Chapitre 18

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Maëlle

     La vidéo de Léonie a rapidement fait le tour du lycée mais les choses se sont calmées en quelques jours. Même si certains en ont profité pour se moquer d'elle, la plupart se sont montrés bienveillants et je crois qu'au final, Léo ne l'a pas trop mal vécu.

Moi, même ayant vu la vidéo à plusieurs reprises, elle me glace le sang à chaque fois. La voir parler de son viol en riant a quelque chose de terriblement tragique qui me brise le cœur.

Elle ne cesse de sourire et honnêtement, elle a l'air d'aller bien mais je sais aussi que quelque chose en elle est brisé. Et ça me tue de ne pas pouvoir la réparer. Parce qu'elle mérite le meilleur, vraiment. Léonie est une des plus belles personnes que j'aie jamais rencontrées dans ma vie.

     Aujourd'hui, j'ai parlé de mon projet d'art aux filles du groupe de parole pour savoir si certaines seraient d'accord pour que je les prenne en photo. A ma plus grande joie, elles étaient toutes partantes.

Chacune leur tour, elles viennent donc au fond de la salle de permanence, debout contre le mur blanc, pendant que les autres font d'autres affiches et discutent de l'organisation du die-in.

Je leur demande d'être le plus naturelle possible, de sourire si elles le souhaitent. Parfois, je leur demande de se déplacer de quelques centimètres d'un côté ou de l'autre pour que la lumière tombe parfaitement sur leur visage.

A la fin, je suis plutôt fière de moi, je sais qu'une fois développées, les photos seront superbes. La simplicité des filles et de la mise en scène ne rendra le tout que plus percutant. Au dos de chacune des photos, j'écrirais le nom et l'âge de la fille ainsi que ce qu'elle a subi.

Développer une pellicule photo argentique, c'est tout un art. J'adorerais pouvoir le faire moi-même mais il faut du matériel et notamment beaucoup de produits chimiques. Je le fais donc faire par un laboratoire. Mais si jamais je suis prise en école de photographie l'an prochain, je pourrais sûrement le faire dans un de leur laboratoire.

     Je laisse échapper une exclamation de joie.

— Qu'est-ce qui se passe ? me demande aussitôt Léonie, curieuse.

— Mme Mason vient de m'envoyer un message !

Je n'en reviens pas. Je m'assois au fond de la salle et Léonie s'installe à côté de moi, me secouant avec impatience.

— Mais qu'est-ce qu'elle dit ?!

— Elle a monté un dossier qu'elle a envoyé à un juge et ma demande d'émancipation est acceptée, finis-je par lui expliquer.

Léonie écarquille les yeux, peut-être encore plus étonnée que moi.

— Donc, c'est bon, tu es libre de partir de chez ton père ?

— Pas encore, je secoue la tête. Ça veut dire que je vais devoir aller au tribunal avec mon père et la décision sera prise par le juge après nous avoir entendus. Rien n'est sûr mais c'est déjà énorme ! Mme Mason ne pensait même pas qu'on puisse arriver jusque-là.

Léonie ne partage pas mon enthousiasme et je fronce les sourcils face à son air sérieux.

— Bah alors, t'es pas contente pour moi ? je lui demande en rigolant.

— Si, évidemment que je suis contente pour toi. Je ne veux juste pas que tu te fasses de faux espoirs. Parce que pour l'instant, il n'y a encore rien de sûr.

Je souffle exagérément face à son pessimisme. Elle qui voit toujours le bon côté des choses, elle pourrait me soutenir plutôt que d'être aussi négative.

IndignéesWhere stories live. Discover now