| Chapitre 4 |

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Debout devant ma fenêtre, j'observe silencieusement le ciel devenir de plus en plus sombre à mesure que les heures s'écoulent et s'enchaînent lentement. Peut-être trop, pour ma santé mentale. Un puissant soupir s'évade, affaissant mon torse de découragement. Les battements irréguliers de mon cœur résonnant dans ma poitrine ne me laissent pas une seule seconde en paix. Je ressasse sans cesse la discussion avec ma mère ainsi que la façon dont son regard empli de détresse et de tristesse m'a transpercé. Je ne peux pas me résoudre à la laisser... Pourtant, je le dois.

Elle m'en voudrait sans aucun doute de faire tomber son plan à l'eau, même si intérieurement je sais que je n'ai pas le choix. Pas plus que je n'en ai eu face à mon géniteur, à vrai dire. Si je veux survivre plus longtemps que prévu, je dois partir à la Nouvelle-Orléans afin de rejoindre ce fameux Carl et me terrer un temps avec lui. En tout cas, suffisamment longtemps pour qu'on m'oublie. De plus, si ma bonne étoile daigne apparaître, elle finira peut-être par nous rejoindre dans le bayou au bout du compte. Qui sait ? Je l'espère de tout cœur.

J'appréhende déjà ma fuite et pense inlassablement au moment où je vais me faire bêtement attraper par la première sentinelle venue. C'est plus fort que moi, d'autant plus que je connais ma discrétion légendaire. Et inexistante, surtout. Si je me fais prendre en pleine fuite, je ne donne pas cher de ma peau ni de celle de ma mère si jamais mon père apprend que c'est elle qui est derrière tout ça. C'est bien connu, un homme violent le reste toute sa vie.

Je serai incapable de la défendre.

Et pas seulement à cause de mon état.

Il est cependant temps que je saisisse ma chance et que j'arrête de l'attendre vainement comme un abruti fini. Je ne veux pas seulement survivre, je veux vivre. Je veux savoir ce que ça fait sans avoir besoin de constamment regarder par-dessus mon épaule afin d'éviter qu'un mauvais coup sorti de nulle part ne me tombe dessus. C'est stupide, je sais, puisque, même en faisant ça, j'arrive toujours à me retrouver dans des situations pas possibles. Je ne suis franchement pas très doué mais on fait avec.

Je baisse mon regard sur mes mains tremblantes. Cela dit, ça n'a rien à voir avec ce qui va se passer ce soir. Non, mes doigts me démangent désagréablement au point où ça commence sérieusement à me faire mal. Mais je n'ai aucune envie de dessiner. Je n'ai clairement pas la tête à ça, même pour me déconnecter du monde extérieur. Or, ce fait n'a pas l'air de grandement préoccuper mon corps parcouru de cette envie irrépressible.

— Oh, intéressant. Du Ray Charles ?

Je sursaute et me tourne dans la direction de ma belle infirmière. Sous le faible sentiment de peur et de surprise qu'elle a provoqué en moi, le duvet de ma nuque se hérisse. Je déteste, par-dessus tout, me faire surprendre lorsque je suis dans mes pensées. Et ce, même quand je ne le suis pas. Toutefois, il faut croire que ma vie est faite de surprises. Pas souvent appréciées par ailleurs, si je puis me permettre.

— Merde, Angèle ! On t'a jamais appris à frapper ?

— J'aime beaucoup cette musique malgré le fait qu'elle semble un peu vieillotte, poursuit-elle sans prendre en compte mes états d'âme. C'est America the beautiful, si je ne me trompe pas ?

— Oui, c'est ça, marmonné-je.

Je jette une œillade à la radio où est diffusé ce son avant de reporter mes prunelles sombres sur la jeune louve dont les mains aventureuses sont venues faire joujou avec ma gorge. Bien sûr, mon haut n'est plus là non plus pour camoufler ma musculature de rêve. Je sais néanmoins que c'est seulement pour détourner mon attention de mon cou qu'elle examine avec prudence. Comparé à ce matin, je me sens plus ou moins en meilleure forme. Dieu merci.

Cœur de Glace [Revient très bientôt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant