37. Changement de camps

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Notre retour au lycée à été mouvementé. Nos visages amochés et nos corps abîmés ont beaucoup fait parler. Bien sûr, je n'ai rien riposté. Je n'ai rien dit. Je n'ai accusé personne d'aucun méfait. Avec mon œil au beurre noir, mon nez gonflé et les quelques cicatrices qui ornent ma peau, j'ai simplement lancé un regard acéré aux personnes que je considère comme responsable de notre accident.

Chris a bien tenté de savoir ce qu'il m'était arrivé. Je l'ai regardé en silence, pour ne laisser échapper aucune information dont il pourrait se servir à nouveau contre moi. J'ai contenu mes insultes et mes reproches aussi longtemps que c'était humainement possible. Et j'ai fini par tourner les talons. Il m'a paru déconcerté, et un peu déçu. Mais pas autant que moi.

La vérité c'est que je suis aussi en colère contre lui que contre moi...

Cet accident est entièrement de ma faute. Et William en paye le prix aujourd'hui. Et je sais qu'il m'en veut même s'il ne l'a pas exprimé. Il n'est pas encore arrivé au lycée, car il avait un nouveau rendez-vous chez le médecin. Mais vu son silence, j'ai peur de la mauvaise nouvelle qui va suivre.

Il ne pourra pas jouer le match de demi-finale cet après-midi. C'est presque une certitude. Et même s'il se remet assez vite pour la finale, si l'équipe perd ce match s'en est fini de la compétition. Et c'est ma faute.

En arrivant dans le gymnase déjà agité, je me faufile vers les vestiaires en espérant croiser William, ou au moins quelqu'un à qui je pourrais demander de ses nouvelles. Mais toutes les portes sont fermées et aujourd'hui, je n'ai pas le cœur à espionner qui que ce soit. Je rebrousse chemin en direction du terrain. Je croise un groupe d'hommes d'âge mûr, ce qui me paraît étrange. Qu'est-ce qu'ils viennent faire ici ?

- Excusez-moi, c'est une partie interdite au public avant les matchs.

Un homme me toise d'un regard glaçant.

- On n'est pas le public, ma grande. Où sont les vestiaires des joueurs ?

- Pourquoi ?

Il a un ricanement.

- Tu es bien curieuse. Nous sommes de la commission de contrôle. On vient tester les joueurs.

Je me fige. Ils le remarquent.

- Quelle équipe ?

- Les Tigers.

Je dois blêmir à vue d'œil, car leurs regards se font plus perçants. Je reprends de l'aplomb en tentant d'attraper discrètement mon téléphone pour prévenir William.

- Pourquoi vous ne testez pas les deux équipes ?

- Qu'est-ce que ça peut faire ? Allez, pousse-toi du chemin.

- Ce n'est pas très équitable, je trouve. Je suis du journal du lycée, et votre manque d'équité sera mentionné.

Je fais la maligne, mais je n'arrive pas à savoir si j'écris effectivement un message à William dans mon dos, et encore moins s'il sera lisible. De toute façon, essayer de gagner du temps ne changera sûrement rien, à moins de 10 min du début du match, les dés sont jetés.

Je m'écarte pour les laisser passer, et les observe se diriger vers la porte des vestiaires. La suite ne m'appartient plus. Je n'ai plus le pouvoir d'agir dessus. J'espère simplement que les garçons n'ont pas eu la stupidité de céder à leur soif de victoire au détriment du bon sens... Prendre des stimulants avant un match de demi-finale, ce serait presque du suicide. Mais sachant qu'il leur manque leur joueur phare... Je crains le pire.

Je respire une grande bouffée d'air.

Je regarde mon téléphone : j'ai écrit un message incompréhensible à ma mère...

Derrière l'objectifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant