Chapitre 4

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C'est tout de même fascinant un humain. Par exemple, actuellement il est au beau milieu de la nuit, minuit voir un peu plus, et Gabrielle ronfle légèrement en bougeant ses membres. J'imagine qu'elle est en train de rêver mais les mimiques des humains dans ce genre de moment sont quasiment identiques à ceux des animaux. Et là est l'erreur des humains, de se croire différents des bêtes alors qu'au final nous nous ressemblons en de nombreux points.

Néanmoins, cette humaine est spéciale. Certes elle est sous médicaments comme le sont de nombreux new-yorkais - moi y compris lorsque j'étais humain - mais à la différence que cette femme comprend mes mots. La plupart des gens n'entendent que des miaous et autres grognements contrairement à Gabrielle dont le cerveau semble directement traduire le dialecte chat en langage humain. Évidemment, la question est pourquoi ? J'ai quelques hypothèses dont celle qui évoque le fait que Gabrielle est peut-être un chat devenu humain ou encore plus farfelu elle est née parmi les chats comme Rémus et Romolus ont vécu avec les loups. Sauf que cette femme ne semble pas avoir la réponse ni même une idée sur la raison qui lui permet de me comprendre. Il faudra creuser cette question par la suite, en attendant je dois reposer mon corps de guerrier.

****

Elle est pratique cette commode sous une fenêtre. Le soleil est à peine levé et de ce fait les oiseaux commencent à s'éveiller. Je les entends piailler et mon instinct de chasseur me donne l'irrépressible envie d'en faire mon casse-croûte. Seulement, je suis enfermé dans cet appartement sans aucun moyen de sortir. Je crois que je vais devoir me contenter de thon en boîte, ce qui reste tout de même meilleur que du rat mais c'est moins savoureux qu'un moineau. Par contre, uriner sur une couverture moelleuse et chaude c'est vraiment confortable y compris de déféquer dans les chaussons épais de Gabrielle. Bien loin de l'herbe mouillé qui vous chatouille les fesses et les coucougnettes.

- C'est quoi cette odeur abominable ?

- Tu vas rire mais j'avais envie de faire pipi et déféquer alors...

- Non... T'as pas osé ?

Le visage de Gabrielle se décompose littéralement d'autant plus que l'odeur est vraiment un peu forte. Elle me regarde avec de gros yeux furibond. J'imagine qu'elle s'attendait à un autre réveil.

- Si, désolé. T'es fâché ?

- Tu aurais pu me réveiller ! Je t'aurais fais aller sur le balcon putain !

Bon, elle est vraiment fâchée au vu de la manière dont elle crie.

- Mais c'est pas confortable le balcon ! Ta couverture était douillette et tes chaussons aussi alors je me suis lâché...

- Je crois que je vais prendre congé exprès pour t'acheter une litière...

- Là je suis d'accord ! Et des croquettes aussi, et une souris télécommandé, et des friandises, et... Bon en vrai je devrais dire merci alors, merci.

Gabrielle soupire longuement en se frottant les yeux. Quant à moi, je me nettoie les pattes et les griffes. C'est un plaisir qu'on ne prend pas lorsque l'on vit dans la rue ou alors très peu. Les chats errants n'ont pas vraiment le temps de faire leur toilette, il faut toujours chasser, éviter les voitures, trouver un lieu où dormir, se battre avec les congénères et tant d'autres trucs.

- J'ai noté ça dans un coin de ma tête. Dis moi, tu as une marque de croquette spécifique, je tiens pas à ce que tu gerbes sur mes vêtements...

- Non pas vraiment, par contre ne prend pas la marque la moins chère, je veux pas manger que des céréales moi, je ne suis pas une poule ! Mais j'imagine qu'il n'y a pas de goût oiseau donc quelque chose à la volaille me conviendra très bien.

- D'accord mon seigneur.

Enfin quelqu'un qui me voit comme je suis réellement. Ou alors était-ce ironique.... Non, je préfère le prendre comme un compliment.

Gabrielle finit par se lever en étirant ses bras jusqu'au ciel. Elle marmonne dans sa barbe imaginaire alors qu'elle saisi avec prudence le linge de son lit et ses chaussons tout en évitant de se salir. Je suis l'humaine dans chacune des pièces où elle se rend, à commencer par la salle de bain où elle fourre les affaires de son lit dans la machine à laver, puis dans la cuisine où elle balance ses chaussons à la poubelle et pour finir dans les toilettes où elle me ferme la porte au nez pour que je n'aille pas jusqu'à l'intérieur. Je me rappelle de ces moments où je pouvais m'enfermer dans mes toilettes lorsqu'on me dérangeait un peu trop à l'époque de mon humanité. C'est l'une des choses qui me manquent le plus avec le verre de vodka journalier et la plaquette de chocolat avant de dormir.

- Je vais me laver alors tu reste là.

Plongé dans mes vieux souvenirs je n'avais même pas remarqué que Gabrielle était sortie du cabinet mais ça n'a duré qu'une fraction de seconde puisque ensuite elle s'est enfermée dans la salle de bain. Ça me laisse du temps pour visiter l'appartement. La décoration est chic et épurée, totalement différente de mon style entre le classique et le moderne qui décorait le lieu où je vivais avant de mourir. Je ressens bien là les goûts d'une femme bien que Gabrielle ne semble pas passer énormément de temps dans son appartement vu que son canapé a l'air neuf comme si personne ne s'asseyait souvent dessus.

- Adam, t'es où ?

- Devant ton canapé.

- Si tu l'abîme avec tes griffes, je te fais la peau !

Je dois avouer que cette idée m'avait effleurée mais heureusement pas suffisamment longtemps pour que je commence mon œuvre de massacre au canapé. En attendant, Gabrielle apparaît dans le salon, ses mains posées sur ses hanches et les sourcils froncées.

- Je dois sortir alors tu vas rester sagement ici et ne pas faire de bêtises.

La confiance qu'elle me porte est presque émouvante puisque je ne suis qu'un vulgaire chat de la rue et qu'elle s'apprête quand même à me laisser seul chez elle. J'espère que mes instincts félins ne vont pas me forcer à sauter sur les rideaux ou à déchirer le papier peint sinon Gabrielle risque d'être vraiment énervée. Allez Adam, on t'offre une autre chance, ne la gâche pas.

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