CHAPITRE 25 - Souvenirs douloureux

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Je n'ai adressé la parole à personne depuis l'incident de dimanche. Ma mère s'est chargé de tout raconter à mon père, mais aussi à tout le monde. Tout le monde est maintenant au courant de la raison qui m'a fait détesté les concours. Enfin, même ça ce n'est pas vrai. Je ne sais plus vraiment ce qui l'est ou non dans ma vie...

C'était il y a 10 ans. On m'avait confié un petit poney C, alezan du nom de Sonic. Il était jeune, mais il était vraiment gentil. Je n'ai jamais fait une saison complète avec lui. Nous avions commencé en P3, et nous gagnions souvent les concours, alors nous sommes vite passé en P2.

Il avait un coup de saut extraodinaire, et un cœur immense. Je faisais souvent des erreurs, normal pour un gamin de 8 ans, mais il me pardonnait tout. Des fois, il me foutait à terre, mais uniquement pour me faire progresser. C'était le meilleur poney que je n'avais jamais eu.

Malgré mon début de saison tardif, nous avions réussi à nous qualifier pour les Championnats de France, en P2. Les deux premiers jours, nous étions sans-fautes, en haut du classement. L'épreuve au barème C n'avait posé aucun problème, nous faisant même prendre la tête.

La finale était aussi très bien passé, et nous étions Champions de France Poney 2. Un de mes meilleurs souvenirs. J'ai conservé toutes les photos de Lamotte dans un album photo, dont la plupart représentent un petit poney alezan et un cavalier, le tout en bleu roi. Ah oui, j'aimais bien les couleurs flash.

Puis nous étions rentré à Kisla, des étoiles pleins les yeux, et j''avais décidé de donner une bonne semaine de vacances à Sonic. Il s'était remarquablement bien battu durant ces Championnats, alors il avait bien droit à du repos.

Quelques jours après, j'avais vu plusieurs personnes, dans la cour des écuries, discuter avec mes parents. Camille m'avait amené à l'écart, dans la grange.

« - Cam c'est qui ?

- Gaby, ils sont venus chercher Sonic. »

Je me rappelle encore très bien les émotions qui m'avaient traversé à ce moment : peur, appréhension, jalousie, colère. Pourtant, je ne connaissais pas encore les raisons pour lesquelles on me retirait mon poney.

« - Pourquoi ?

- Je ne sais pas. Mais Sonic va partir des écuries pour un certain temps. »

Elle n'avait pas eut besoin d'en dire plus. J'avais compris que Sonic ne reviendrait plus à Kisla. J'avais compris que Sonic ne serait plus là le matin, m'appelant en hennissant. J'avais compris qu'il ne me pousserai plus pour avoir des bonbons. J'avais compris que la relation de confiance que j'avais établi avec Sonic n'avait aucune valeur aux yeux des adultes du monde équestre. J'avais compris les règles de la compétition équestre.

Mes parents avaient fait tout ce qu'ils avaient pu, mais Sonic était parti, la semaine suivante, dans une écurie à l'autre bout de la France. Je n'ai jamais eu de nouvelles de lui, et je crois bien que je n'en aurait plus jamais. Je ne sais pas s'il tourne encore en P2, ou s'il a fait des plus grosses épreuves. Je ne sais pas s'il a continué le saut, ou s'il s'est mit à une autre discipline. Je ne sais pas s'il est avec des bons propriétaires, ou s'il n'est pas heureux là où il est. Je ne sais même pas s'il est encore vivant. Il avait 7 ans quand nous nous sommes quittés, donc il devrait en avoir 17 normalement.

Après ça, j'avais monté quelques chevaux du club, le temps de retrouver un poney.

« - Gabriel, on a trouvé une belle ponette appaloosa à vendre, elle est à deux heures de route, on pourrait y aller ce week-end, qu'est ce que tu en penses ?

- Ouais, on pourrait. »

Nous étions partit sur la route, mes affaires d'équitation dans le coffre. L'annonce ne mentait pas, la petite jument était vraiment belle. Mais très caractérielle. L'essai ne s'était pas très bien passé, mais j'avais eu un coup de cœur. Nous avions convenu que je reviendrais l'essayer la semaine suivante. Le second essai s'était beaucoup mieux déroulé, et la vente était conclue.

Je pensais avoir retrouvé une ponette, pour retourner en concours, et espérer retrouver Sonic sur les terrains, mais tous mes espoirs n'étaient que des rêves. Quelques jours avant que la ponette arrive chez nous, le propriétaire nous appelait en nous disant que la vente était rompue. Et tout ça pour quoi ? Parce qu'une petite garce avait voulut à tout prix cette ponette, et avait payé deux fois le prix que nous allions donner.

Après ça, j'ai compris que je n'avais plus rien à faire dans le monde poney. Je ne voulais plus monter à poney, et j'approchais de mes 10 ans, donc je pouvais très bien tenir sur un cheval.

« - Tu ne veux plus de poney ?

- Non, ça ne sert à rien d'en chercher un nouveau, il me passera encore sous le nez comme les autres. Donc non.

- Mais enfin Gabriel, tu vas faire quoi en attendant ? Tu veux arrêter l'équitation ?

- Non ! Je continue de monter. Je pourrais très bien sortir des poneys ou des chevaux du club. »

Mes parents avaient beaucoup réfléchit, et ils étaient tombés d'accord. J'avais désormais le droit de m'occuper des chevaux du club, et si l'un d'entre eux devenait un coup de cœur, ils s'arrangeraient pour que je puisse m'en occuper comme mon propre cheval. Oui, j'avais vraiment les meilleurs parents du monde.

Toutes les semaines, je montais dans deux cours différents, alternant ainsi tous les poneys et les chevaux du club. Mon niveau avait clairement progressé, j'étais très fier de moi. Et parallèlement à ça, je montais aussi les poneys de ma sœur, et quelques chevaux de ma mère. Mon père m'a énormément coaché sur le dressage pendant cette période, et c'est de là qu'est née ma passion pour cette discipline.

Cette situation dura 3 ans, avant que je trouve ma perle rare. J'ai trouvé Maestro, alors que je n'avais que 13 ans. J'avais fait secrètement des recherches sur des chevaux, jeunes de préférence, mais aucun ne me tapait dans l'œil.

« - Gaby, on va essayer un cheval pour Camille, mais c'est dans un haras en Allemagne. Tu veux nous accompagner ?

- Mais quelle question, bien sûr ! »

Camille avait essayé plusieurs chevaux. Nous étions parti sur une semaine de voyage, pour que ma sœur ait tout le temps pour essayer de nombreux chevaux. Elle avait même essayé un cheval du prestigieux élevage Aaris, Kenton Aaris Z.

Je souris en repensant à Kenton. Il vient de chez Axelle, et j'ai pu avoir des nouvelles : il s'est trouvé un autre cavalier, avec qui ils progressent très bien.

Le dernier jour de notre périple en terres allemandes, nous étions dans un petit haras. Nous n'avions pas prévu de nous arrêter ici, mais finalement, Camille n'ayant pas trouvé son crack, alors un cheval de plus ou de moins n'allait pas changer la balance. C'était faux. La chance allait tourner, mais pour moi.

Alors qu'elle et mes parents discutaient avec les propriétaires, je m'étais promené dans les allées, m'attardant surtout sur les box des chevaux à vendre. Il y avait de très beaux modèles, mais un avait attiré mon attention. A ce moment, une palefrenière le ramenait du pré, et malgré les tâches de boues, je le trouvais magnifique.

Je n'avais pas eu à me battre pour convaincre mes parents, que j'étais déjà sur son dos. Je détendis en profondeur, en essayant de comprendre le cheval que j'avais encore les mains. Puis mes parents avaient commencé à mettre des obstacles.

« - Viens sur la croix.

- Non, je ne veux pas sauter. Maman, ce cheval est génial, c'est lui que je recherche.

- Mais c'est surtout un cheval de dressage ! Il n'a pas dut voir beaucoup de barre dans sa vie.

- Je m'en fous. C'est ce cheval ou aucun autre. Il a tout, et nous évoluerons ensemble, sur le dressage. »

Le coach m'avait donné quelques exercices pour finir la séance, mais j'étais déjà conquis. Cependant, pour un cheval avec autant d'allures, il ne savait pas faire grand-chose. Son propriétaire m'avait alors appris qu'il était jeune et sortait du débourrage avec ses 4 ans et demi d'existence.

Mes parents n'eurent pas à trop négocier, l'hongre gris nous rejoignit deux semaines plus tard. Et c'était d'ailleurs à ce moment que j'appris son nom : Maestro d'Arsh.

Au bout des rênesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant