| Chapitre 2 |

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Face à la douceur de mon environnement, calme et serein, un sourire apparaît sur mes lèvres. Enveloppé dans ce cocon agréable, je n'ose prendre le risque de ne serait-ce que d'ouvrir les yeux de peur de briser l'enchantement de bien-être dans lequel je suis plongé en dépit de mon calvaire. Ma peau brûlante, victime de la violence de la veille, me tire et me rappelle sans cesse mon état. Pourtant, j'apprécie à sa juste valeur la brise fraîche que je perçois. Elle a l'effet d'une caresse tendre, à l'opposé de ce que j'ai pu subir.

Tant bien que mal, je m'efforce de rester le plus longtemps possible dans ma semi-conscience. Cependant, les brumes du sommeil s'évaporent au fur et à mesure que je reprends connaissance. J'ai beau m'y accrocher, ça ne change rien. Je sors progressivement de la torpeur dans laquelle mon être est prisonnier depuis qu'une gentille panthère noire m'a frappée, plus de force que de gré. La lutte est inutile, mis à part me prendre plus d'énergie que je n'en ai en réserve.

Je prends une profonde inspiration que ma trachée douloureuse a du mal à accepter. Non sans hésitation, je passe ma langue sur ma bouche rendue rêche et abîmée par le froid mordant d'hier soir et par les poings qu'elle a violemment reçus. Les picotements qu'elle m'offre sont loin d'être plaisants, et je ne dirai certainement pas non à un verre d'eau fraîche. Là, maintenant, tout de suite. Je suis assoiffé, affamé et épuisé à un point que je ne peux penser qu'à ça.

Baigné par des effluves rassurants de jasmin, une main se pose avec prudence sur mon avant-bras et me fait indirectement sursauter. Je n'ai pas de besoin de me demander qui cela peut bien être puisque je n'ai aucun mal à deviner qui est auprès de moi. Savoir cela fait disparaître le poids présent autant sur mes épaules que dans ma poitrine et achève de faire disparaître mes relents persistants de peur.

Je suis à la maison.

En sécurité.

Péniblement, je me force à ouvrir les yeux et tourner la tête dans la direction de la personne au parfum familier.

— Tout va bien, mon cœur. C'est fini, réagit ma mère en me voyant bougé.

Toujours avec prudence, elle amène sa main à la mienne et entrelace nos doigts afin d'y abandonner un léger baiser à son dos. Je survole son visage empli d'inquiétude et de culpabilité à mon égard, comme elle le fait toujours chaque fois que je reviens en mauvais état. Conscient de ce à quoi elle pense, j'entrouvre la bouche, prêt à lui dire qu'elle n'y est pour rien. Une fois de plus.

Elle me devance néanmoins et me coupe sur ma lancée.

— Non, ne parle pas. Notre guérisseuse préconise beaucoup de repos, du calme ainsi que du silence pour ta gorge en attendant que tu guérisses. Use de ta voix uniquement quand tu n'as pas le choix, Isaac.

Son regard se baisse furtivement sur celle-ci avant qu'elle ne le détourne rapidement. Sa prise autour de mes doigts se resserre un tantinet plus fort, témoin clé de sa peine et de son sentiment d'impuissance que je ne connais que trop bien. Elle cligne des paupières et semble se reprendre, l'air de rien. Je ne suis pas dupe, pourtant je suis incapable de trouver les bons mots pour la réconforter. Et je ne le serai jamais. Je ne suis pas doué pour ça.

Ma mère me relâche et se lève de la chaise où elle est assise sans doute depuis un moment. Avec délicatesse, elle saisit mes hanches et m'aide à me redresser dès lors qu'elle remarque que j'essayais de le faire seul, comme un idiot, toute grimace dehors. Je la remercie d'un petit rictus ridicule et appuie mon dos sur les oreillers, redressés par ses soins, dans un soupir de soulagement.

— Eau, demandé-je difficilement.

— Bien sûr, excuse-moi.

Elle prend le verre mis sur la table de chevet, juste à côté du lit moelleux où je suis avachi comme une baleine échouée. Son confort est plus que bienvenue après une telle soirée. À force, je vais sérieusement songer à prendre un abonnement si je dois me faire kidnapper, ou que sais-je encore, tous les mois. Au bout de cinq tampons, un tacos offert. Ça me semble correct.

Cœur de Glace [Revient très bientôt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant