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Un couloir vide, des classes pleines, le clignotement des lumières au plafond, un bruit fort, des chuchotements terrifiants, un liquide noir et gluant, un sol souillé, des formes inhumaines rampant vers moi, des yeux protubérant aux iris blancs, le bruit ne cessant d'augmenter, une silhouette apparaissant au travers de cette flaque visqueuse ressemblant à du sang aussi noir que les abysses, une main aux longs doigts m'attrapant la cheville, mon corps essayant de lutter contre ce spectacle maléfique, un jeune homme posant son regard humain sur ma personne paniquée, puis tout disparu. Il ne restait que cet inconnu déconcertant qui me regardait sérieusement. Mes jambes se relevèrent rapidement, courant vers ma classe. « Il faut partir! Il...des morts, des créatures démoniaques...dans le couloir! Là-bas! Un homme est entré ici! » M'écriais-je convaincu qu'il y avait quelqu'un derrière moi, sentant le noir s'imprégner dans les murs et un vent glacial aux remous de soufre me souffler dans le dos. « Il faut me croire, il est juste derrière moi. Là...S'il vous plaît » Continuais-je paniqué avant d'entendre mon nom dans un murmure et que je m'enfuis loin de cette présence effrayante.

Dans une respiration saccadée et le corps recouvert d'une mince couche de sueur, j'ouvris les paupières en me redressant sur le petit lit. Il me fallut plusieurs minutes pour reprendre mes esprits et cesser de penser à ce souvenir cauchemardesque. C'était une vision d'horreur, tous ses éléments sinistres et dégoûtants qui voulaient m'attirer vers ce sang noir ainsi que cet homme qui plus tard, me suivait partout. Au lycée, dans la rue, chez moi, jusque dans ma chambre. Je compris que je ne pouvais pas me débarrasser de cette personne qui devint pour moi, un démon. En raison de sa personnalité perfide, trompeuse, mais gentille ou encore de la grande influence qu'il exerçait sur mes décisions, mes paroles et mes gestes. Autant pour faire le bien que le mal. Ce démon était Lim Jaebeom. Un démon qui était le fruit de mon imagination. Il existait dans ma tête, où il vivait, où il allait et revenait à sa guise, où dans mes moments de faiblesse, je le considérait comme un humain à part entière, mais aux yeux des autres, il n'était rien. Personne ne le connaissait, j'étais le seul. Je gardais son existence un secret, on me décrivait déjà comme un étrange personnage, ça ne servait à rien de donner raison à ces gens si cons. De toute manière, tout le monde avait ses problèmes, alors pourquoi les miens étaient plus graves que les autres?

L'ambiance déprimante de ma cellule me fit sortir de mes profondes réflexions. Plus loins, je percevais le son de téléphones qui sonnaient, de claviers sur lesquelles on écrivait frénétiquement, de conversations et de vas et viens constants. On m'avait transféré dans un poste plus gros, je commençais à comprendre que bien vite, j'allais me retrouver dans une vraie prison, contenant de vrais criminelles de mon âge et du même sexe que moi, dans une atmosphère ordonnée et autoritaire. Pour ensuite vivre le reste de mes jours derrière les barreaux. Est-ce qu'un procès m'attendait? Bonne question, j'étais coupable, donc rien ne prouverait le contraire. Néanmoins, la question se posait toujours, enfin, je pensais. Il y avait une panoplie de scénarios différant dans ma tête préoccupée, mais ils terminaient toujours sur le visage terrifié de Tae-il quand mes ciseaux vénèrent se loger dans son cou où j'entendis presque la chair s'ouvrir, se fendre comme un quartier de viande gorgée de sang. Le bruit sourd que son corps mort émit en rencontrant le sol et les cris féminins stridents emplissant l'air à la vue de son affreux cadavre étalé par terre. Ça me hantait. Cette vision d'horreur se rajoutait à ma liste qui grandissait de plus en plus, pourrissant mon esprit fébrile. Je ne pouvais pas fermer mes yeux sans voir des ombres vicieuses, sans imaginer une autre fois ce meurtre et entendre des voix me répétant sans relâche le monstre que j'étais. Dormir ou légèrement somnoler était une torture incessante.

Un cliquetis et des « ting » de clés se bousculant retentirent et une voix me pria de me lever. Un policier m'attendait à la porte de ma cellule avec des menottes. Docilement, je le laissa les mettre à mes poignets avant qu'il ne me guide à travers le poste. Où est-ce que j'allais encore? Une nouvelle cellule? Un interrogatoire? La chaise électrique? La dernière option me fit autant rire intérieurement que frissonner. On pénétra dans un couloir pour déboucher dans un autre avec quatre portes. Il me dirigea vers la première à ma gauche. On y entra et un visage familier était installé avec un portable sur la table, tandis qu'un officier se trouvait à côté. L'homme qui m'escortait me fit prendre place sur la chaise en face d'eux. L'expression de la jeune femme que je connaissais était déchirée entre la douleur et le masque professionnel qu'elle tentait de garder.

𝐃𝐄𝐌𝐎𝐍 | 𝐣𝐣 𝐩𝐫𝐨𝐣𝐞𝐜𝐭Où les histoires vivent. Découvrez maintenant