stratocumulus.

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J O U R S I X I È M E

- Je suis désolée.

Au-dehors, il fait frais, bien plus qu'à son arrivée. Une légère bourrasque soulève les cheveux de Yeji, tandis que cette dernière relève la tête dans sa direction, intriguée.

- Pourquoi ?

- J'ai tout gâché. La soirée commençait bien et puis...

- Ne t'excuses pas, tu n'as rien fait de mal.

Lia se sent étrangement rassurée par les mots de sa camarade. Comme si, venant de sa bouche, ils avaient bien plus de valeur qu'en temps normal. Comme si, pour une fois, ils faisaient sens et méritaient qu'on leur accorde de l'importance. Ça lui a fait plaisir, sincèrement plaisir, de les entendre. Même si elle peine encore à y croire, elle est touchée par l'intention et sourit timidement.

Bien que minuit ait déjà sonné, il y a encore du monde dans la rue, et les deux jeunes femmes commencent à marcher sans objectif, ne souhaitant pas rester debout à ne rien faire devant le bar qu'elles ont quitté un instant plus tôt. Un silence se fait, uniquement perturbé par le bruit de la ville qui ronronne doucement. Les autres sont devenus un fond sonore, quelque part en arrière-plan. Ils continuent de vivre aux alentours, mais leur existence n'a aucune importance dans l'univers de Lia ; elle est à présent enfermée dans une petite bulle de sérénité, avec comme unique compagnie celle qui fait battre son cœur de manière aussi absurde et irraisonnée.

Elle doit cesser de se mentir à elle-même, elle le sait bien. Pourtant, c'est encore trop étrange pour elle d'admettre qu'elle aime une fille. Qu'elle a le béguin pour l'une d'entre elles, tout du moins. Si ses parents l'apprenaient, elle se ferait sûrement incendier. C'est probablement la raison pour laquelle, d'ailleurs, elle a autant de mal à l'accepter.

Elle, aimer une fille ? Impossible.

Et pourtant, une fois encore, Yeji est là pour foutre en l'air tous ses principes, tous les préceptes que sa mère s'est pourtant évertué à lui enseigner au cours des années. Yeji est là, Yeji est toujours là. Yeji est là pour la faire sortir, pour l'inciter à s'amuser. Yeji est là pour lui dire de ne pas s'excuser sans cesse, elle est là aussi pour la pousser à dire ce qu'elle pense sans se retenir. Yeji est là pour lui prouver qu'elle mérite, elle aussi, de se faire passer avant les autres.

- Ce que je lui ai répondu était pas très sympa non plus... marmonne la brune calmement. Je suppose qu'on est quitte.

- Il fallait bien que quelqu'un le remette à sa place un jour de toute façon.

Après quelques secondes, la Canadienne lâche un petit rire moqueur, suivie par son acolyte. En y repensant, il est vrai qu'il l'avait un peu mérité. Un peu, ou au moins assez pour que son amie s'en mêle. C'est ce qu'elle se plaît à croire, tout du moins.

- J'espère qu'il ne t'a pas blessée avec ses conneries, finit par soupirer la décolorée avec ennui.

- Oh... T'en fais pas. J'ai l'habitude.

- C'est pas une raison ! a-t-elle pratiquement crié. Ce connard n'avait pas à te dire ça, c'est tout !

Plusieurs personnes se sont retournées dans leur direction, mettant l'étrangère mal à l'aise. Elle se sent cernée, prise au piège. Elle n'aime pas qu'on la fixe de la sorte. Heureusement, Yeji semble le remarquer assez rapidement, et s'excuse de s'être insurgée de la sorte.

- C'est rien. Et puis, je suppose qu'il n'avait pas totalement tort, donc bon...

L'étudiante à ses côtés s'arrête immédiatement.

la reine des nuages (et le soleil de ses journées) [yejisu]Where stories live. Discover now