Chapitre 6

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Sur son siège, Pauline se redressa, mais resta immobile. Le laissant venir à elle, elle se contenta de le contempler.
L'homme qui peuplait ses rêves était beau.
Grand, musclé avec de larges épaules, il était encore plus à tomber par terre en vrai que lorsqu'elle le voyait à la télé. Dans son costume deux pièces, il était d'une élégance naturelle. La démarche assurée, il s'avançait.
Il fendait la foule sans se presser. Sur son passage, les gens s'écartaient instinctivement, comme poussés par une force invisible. C'était à la fois fascinant et déroutant. Pauline était dans tous ses états. Elle suait. Elle transpirait. Étrangement, la chaleur qui l'accablait semblait s'accroître. Comme une vielle ménopausée, elle était prise de terribles bouffées de chaleur. Sans aucune logique, elle sentait la température grimper en flèche. Et il n'y avait pas que cela. Pauline était surprise de sentir sa libido se réveiller et gronder tout à coup. Rien qu'à la proximité de cet homme qui vint naturellement s'accouder au comptoir du bar tout près d'elle, la célibataire trentenaire était envahie d'une furieuse envie de sexe. Elle voulait faire l'amour. Elle voulait être prise, sur le champ. Ses vêtements, elle luttait pour ne pas les arracher les uns après les autres.
Que se passait-il ? Que lui arrivait-il ?
Pauline n'eut pas le temps de tergiverser. Avec étonnement, elle vit l'homme de ses fantasmes se pencher vers elle.
Yeux fermés, narines dilatées, il inspira et expira profondément l'air. Frénétiquement, il humait l'odeur de Pauline. Comme s'il avait été un chien, il la flairait. Il la reniflait. Le philtre de mama Lokossoué avait fait une autre victime. Et quelle victime !
Pauline était ravie. Mais fort embarrassée par l'homme qui persistait à la sentir sans se gêner, la jeune femme eut un mouvement de recul. Sur ce dernier, elle lui jeta un coup d'œil inquiet. Son regard croisa le sien. Une expression énigmatique peinte sur le visage, l'homme lui sourit.

— Bonsoir charmante créature, lui susurra t-il enfin dans un français parfait.

Muette, Pauline ne répondit pas. Elle ne pouvait pas. Elle n'avait plus de voix. La gorge nouée, elle se sentait comme envoûtée rien qu'au seul son de sa voix. Il avait parlé d'une si belle voix ! Une belle voix grave pour sûr, mais une belle voix dépourvue de tout accent anglais.
Pour un prétendu anglophone c'était vraiment étrange !
Pauline commençait à être intriguée. Elle ne comprenait pas. Sur la réelle identité de son interlocuteur, elle commença à se poser mille et une questions. Attentivement, elle se mit à le détailler, le scruter, le dévisager.
Avait-elle vraiment affaire au célèbre acteur ghanéen ?
À en juger par son physique, le doute n'était pas possible. Trait pour trait, l'homme qui se tenait près d'elle ressemblait à John Dumelo. Pourtant, Pauline hésitait toujours. Pour en avoir le cœur net, elle s'enquit :

— Vous...John Dumelo... est-ce vraiment bien vous ?

— Pardon ? fit l'homme visiblement perdu. Je crains de ne pas vous suivre.

Plus clairement, Pauline se répéta.

— Est-ce bien vous John Dumelo ? Vous savez, l'acteur des films...

Enfin, le visage de l'homme s'éclaira.

— Ha ! fit-il en paraissant comprendre tout à coup l'allusion. John Dumelo hein ?

Comme s'il ignorait lui-même de quoi il avait l'air, l'inconnu qui semblait décidément ne pas être le célèbre acteur, chercha du regard son reflet. Sur l'énorme miroir qui tapissait le mur du bar, il s'examina.

— Je suis navré de vous décevoir mais je ne suis pas John Dumelo, lâcha t-il en se tournant à nouveau vers elle.

Pauline cru alors halluciner. Comme par magie, l'apparence du bel inconnu avait changé. En un clin d'œil, il s'était métamorphosé. Il n'était plus tout à fait le même. Sans trop savoir quoi, quelque chose dans sa physionomie s'était modifiée. À présent, même s'il paraissait toujours être le sosie de John Dumelo, la ressemblance avec ce dernier n'était plus aussi flagrante.
C'était ahurissant ! Inimaginable ! Comment diable cela était-il possible ? N'osant pas trop y croire, Pauline secoua énergiquement la tête. Elle voulait se réveiller. Certainement, était-elle étourdie par la chaleur. Oui, essaya t-elle de se persuader. Ça devait être cela. Elle avait trop bu. Les cocktails qu'elle avait vidés les uns après les autres lui avaient sans doute brouillé l'esprit. Convaincue par cette hypothèse, Pauline chassa ses inquiétudes. Reportant son attention sur l'inconnu, elle le vit se présenter.

— Moi c'est Sidoine. Mais vous pouvez m'appeler Sid. Et vous ?

— Akébo Pauline, répondit-elle sans se faire prier. Mademoiselle Akébo Pauline. Et vous pouvez m'appeler Pauline.

Dans un geste qui se voulait gracieux, elle lui tendit la main. Délicatement, le dénommé Sidoine lui saisit ses doigts par la main et les portèrent à ses lèvres. Sans la quitter des yeux, il lui déclara :

— Enchanté ma belle.

Le dénommé Sidoine lui baisa la main. Un peu plus qu'il n'y fallait, il laissa sa bouche gourmande s'attarder. Cette audace émoustilla Pauline. Le corps envahit par une sensation des plus voluptueuses, elle se surprit à glousser comme une collégienne. Séducteur, Sidoine continua à lui faire du gringue.

— Vous êtes magnifique Pauline, la complimenta t-il.

En réponse, Pauline minauda en battant des cils. Elle était aux anges. Les manières affables de ce Sidoine lui plaisaient. Son physique lui plaisait. Sa prestance lui plaisait. Son assurance lui plaisait. Bref, chez ce bel inconnu, tout lui plaisait.
C'était fait ! La célibataire en quête de l'amour était conquise. Elle avait trouvé l'homme parfait. Enfin, la difficile Pauline avait trouvé chaussure à son pied. Que demander de plus ? Elle avait gagné le gros lot ! Elle en était sûr. Et ce n'était pas Coralie qui pouvait en dire le contraire. Depuis la piste de danse, Pauline la voyait. Sa jeune voisine lui faisait signe. Sourire aux lèvres, elle agitait les deux pouces en l'air. Victoire ! Pauline avait pris un gros poisson dans ses filets.
Lui renvoyant son sourire, celle-ci se dépêcha de tourner la tête vers son potentiel futur mari. Il lui tardait de faire plus amplement sa connaissance. Elle voulait tout savoir de lui et avait des tonnes de questions à lui poser. En habituée des rendez-vous arrangés, ses réflexes revenaient. Pauline qui n'avait perdu son bon sens souhaitait urgemment savoir à quel genre de personnage elle avait affaire.
Quoi de mieux que de lui faire la conversation ? Mais elle n'en n'eut pas le temps. Entendant la musique qui vira subitement du coupé décalé à un zouk sensuel, Sidoine lui saisit la main de nouveau.

— Puis-je vous inviter à danser ? lui demanda t-il galamment.

Pauline accepta.

— Avec plaisir.

Sur la piste de danse, Sidoine l'entraîna.

Mari de nuit : un incube dans la villeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant