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Des voix de jeunes hommes ayant finalement un moment de détente fusaient dans la salle éclairée, le bruit des plateaux résonnaient sur les tables et je pouvais presque entendre les rares phrases que les gardien s'échangeaient. Ma nourriture n'avait pas bougée, toujours à la même place, un haut le cœur me prenait à chaque fois que je m'imaginais ingurgiter ces aliments qu'habituellement, j'aurais gober sans broncher. Mais je n'avais plus faim, mon estomac était sans dessus dessous, comme si on l'avait violemment brassée avant de la remettre en place. Je fixais le plateau intact, le regard vide, l'esprit qui l'était tout autant et j'avais l'impression qu'à n'importe quel instant, la faucheuse volerait ma vie pour m'emporter loin en agrippant mes habits de ses mains osseuses. Chaque seconde qui s'écoulait était surveillée par mon désir de cesser de respirer pour ne plus entendre ces chuchotements, ces voix, ces cris et pour ne plus apercevoir des silhouettes dans tous les recoins de cette satanée prison. Les formes sévissaient même dans ma tête, prenant l'espace entière sans gêne et s'encrant dans les petites fissures pour ne plus en sortir. Cela faisait presque deux semaines que je vivais cet enfer, chaque jour, sans une exception. Pourquoi ces hallucinations décidèrent de commencer leur torture une fois le départ de Jaebeom?

Je rejouais sans cesse le moment où son sourire lumineux étira ses lèvres avant qu'il ne se fane aussi vite qu'une fleur privée d'eau sous un soleil de plomb. Je me couperais un doigt pour revenir à la dernière fois où je ressentis cette chaleur vivifiante. Après ça, tout ce qui m'importait était de rester assied dans ma cellule à fixer silencieusement le mur face à moi, se foutant du temps qui passait et de la colère générale. Néanmoins, on devait obéir ici, on devait se résigner à affronter des jours identiques et on devait donner une chance à la folie de s'installer dans notre cerveau. Ce n'était que mon ressentis sur la vie pénitentiaire, peut-être que certains la prenait bien. De toute manière, je n'en savais strictement rien, je n'avais pas tué un humain dans le but de socialiser une fois enfermé. De plus, avec ma gueule de cadavre sur pattes, ceux qui me croisaient ou qui se trouvaient obligés de s'assoir à la même table que moi lors des repas n'osaient pas m'adresser une mot. J'avais la paix, en quelque sorte.

Une cloche retentit, annonçant que l'heure des blabla venait d'arriver à sa fin. L'amas de testostérone se leva pour empiler les plateaux dans l'espace réservée à cette fin. Sauf moi, j'étais encore assied à regarder la nourriture immobile en demandant à mon corps de se manier s'il ne voulait pas se faire crier dessus.

- Toi, aller. M'ordonna-t-on fermement.

Une fatigue soudaine prit l'assaut de mes pieds pour remonter le long de mes jambes, s'accrochant au bas de mon ventre avant de terminer son chemin jusqu'aux racines de mon cuir chevelu. Ma tête partit à l'arrière, tandis que ma bouche s'ouvrait et que je tombais à la renverse sur le sol. D'infimes secondes précédant le choc brutal de mon crâne contre les dalles, le visage d'un homme aux cheveux très court avec un cure-dent reposant dans sa bouche et affichant un sourire inquiétant apparut dans mon champ de vision floue avant que mes yeux ne se ferment à cause de mon épuisement abyssal.

𝔻𝔼𝕄𝕆ℕ

Le vent soufflait dans le ciel nuageux d'une couleur éternellement sombre, il sifflait sur le haut des rochers aux bouts tranchants, mais une fois dans les couloirs pierreux, un silence accablant se promenait vicieusement. J'étais assied par terre, adossée contre un mur, les jambes étendues devant moi, subissant la noirceur de la cellule et l'attente misérable dans laquelle je baignais depuis plusieurs jours. Je fredonnais une chanson, comblant l'obscurité totale d'une douce mélodie aux paroles moroses en sentant mes blessures s'étirer bien que j'étais aussi immobile qu'un poteau sur un trottoir. Le sang sur mon visage avait séché et mon œil gauche semblait moins gonfler. Là où tout était encore ouvert tel la bouche d'une puce surexcitée, c'était mes deux avant-bras victimes de profondes coupures s'aventurant jusque dans mes paumes et les nombreux coups d'un fouet marquant la peau mutilée de mon dos, fouet dont l'utilisation restait encore inconnu. Le bourreau s'était occupé de mon cas sous les yeux énervés de mes supérieurs, il avait prit goût à la violence qu'il m'affligeait. On mettait de sacrés psychopathes à ce poste, de toute façon, l'enfer renfermait une tonne de dérangés, dont les démons. Je me trouvais probablement à être le moins sanguinaires, si on excluait mes premières années ici, lorsque je me croyais d'une puissance inébranlable.

𝐃𝐄𝐌𝐎𝐍 | 𝐣𝐣 𝐩𝐫𝐨𝐣𝐞𝐜𝐭Où les histoires vivent. Découvrez maintenant