Chapitre 5. L'enfer ensemble

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On entendait les loups hurler à la lune.

Ce sera bientôt pour notre pomme... » murmura Auro.

Et j'acquiesçai, les yeux rivés sur les flammes du feu de camp, de peur de croiser leurs visages brulants.

Je ne savais même plus si je tremblais de peur, de froid, ou simplement de douleur.

***

Une mélodie.

Juste une mélodie dans le noir. Très lente et très grave. Presque lugubre.

Et cette voix. Il la connaissait.

Elle était là. Il ne voyait pas son visage. Juste ses longs cheveux noirs, tels qu'il se les rappelait, et dont il avait hérité. Ses doigts trop maigres et sa jupe sale.

Ils étaient là tous les deux, et ils ne se voyaient pas.

Alors, la femme leva la main, et montra quelque chose au loin, en tendant l'autre vers lui, comme pour l'inviter à s'approcher.

Ses propres pas lui donnèrent l'impression de flotter, et lorsqu'il regarda ce qu'elle lui montrait, il ne vit rien. Rien d'autre que ce qu'il connaissait déjà par cœur.

Leurs corps et leurs cheveux trempés de boue. Leurs pupilles éteintes, le sourire qu'ils n'auraient plus jamais.

Étouffé par un long sanglot, il détourna soudain les yeux vers ce visage peut-être aimé, ces traits qu'il avait longtemps rêvés. Mais ces joues creuses et ces orbites caves, c'était celles d'une morte.

Quelque chose de froid chuta sur son front et lentement, il ouvrit les yeux.

À chaque respiration, il avait l'impression de brûler, et même ses paupières lui semblaient trop lourdes. Il n'y avait rien de précis autour de lui, que des contours vaporeux, des matières incertaines et moins tangibles encore que celles d'un rêve. Sa main chuta sur le sol, et il reconnut la texture de la terre en y enfonçant ses doigts. C'était poussiéreux et c'était froid.

Quelqu'un prononça son nom. Il l'entendit à peine. Peut-être qu'il avait simplement rêvé... chaque respiration lui semblait si laborieuse, et chaque mouvement si lourd. Où était la femme aux cheveux noirs ? Et pourquoi les arbres montaient-ils si haut ?

Ses paupières se refermèrent avant qu'il ne trouve la réponse.

***

Je n'avais eu d'autre choix que celui de nous trainer à la lisière d'une forêt, semblable à celle où nous avions passé la nuit précédente. L'opération me prit plus d'une heure. Les bois se situaient à cinq cents mètres environ de là où nous avions affronté les titans. Y porter Auro, puis le Caporal chef fut plus long que je ne le pensais. Nous étions de toute façon trop faibles pour continuer.

L'estomac vide depuis le matin, je n'avais ni le courage, ni l'énergie de chasser et me contentai de racines comestibles que je déterrai à proximité de notre campement provisoire. Auro eu tout juste assez de force pour avaler quelques gorgées d'eau, mais l'état du Caporal chef s'était considérablement dégradé.

Il avait dû perdre connaissance pendant que je le transportais. Je l'avais entendu gémir, senti se crisper puis plus rien. Son équipement lui avait pénétré les côtés, et ses blessures s'étaient rouvertes. Il avait perdu beaucoup de sang.

Comme l'avant-veille, je lui retirai sa cape et une partie de ses vêtements pour dégager son épaule et nettoyer la plaie avec de la neige. L'infection était cependant pire que je ne l'avais cru et la chair avait déjà commencé à pourrir. Il devait souffrir le martyr.

Un monde de blancWhere stories live. Discover now