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Merci à tous pour vos retours sur le chapitre précédent et votre ouverture d'esprit !
La société devrait vous ressembler un peu plus !
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12 Décembre 2024.

Les mains gantées enfoncées dans les poches de ma doudoune noire, j'avais baillé à m'en décrocher la mâchoire. La fatigue commençait réellement à se faire sentir et pourtant, je n'étais pas prêt de me coucher dans mon lit douillet. Un coup d'œil par la fenêtre m'avait informé que la nuit était arrivée pendant que j'attendais dans ce hall. Je n'avais pas eu le courage de regarder ma montre pour savoir quelle heure il était précisément. Je m'étais contenté de soupirer en me laissant tomber sur une chaise.

Les rumeurs des différentes salles d'entraînement formaient un fond sonore chaotique entre les notes de la musique classique et les beats d'un rap en vogue ou encore une voix grave donnant des ordres. J'avais fermé les yeux, peut-être avec l'espoir de faire une petite sieste malgré tout ça. Cependant, ce n'est pas cette cacophonie qui m'en empêcha, mon esprit bouillonnait trop pour me permettre de faire une pause dans ma journée de fou.

Automatiquement, je m'étais repassé tout ce que je devais faire en rentrant à la maison. Il fallait que j'aide Dae dans ses devoirs. Ses mauvaises notes en anglais inquiétaient mes parents. Je les avais entendus en parler un soir en début de semaine. Mon frère était doué à l'oral, mais ses fautes étaient trop nombreuses à l'écrit. Bien entendu, je pensais que pour un gamin qui était dans ce pays depuis six mois, son niveau était vraiment bon, mais il ne semblait pas que les adultes étaient de mon avis.

De plus, je devais lui préparer le dîner. J'avais demandé à ma mère de me laisser m'en charger pour la soulager et pour faire plaisir à Dae. J'avais peut-être été un peu présomptueux sur ce coup parce que je ne cuisinais pas encore bien – ni rapidement – les quelques plats qu'eomma m'avait montrés. En plus, il était déjà tard et Dae aurait sûrement faim après son cours de danse.

J'avais grimacé avant que je ne repense à tout ce qui s'était déroulé au collège aujourd'hui. Tim, mon seul ami, m'avait perturbé en m'affirmant qu'une fille d'une autre classe avait craqué pour moi. Après avoir passé vingt minutes à la pause déjeuner à la chercher dans tout le bâtiment, il m'avait demandé si je voulais sortir avec elle. Sa question était stupide. J'ignorais qui elle était. Alors il avait cru bon de faire les présentations.

Je l'avais trouvé tout de suite très jolie avec ses boucles d'un blond pur, ses yeux bleus, son timide sourire et cette tache de naissance dans son cou. Tim m'avait affirmé que ce n'était pas très sexy, mais à douze ans, je n'étais pas sûr que ce soit important. Puis j'aimais bien, moi. Ça lui donnait un petit truc en plus. Quelque chose d'unique qui l'empêchait de se fondre dans la masse, dans l'uniformité de la société et c'était cool.

Nous étions restés avec Ginie et ses copines pendant un long moment, à discuter des cours, des profs, de musique et de films. Avant de retourner en cours, elle m'avait demandé mon numéro de téléphone. J'avais silencieusement remercié mes parents de m'avoir offert un portable pour qu'ils puissent prendre de nos nouvelles plus facilement quand ils travaillaient. J'avais accepté sans trop réfléchir et Tim avait été fier de moi.

Passer la pause du déjeuner avec les filles avait été cool. Je n'aurais jamais pensé que ça le soit autant. En Corée, j'étais inscrit dans une école pour garçons alors c'était vraiment nouveau pour moi d'avoir un contact comme celui-ci avec elle. J'en venais même à me demander si je devais lui écrire. Ou si je devais entendre un message de sa part. C'était inédit, oui, mais ça avait un côté grisant, assez agréable. J'avais ricané à cette pensée.

Une porte s'était ouverte à quelques mètres de moi, libérant des adolescents qui devaient avoir à peu près mon âge. Je jetais un coup d'œil à la pièce d'où ils sortaient, elle ressemblait à une salle d'arts martiaux, avec des tatamis au sol. Il y avait encore un gamin, plus jeune, qui faisait des enchaînements. Je n'y connaissais rien, mais il avait l'air de plutôt bien se débrouiller. D'où j'étais, j'arrivais même à apercevoir la sueur qui dégoulinait sur son visage, collant ses mèches brunes sur son front.

Pendant un moment, je l'avais observé continuer à s'entraîner. J'avais l'impression de voir une autre version de Dae. Une version non dansante, plus brute, moins gracieuse, mais tout aussi puissante. Cependant ses mouvements envoutaient autant que les pas de bourré de mon frère. J'étais sorti de mon admiration en sentant mon téléphone vibrer dans une poche de jean. Après avoir retiré mes gants, je l'avais pris et un sourire s'était affiché sur mon visage. Ginie m'avait écrit. Mon dilemme n'était plus d'actualité, elle avait réglé le problème aussi simplement, avec un salut et un smiley.


— Ton truc, là...

Une petite voix m'avait brutalement sorti de mon échange virtuel, me ramenant à la réalité. J'avais relevé le regard et remarqué que les salles, en dehors de celle d'arts martiaux, étaient toutes éteintes. J'avais froncé les sourcils tandis que la panique s'était emparée de moi. Je m'étais levé alors que la voix avait repris, d'un ton sec :

— Quand t'es par terre, tu vois?

J'avais tourné la tête, me déplaçant un nerf dans le geste. J'avais grimacé sous la douleur, mais le soulagement l'avait remplacé. Dae était assis à deux sièges de moi, ses jambes s'agitant dans le vide, son petit sac de danse sur les genoux. Un gamin, celui que j'avais admiré un peu plus tôt, était debout devant lui. De près, j'avais pu remarquer qu'il n'était pas très grand et que ses cheveux noirs étaient assez longs pour lui cacher les yeux. Il se balançait d'un pied sur l'autre comme s'il était stressé. Ses mains étaient dissimulées dans les poches de son jogging noir.

— La roulade quoi... Bah... C'était... chouette, bafouillait-il.

Le corps de Dae s'était figé, d'un seul coup à l'écoute de ce compliment. Ses joues s'étaient mises à rougir à vue d'œil et ses yeux s'étaient écarquillés. Il était gêné et touché, même si les mots du gamin étaient un peu maladroits. Mon frère avait fini par marmonner un merci à peine audible qui m'avait fait sourire. Sans attendre, l'enfant était alors parti en courant, rejoignant la salle d'arts martiaux et claquant la porte derrière lui.

J'avais ricané, mais mon hilarité avait cessé quand j'avais croisé le regard de mon petit frère. Il était noir. Le timide Dae n'était plus là, le gamin l'avait embarqué avec lui. Je m'étais approché de lui en demandant :

— Qu'est-ce qui se passe?

Il avait fait la moue, preuve qu'il me boudait et que je n'obtiendrais rien de lui.

— Ça s'est mal déroulé aujourd'hui?

Il s'était contenté de secouer la tête.

— Tu sais que tu peux tout me dire. Je suis là pour toi...

J'avais posé ma main sur son épaule, mais d'un mouvement habile, il s'était dégagé en me fusillant du regard. Je n'avais pas eu le souvenir qu'il m'ait déjà toisé ainsi. Il avait sauté sur ses pieds et s'était dirigé vers la porte de sortie de l'association. J'avais eu un moment de flottement, ne sachant pas quoi penser de son comportement puis j'avais rangé mon portable dans ma poche de doudoune. J'avais couru pour le rattraper et sans un mot, nous avions marché, côte à côte, jusqu'à la maison.

Ce n'était que lorsque je lui avais présenté son plat préféré que Dae avait enfin daigné me reparler, pour mon plus grand plaisir.

someone like you. - idy 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant