Dans l'ombre du temps

Le commencement...

Il faisait froid, la nuit était sombre et humide, et le silence n'était troublé que par le bruit de leurs pas rapides foulant le sol. Les rues étaient désertes, comme si les Moldus avaient senti quelque chose d'anormal dans l'air et interdit à leurs enfants de sortir, en cette nuit d'Halloween. Ou bien peut-être était-il très tard, et les enfants étaient déjà rentrés chez eux. Toute notion du temps les avait quittés.

Le silence... c'était la chose qui la déstabilisait le plus. Le silence était intrigant, presque choquant. La bataille de Poudlard avait été un enfer de bruit et de sang. Les Créatures alliées de Voldemort, Inferi, Loups-garous et autres géants avaient fait un carnage parmi les défenseurs du château. Hermione frissonna en se remémorant la vision de Lavande Brown, le cou déchiqueté, le visage figé dans une expression d'horreur absolue. Celle de Minerva McGonagall, effondrée sur un tas de décombres, sur le dos, mais dont le visage faisait si étrangement face au sol, ou de Sybill Trelawney, dérisoire marionnette colorée et désarticulée entre les mains d'un géant, et son hurlement stoppé net dans un horrible craquement, lorsqu'il avait soudain écarté les bras. Elle résista avec peine à la tentation de frotter ses mains l'une contre l'autre, tant la sensation du sang poisseux du professeur Snape, dont elles avaient été couvertes la submergeait, à ce moment précis.

Le professeur Snape... Severus ! Pour se rassurer, elle jeta un coup d'œil à la mince silhouette qui courait à ses côtés. Le professeur Snape avait bouleversé son existence en l'envoyant dans le passé, Severus avait changé sa vie à jamais. Il y avait maintenant deux ans et demi qu'elle était arrivée dans cette époque, qu'adviendrait-il d'eux après ce soir ? Seraient-ils toujours vivants demain ? De quoi serait fait leur avenir s'ils s'en sortaient ?

Enfin, au détour d'une ruelle, ils aperçurent le cottage. En apparence, rien n'indiquait qu'une bataille était peut-être en train de se livrer ici. Les quelques vociférations et éclairs lumineux qui perçaient la nuit par intermittence auraient tout aussi bien pu provenir d'un poste de télévision au son poussé un peu trop fort. En approchant, cependant, les détails se firent plus précis. La grille du jardinet, devant la maison, était défoncée et gisait sur la pelouse. Un peu plus loin, au bout d'une courte allée de graviers, la porte d'entrée entrouverte pendait sur ses gonds à demi arrachés. Au milieu de la pelouse, était disposé un salon de jardin, et sur l'une des chaises, une ombre noire était avachie, les coudes posés sur la table et le front entre les mains. Le Mangemort avait enlevé son masque, qui reposait devant lui, et semblait le regarder dans les trous qui lui servaient d'yeux. Il leva la tête à leur arrivée, et la capuche de sa cape glissa, révélant une longue chevelure blonde.

—Lucius ! Souffla Severus.

L'interpellé ne fit pas un geste pour sortir sa baguette, se contentant de les regarder d'un air fatigué. Sachant que Tiberius était là pour le couvrir, Severus baissa la sienne, et s'approcha de lui.

—C'est l'avantage des batailles, personne ne sait au juste où sont les autres. Ironisa le Mangemort dans un rictus de dérision. « Ne t'inquiète pas, Severus, il y a déjà un bon moment que j'ai compris ce que tu fais. Je ne te trahirai pas. Mais je ne peux pas me battre contre mes compagnons. Ce ne sont pas tous des dégénérés comme Bellatrix, et beaucoup regrettent autant leur choix que moi.

Tiberius fit un pas vers la table.

—Combien sont-ils là-dedans ?

—Une quinzaine de Mangemorts, sans compter le Seigneur des Ténèbres en personne, et à peu-près autant de membres de l'Ordre, Dumbledore à leur tête. L'intérieur de la maison est beaucoup plus grand qu'il ne paraît de l'extérieur.

—Pourquoi ne rentres-tu pas chez toi ?

—Parce que je suis un lâche ! Si les choses tournent à notre avantage... je dois protéger ma famille. Termina-t-il dans un souffle en laissant retomber sa tête dans ses mains, se désintéressant d'eux.