant une vraie boule de nerfs. Un peu comme lui. Intelligente, perspicace, énergique au point de ne plus savoir quoi faire de sa force, elle avait la tête droite et l'œil brillant, avec dans les traits ce petit quelque chose qui frôlait l'obstination. Lorsqu'il arrivait que leur sang danse autour d'elle, elle souriait. Elle n'avait pas peur.

– Caporal chef !

– Quoi encore ?...

– Les chevaux sont sellés et les provisions sécurisées. Mais les... civils sont toujours réticents à partir.

Et il y avait de quoi.

– Je vais en toucher deux mots à Erwin.

– Et moi qu'est-ce que je dois faire ?

– Va aider Petra et vérifie que tout soit en ordre. Dans une heure, motivation ou pas, on est parti.

– Bien Caporal !

Ce grand dadet avec un air dramatique, c'était Auro. Une tête de con, plutôt prétentieux et souvent à côté de la plaque, mais franchement pas mauvais, et au moins aussi tenace que dix bons soldats. Il n'avait ni la niaque, ni la finesse d'esprit de Petra, mais il canalisait une force tranquille on ne peut plus efficace, et s'il s'était pissé dessus la première fois, désormais, lui aussi il souriait face à eux.

Ses premiers hommes. Ses premiers soldats sous ses ordres. Une charge plus qu'autre chose, une fierté aussi.

***

Après l'apparition du titan colossal et la destruction du mur Sina, le territoire des hommes diminua d'un tiers pour une densité de population qui doubla presque. À l'approche de l'hiver, nos ressources n'étaient plus suffisantes, les épidémies menaçaient, et les conditions sanitaires diminuaient de jour en jour. Nombreux étaient ceux qui avaient survécu. Trop nombreux même. Entre le mur Maria et le mur Rose, il n'y avait pas de place pour eux.

Je voyais leurs yeux, leurs regards creux, fatigués, résignés pour certains. La colère, la peur surtout qui imprégnait leurs traits, leurs membres trop maigres et leurs joues creuses. On les logeait comme on pouvait, on les nourrissait à peine, on les faisait travailler comme des bêtes pour défricher les terres non cultivées. Ils avaient froid, ils avaient faim, alors il fallait faire quelque chose.

Un monde de blancWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu