listen before i go

Chapitre 18

J'avais d'abord pensé que tu choisirais de rester enfermé dans ta chambre et de m'ignorer, mes complaintes et moi, fuyant en même temps la réalité que je venais de te rappeler peut être d'une façon un peu trop douloureuse et culpabilisante. Mais je ne vais pas me mettre à regretter mes paroles à nouveau. Contrairement à toi, j'étais près à assumer l'entièreté de mes paroles. Et alors que je me retrouvais à quelques pas de ma chambre, j'entendis des pas se rapprocher de moi rapidement. C'est avec surprise que je t'aperçus, toi Salinger à deux mètres de moi en me retournant. Je t'observai quelques secondes, attendant que tu parles le premier, mais constatant que tu ne t'engageais pas, je soupirai longuement.

- Qu'est-ce que tu veux ? Tu ne crois pas que tu m'as fait assez de mal comme ça ?

- Je suis désolé Sid.

Je laissai échapper un rire nerveux, presque vexé du ridicule de la situation.

- Attend, t'es venu en courant jusqu'à l'entrée de ma chambre pour présenter tes excuses ?

Tu me regardas peiné. Avec l'air totalement dévasté qui se dessinait sur ton visage, j'avais presque cru que tu allais te mettre à pleurer piteusement. Au lieu de cela, tu sortis une feuille de ta poche, la déplia et me la tendit.

- Quoi ? Qu'est-ce que c'est ?

- Lis.

Je te scrutai un instant avec méfiance, mais ma curiosité l'emporta et je commençai à lire le papier.

- Qu'est-ce que ça signifie "Monsieur Salinger Hubert Finn, 3 septembre 1999, 17 décembre 2019" ? Et pourquoi ils parlent de machines respiratoires et de coma artificiel ? Je comprends rien à ce jargon médical.

- C'est un peu comme un calendrier. Un calendrier médical, qui annonce les prochaines semaines à venir.

- Et donc ? Ces dates correspondent à quoi ?

Tu t'approchas de moi et tu me désignas une date sur la feuille:

- Par exemple le 27 novembre, je vais devoir faire ma dernière radio, pour voir si mon traitement à pu faire de l'effet ou non.

- Ça fait combien de temps que tu le prends ce fameux traitement ?

Tu souris faiblement:

- Ça va faire cinq ans. Et je fais des radios tous les six mois. Jusqu'à présent, il n'a jamais fonctionné.

- Alors pourquoi tu le prends ?

- Parce qu'il a réussit à reculer un peu la date... la date de...

Ta voix se fit plus hésitante et haletante. Tes yeux s'étaient humidifiés d'un coup, et tes mains tremblaient. Je les pris alors dans les miennes par réflexe.

- Et pourquoi le 17 décembre 2019 ?

Tu me fixas dans les yeux pour la première fois depuis le début de la conversation.

- C'est la prédiction. Si mon traitement n'a pas miraculeusement fait effet, une décision sera prise ce jour là. On décidera de me plonger en coma artificiel quelques jours, comme ultime solution.

- Et ensuite ?

- Et bien soit je me réveillerai peut être guéri, soit... et bien soit je ne me réveille pas.

Je sentis mon corps se rafraichir subitement et mon coeur louper un battement.

- Donc le 17 décembre ça serait la date de ta mort ?

- Oui, si je ne survis pas au coma artificiel.

- Et combien de temps va t-il durer ?

- Entre 3 et 15 jours.

Je restai silencieux. J'avais peur de dire quelque chose qui ne fallait pas, de poser des questions trop indiscrètes, mais surtout de te rendre encore plus triste. Toute ma colère s'était envolée, rien ne me permettait désormais de faire des reproches à quelqu'un qui est sur le point de mourir. Moi qui ai toujours été effrayé par la mort, aucune souffrance ne me paraissait comparable à celle de savoir quand notre vie touchera à sa fin. Je n'arrivais plus à t'en vouloir, j'avais en réalité, bien plus peur pour toi que pour moi.

- Je m'excuse de mon comportement Sid. Je comprends ton mécontentement, j'ai été indécis et pas clair avec toi. La vérité c'est que je savais qu'en t'avouant tout, ça serait différent entre nous. J'appréhendais ta réaction et tes agissements envers moi. Je craignais que tu ne sois empathique envers moi seulement parce que tu connaissais ma situation et que tu ne voulais pas me blesser davantage. J'ai essayé du mieux que je le pouvais de te tenir éloigné de moi pour pas que tu sois embarqué dans cette histoire avec moi. C'est pour cela que j'ai pu te paraitre distant à certains moments, je ne voulais pas que tu t'attaches à moi, mais c'est trop dur. Je crois que tu me plais vraiment Sidney, j'aurais tellement voulu échapper à cette situation, mais maintenant que tu es au courant, j'aimerai passer ce qui sont peut être mes cinq dernières semaines à tes côtés. J'aimerai être heureux une dernière fois, et renaitre une nouvelle fois. Je sais que c'est compliqué pour toi, et que ça t'oblige à t'attacher à un condamné, alors je comprendrais si tu décides de ne plus jamais avoir affaire à moi. Je te laisserai définitivement tranquille si c'est la décision que tu choisis de prendre.

Je te scrutai complètement désorienté et épuisé suite à tout ce que tu venais de m'annoncer. Mais pour une fois, je décidai de choisir mon coeur, de prendre un risque qui me fera sûrement énormément souffrir et qui aura des impacts probablement conséquents sur mon futur, mais un risque qui méritait sans aucun doute d'être prit. Salinger, tu méritais que l'on se batte pour toi.

Alors je m'avançai vers toi d'un pas assuré, glissai mes mains sur ta nuque et t'embrassais tendrement les yeux clos, les larmes perlant sur mes joues.