2 : Charlotte, ou tomber amoureuse puis s'en remettre en cinq minutes

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Charlotte n'avait pas prévu de rater ses études.

En fait, elle ne l'avait pas imaginé une seule seconde.

Elle avait toujours été bonne élève. Elle avait même sauté une classe. Ses professeurs la félicitaient, ses parents étaient fiers d'elle, elle se rêvait en médecin de renom. Elle était arrivée en PACES pleine d'espoir. Le travail ne lui faisait pas peur. Elle avait cru pouvoir avaler des pages et des pages de polycopiés, tout comprendre du premier coup, remplir les QCM sans jamais faillir, exactement comme elle avait toujours fait.

Mais elle avait raté.

Deux fois.

Et elle ne serait jamais un médecin de renom.

Depuis qu'elle avait eu ses résultats, Charlotte pleurait tous les jours. Elle était naturellement émotive, mais ce trait de caractère s'était aggravé avec la PACES. C'était quotidien. Elle vivait sa vie, tranquillement, et puis elle pensait à la rentrée, elle angoissait, elle se disait qu'elle n'avait plus rien, plus d'objectifs, qu'elle ne savait pas où aller ni quoi faire. Elle pleurait.

Ce manège avait duré tout l'été.

Charlotte avait décidé que c'était assez. Elle était une grande fille. Elle travaillait au Latina, maintenant. Elle gagnait sa vie comme une personne honnête.

Même si ce n'était pas en soignant des gens.

Elle sentit brusquement les larmes lui monter aux yeux, et les ravala.

« Stop », chuchota-t-elle, d'un ton rageur.

Assez, elle avait dit. Elle travaillait au Latina. Elle ne pleurerait plus.

Et d'un pas décidé, Charlotte se dirigea vers la boîte de nuit. Le videur était déjà là. C'était un type qui ressemblait plus à un frigo qu'à un humain, et Charlotte fut immédiatement effrayée. En plus d'être émotive, elle était peureuse.

« Bonjour », dit-elle au frigo.

Il ne répondit pas. Il ne la regarda même pas.

« Je travaille ici, retenta Charlotte. Aux vestiaires. Je suis nouvelle. »

Elle avait mis beaucoup de conviction dans sa voix – enfin, autant qu'elle en était capable – mais le frigo ne parût pas plus ému.

Charlotte était un peu vexée. Elle se demanda pourquoi elle continuait à essayer d'engager la conversation. Après tout, elle était là pour travailler, pas pour se faire des amis.

« Bon, eh bien, à plus tard. »

Elle voulut avancer, mais le frigo déploya son bras et l'empêcha de passer. Cela scandalisa Charlotte. Ah, d'accord, c'était comme ça !

« Je dois aller aux vestiaires, expliqua-t-elle. C'est moi qui les tiens, ce soir. Je m'appelle Charlotte. Je suis nouvelle. »

Le videur ne bougea pas d'un centimètre. Il regardait droit devant lui, immobile comme un... comme un frigo.

« Vous devez me laisser passer », répéta Charlotte.

Elle n'avait jamais été très forte pour donner des ordres. Mais c'était une nouvelle vie, n'est-ce pas ?

« C'est bon, Zazou. Je l'ai embauchée. »

Charlotte reconnut la rousse avec qui elle avait passé son entretien d'embauche. Cette fille était décidément son ange gardien. Elle l'avait prise sous son aile, elle lui avait donné un travail, et maintenant elle venait l'aider à échapper au frigo.

Dramas & MojitosWhere stories live. Discover now