Chapitre 4. Sans un regard

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Il crut les distinguer dans la lumière laiteuse de l'aube, petits points noirs dans le blizzard. Deux cavaliers perdus au milieu de rien, et ses mains se crispèrent d'espoir et d'appréhension.

– Alors ?

– Rien... » marmonna l'un des cavaliers en réajustant sa cape. Gunther s'il se rappelait bien. « On a trouvé les restes des escouades qui devaient se charger de l'aile est, mais aucune trace de celle de Livaï. »

Des gémissements tout autour, ceux des pauvres bougres qu'ils avaient pu sauver du froid et des titans. Son escouade était épuisée, le reste des hommes frigorifiés. Il fallait rentrer.

– Mike ?

À ses côtés, l'intéressé leva les yeux et retroussa le nez en signe de contrariété.

– Toi et Nanaba, vous n'avez pas vu quelle direction ils auraient pu prendre ? » poursuivit le major.

– Que dalle... il commençait à faire nuit, on était cerné... je pensais qu'ils nous auraient rejoint au point de ralliement, comme convenu.

– C'est bizarre qu'ils ne l'aient pas trouvé.

Trois soldats d'élite perdus dans la tempête, incapables de retrouver leur chemin et introuvables depuis deux jours... fallait-il se rendre à l'évidence ?

– Ramène ton cul Erwin ! » résonna la voix d'Hanji, avant que son profil ne se dessine dans la lumière du matin. « Ça fait déjà vingt minutes que le chef de la garnison te demande... il est temps de repartir... »

À l'accent grave qu'avait pris sa voix, il sut qu'elle non plus n'approuvait pas la décision, et pourtant... Avec une centaine de survivants seulement, ils avaient amplement endigué le surplus de population, et pouvaient désormais rentrer plus coupables que jamais, assurés de porter un fardeau supplémentaire toute leur vie durant. Le poids des morts, Erwin s'en accommodait. Il savait. Souffrait aussi, mais ça...

Une dernière fois, son regard se perdit vers l'horizon, les plaines sauvages et glacées dans l'espoir absurde d'y déceler un signe de leur survie. Un tout petit. Un souffle, une forme dans les nuages. Un rien aurait suffit pour le faire rester et attendre encore malgré ses muscles contractés par le froid, les engelures qui rongeaient ses doigts, la faim surtout, qui en faisait oublier la soif. Un rien...

Le signe du départ mobilisa cependant le reste des troupes dévastées, et dans tous les regards à demi-éteints se lisait une chose, une seule. Rentrer.

Avec ou sans eux.

***

Quelque chose comme un craquement le réveilla en sursaut. Il n'avait pas dû dormir deux heures. Le feu s'était presque éteint. Il ne sentait plus ses membres.

Gagné par la panique, Livaï se redressa soudain en frictionnant ses bras et ses mains dans l'espoir de rendre à ses membres frigorifiés leur souplesse. Et cette espèce de chaleur sur son front, cette sensation de brûler et de geler en même temps, qui nappe les choses d'un voile d'incertain, comme s'il était soul. Qui sait combien de temps il supporterait encore ces conditions...

Le jour s'était à peine levé et la silhouette des grands sapins se dessinait dans le ciel encore laiteux.

« Petra ? »

Même sa voix lui semblait éteinte, figée dans la glace, comme tout le reste.

– Petra ?

Seul le silence lui répondit, et en tournant la tête, Livaï réalisa qu'elle n'était pas là.

« C'est pas vrai... »

Un monde de blancWhere stories live. Discover now