Chapitre 3 (partie 1)

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Il faisait nuit. Il faisait noir. L'air était frais.
Pauline frissonnait. A cette heure tardive du soir, la brise de la mer apportée par le vent lui glaçait les os. Pauline tremblait. Elle tremblait de froid. Mais pas seleument. Pauline avait également peur. Dans sa bouche, ses dents claquaient. Aux aguets, elle prêtait l'oreille. Ses yeux eux, allaient dans tous les sens. Plusieurs fois, elle se retourna sur elle-même. Dans l'obscurité, elle guettait. Elle scrutait les ombres, les fouillait. Elle tentait de détecter la moindre menace. Mais il n'y avait rien. Pauline ne voyait rien. L'obscurité était totale. Les environs étaient désert. Sur cette plage du bidonville d'Adjouffou situé dans la commune de Port-Bouet, il n'y avait personne. Personne d'autre à part elle, Coralie qui la précédait et Mama Lokossoué, la vielle voyante qui fermait la marche.

— Arrête de t'agiter comme ça ! lui ordonna sèchement celle-ci. Regarde plutôt devant toi.

L'estomac noué, Pauline obéit. A l'aveugle, elle continua d'avancer dans la nuit noire. En automate, ses pieds continuaient à s'enfoncer dans le sable. Pourtant, la jeune femme voulait rebrousser chemin. Si elle l'avait pu, elle aurait tout donner pour s'enfuir en courant. Peut-être n'était-il pas trop tard ?
Sérieusement, Pauline songea à cette idée. Derrière elle, elle tourna une fois encore  la tête quand sur son avant-bras, Pauline sentit subitement une pression. Quelqu'un lui attrapait la main. Sursautant de peur, la jeune femme hurla.

— Du calme ! lui cria Coralie. Du calme ! C'est moi.

Dans la pénombre, Pauline reconnut en effet la voix de sa jeune voisine. Tant bien que mal, elle essaya de se ressaisir. Le cœur battant à tout rompre, elle s'efforça de reprendre son sang froid.

— Tu m'as fait peur Coralie !

Réussissant enfin à l'apercevoir dans le noir, elle vit celle-ci hocher la tête.

— J'imagine en effet, lui répondit celle-ci. Tu tiens le coup ? J'espère que ça va ?

— Oui, mentit Pauline. Ça peut aller.

La vérité était tout autre. Chez elle, ça n'allait pas fort. Coralie qui s'en doutait bien se dépêcha de la rassurer. Dans sa main, elle prit chaleureusement la sienne.

  — Ne t'inquiète pas, lui assura t-elle. Tout va bien se passer. D'ailleurs on est déjà arrivé.  Tu entends ?  Écoute le bruit de la mer !

Attentive, Pauline s'exécuta. En effet, elle entendait. Sans rien voir, elle percevait néanmoins le bruit féroce des vagues qui allaient et qui venaient. La mer était là, tout près. Enfin, elles y étaient. Le rituel allait pouvoir commencer.
Pour Pauline, il n'y avait plus moyen de s'échapper. En se demandant toujours si elle faisait le bon choix ou non, elle, Coralie et Mama Lokossoué marchèrent ensemble jusqu'au bord de la mer. Ce ne fut qu'une fois les pieds dans l'eau qu'elles s'arrêtèrent enfin. Après leur avoir fait signe de rester là, la vielle voyante s'avança seule. Ensuite, elle commença à parler et à faire des incantations. De plus en plus anxieuse, Pauline la vit s'enfoncer  dans l'eau, puis disparaître. Affolée, la jeune femme se retourna vers Coralie.

— C'est quoi ça ? lui cria t-elle paniquée. Où est ce qu'elle est passée ?

Étrangement calme, Coralie lui sourit.

— Nullepart, lui déclara t-elle posément. Mama est là. Ne t'inquiète pas, elle va réapparaître. Tiens, la voilà.

Tendue à l'extrême, Pauline suivit le regard de Coralie. Des vagues qui s'agitaient, elle l'aperçut en effet. Par ses vêtements tout blanc, elle distingua la vielle voyante qui émergeait de l'eau. Soulagée, Pauline poussa un profond soupir. Mais son soulagement fut de courte durée. Depuis le milieu des vagues, la vielle lui cria :

Mari de nuit : un incube dans la villeWhere stories live. Discover now