| Chapitre 5 |

2.3K 264 181
                                    

La douleur explose en moi comme un million de pop-corn au micro-onde peu après que ma tête ait rencontré un joli tronc d'arbre où j'ai pu voir une centaine d'étoiles multicolores. Un liquide chaud s'écoule lentement de ma tempe, à l'endroit même où cette saleté de lieutenant m'a cogné. Je me laisse retomber sur le dos dans une grimace peu séduisante et apporte des doigts tremblants à ma blessure. Celle-ci accentue inévitablement ma migraine et réveille méchamment mon mal-être, pourtant calme et sage depuis quelques heures. Mon dos, mécontent, me brûle par la roulade d'amateur réalisée par mes propres soins - et mon agresseur.

Décidément, le métier d'acrobate n'est pas fait pour moi.

Le souffle saccadé aussi bien causé par la course effrénée que je viens de vivre que par le violent coup porté à mon encontre, je peine à rendre ma respiration stable ainsi que les battements affolés de mon cœur par cette brusque intervention. Merde, j'étais à deux doigts de réussir ! Et ça me fout la haine, surtout envers moi-même. Pourrais-je savoir où est passé ma putain de bonne étoile quand j'ai besoin d'elle, hm ? Ah oui, pardon, c'est vrai : je n'en ai pas. J'oublie ce minuscule petit détail un peu trop souvent à mon goût.

Je tourne mon visage vers la voiture et, impuissant, je la regarde partir en trombe pour fuir la bête noire. Sans moi à l'intérieur, évidemment. Crispé et les muscles paralysés d'épuisement, je ne peux qu'observer la panthère venir à moi, le pas lent et félin. Ses iris émeraude me toisent d'un air mauvais et ses babines se retroussent sur des crocs saillants dans un grognement sourd à peine ai-je le malheur de bouger un petit doigt.

Je déglutis avec peine et n'esquisse plus un geste de peur de finir en viande hachée sous les griffes acérées de l'animal. Afin de m'empêcher de fuir, comme si je pouvais le faire, il dépose sa patte contre mon torse sur lequel il s'appuie. Sa tête velue s'approche alors de la mienne que je détourne aussitôt à son opposé, les yeux clos et le visage crispé. Plus que jamais, mon corps a conscience du danger et ne me laisse plus la possibilité de fuir cette réalité. C'est tout bonnement impossible, pas avec la peur que je sens prendre de plus en plus de place. Je ne suis pas encore assez fou pour conserver un air détendu.

Voyons le bon côté des choses : je ne suis pas mort chez les ours, je ne vais pas non plus mourir comme convenu chez les tarés de la forêt et je ne servirais pas d'apprenti espion à mon géniteur. Non, au final, mon destin tragique aura jeté son dévolu sur une bête noire terrifiante. Il faut croire que je ne pourrais même pas savourer ma bière fraîche à la Nouvelle-Orléans, plongé au beau milieu du bayou, en compagnie de Carl. En toute sécurité, pour la toute première fois de ma vie. Tout comme je n'ai pas pu goûter au plaisir de la chair une dernière fois. Un au revoir de qualité pour un long, très long voyage.

Je n'ai plus qu'à espérer qu'au paradis, ce sera open bar.

Et que ce n'est pas trop péché de s'envoyer en l'air.

Même si mon billet d'entrée est plutôt prévu pour l'enfer.

Le cœur suspendu au bord du vide, j'attends, fébrile, la faucheuse. Au lieu de ça, ce n'est pas elle que j'entends approcher mais le son, si particulier, d'un os qui se déforme et se brise. Et si pendant une minute j'ai cru que la panthère s'était amusée à me briser un orteil pour faire durer le plaisir, c'est loin d'être le cas. Aucune douleur ne se fait sentir en moi – outre toutes celles dont je suis déjà piégé. Les griffes changent de forme et sont remplacées par une main bien moins effrayante au fur et à mesure que le métamorphe reprend une apparence humaine parmi des bruits loin d'être enchanteurs et rassurants.

Immobile, je ne bouge pas pour autant et n'ose pas ouvrir les yeux de peur de voir à qui j'ai affaire. À quoi bon ? Je n'ai pas suffisamment de courage pour affronter la mort droit dans les yeux. De plus, il y a de grandes chances que je ne connaisse pas l'homme au-dessus de moi puisqu'il ne fait en aucun cas partie de la meute.

Cœur de Glace [Revient très bientôt]Where stories live. Discover now