Chapitre 6

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- Je peux tout t'expliquer !

Le regard noir et perçant de Gabrielle me fait immédiatement regretté d'être perché les griffes plantées dans le rideau. C'est tout penaud que je me laisse tomber du bout de tissus maintenant arraché par endroit. L'inspectrice attend que je m'explique, ses mains sont posées sur sa taille et elle me fixe longuement, les sourcils froncés. Quant à moi, je ne peux que baissé la tête, les oreilles légèrement vers l'arrière et la queue mollement posée sur le sol.

- Un oiseau est entré dans l'appartement, du coup j'ai voulu le faire partir, mais dans ma course effrénée j'ai renversé un vase et il s'est éclaté au sol. Ensuite, la sale bestiole s'est coincé dans ton canapé, elle était à ma merci alors c'est tout fier de moi que j'ai sauté toutes griffes dehors ! Sauf qu'en sautant, je me suis coincé les griffes dans un coussin, l'oiseau a eu le temps de s'envoler avant que je ne parvienne à me défaire du piège mais ton coussin y a laissé la vie. Au final, il s'est posé sur la table et là je l'ai eu ! Mais ça a été rapide alors je m'ennuyais. La porte des toilettes n'était pas bien fermée et un bout du rouleau de papier toilette pendouillait dans le vide alors j'ai tiré, et encore tiré jusqu'à ce qu'il soit complètement détruit. Puis une mouche est arrivée, elle me narguait depuis le rideau alors bien sûr j'ai voulu l'attraper ! Et c'est là que tu es rentré, pendant que j'étais en train de chasser la mouche, accroché au rideau... Je suis désolé.

Gabrielle soupire longuement de désespoir en levant les yeux au plafond. Sans un mot, elle déballe le contenu de ses sacs et j'aperçois alors des affaires achetées spécialement pour moi. Sur la table s'amoncellent des parquets de croquettes et de friandises, une brosse à deux côtés dont l'un à poils durs et l'autre à picots ainsi qu'un peigne et quelques jouets. Enfin, au sol, Gabrielle dépose un bac à litière blanc qu'elle remplit de minuscules cailloux dans lesquels je devrais faire mes besoins et un arbre à chat à plusieurs étages avec griffoirs sur la base qu'elle installe à côté du canapé.

- Là, tu fera tes griffes là et surtout pas sur le canapé.

L'inspectrice désigne l'arbre à chat et passe ses ongles sur le griffoir pour me montrer comment faire. Comme si j'étais suffisamment bête pour ne pas savoir me servir d'un griffoir. Enfin d'un côté elle n'a pas tellement tord, sans ça je me serai sûrement servi de son canapé pour faire mes griffes. Gabrielle semble étonnamment patiente avec moi mais à mon avis elle ne laissera pas un vulgaire chat des rues détruire son intérieur. Même si le dit chat des rues est en réalité un humain réincarné.

- Et ta litière je la met dans la salle de bain pour éviter que tu ne me ramène de nouveaux cadavres d'oiseaux si je laisse le balcon ouvert. Tu devras faire tes besoins dedans, t'as compris ?

- Oui, cheffe !

- Très bien.

Je me dresse sur mes quatre pattes en creusant le dos pour étirer l'avant de mon corps qui est toujours endoloris après une chasse périlleuse. Ma queue touffue est droite avec le bout légèrement recourbé pour attester de ma joie mais je ne suis pas sûre que Gabrielle connaisse les modes de communication des chats. La jeune femme passe à côté de moi en évitant soigneusement de me toucher sûrement pour me punir de mon comportement de chat mal élevé. En soupirant toujours plus longuement, Gabrielle ramasse du bout des doigts le cadavre de l'oiseau puis les morceaux de vase cassé et les bouts de papier toilette éparpillé dans l'appartement avant de s'asseoir sur le canapé en serrant dans ses bras le coussin éventré.

- Ça ne va pas, Gabrielle ?

- Si, si... Ça va. Enfin, pas trop, j'ai croisé quelqu'un au magasin.

Je m'approche de l'humaine de sorte à m'asseoir au sol entre ses pieds tout en la regardant avec mes grands yeux de chat. Elle semble vraiment triste ou dépitée ou les deux à la fois. 

- Qui ça ? Ça doit être important pour que tu sois dans cet état là.

- Et bien... C'était le fils de mon ancien coéquipier.

- Je vois.... Mais tu ne devrais pas plutôt être contente de revoir une tête familière ? Ça te ferai du bien de côtoyer des gens.

Gabrielle soupire une nouvelle fois (je n'ai jamais vu quelqu'un qui souffle autant) et cache son visage derrière ses mains tandis que ses coudes reposent sur ses genoux pour soutenir sa tête.

- Peut-être oui... Mais disons que ça fait remonter des souvenirs très... Délicats. J'ai assisté à l'exécution de son père au début de ma carrière.

- Oh, ça c'est un boulot pour le psychologue Adam, c'est-à -dire moi.

Ni une ni deux je saute sur les genoux de l'inspectrice qui semble surprise et recule par réflexe, manquant de me faire tomber. Par réflexe à mon tour je m'agrippe avec mes griffes à son pantalon ce qui fait crier Gabrielle de douleur. Qu'ils sont sensibles ces humains....

- Tu veux m'en parler ? Tu sais j'étais réputé avant donc je suis peut-être un chat mais je sais encore faire mon boulot.

En réalité je n'étais pas si réputé que ça si je me souviens bien. Les quelques patients qui venaient me voir étaient tous aussi dérangé que moi. Sauf qu'on ne peut pas se guérir soi-même alors j'aidais les autres tout en plongeant de plus en plus dans la paranoïa et la phobie d'autrui. Mon laboratoire était devenu mon exutoire et quand on voit où ça m'a mené, j'aurai sans doute dû aller consulter un psy.

- Je...

Gabrielle hésite durant quelques minutes. Elle plante son regard dans le mien puis détourne la tête vers un point invisible. Sa voix est basse mais mon ouïe développée me permet d'entendre la moindre de ses intonations.

- Bon d'accord, je vais t'en parler.

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⏰ Last updated: Apr 21, 2020 ⏰

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