Achille & Patrocle 2

1K 91 15
                                    

- Achille, enfin, tu ne vas pas faire la tête pour une esclave...

Bras croisés, assis sur son lit de camp en tournant le dos à son amant, le guerrier ruminait. Il n'avait encore dit aucun mot depuis que celui-ci était entré dans sa tente.

- C'était MA captive!! On me l'avait offerte!! Cracha-t-il en se retournant vers lui.

- Mais tu n'as qu'à en prendre une autre! Ce n'est pas ce qui manque, ici, sur le campement!

- Justement!! Pourquoi cet imbécile d'Agamemnon m'a-t-il volé Briséis s'il avait autant le choix?! Il a fait cela car il est jaloux de ma force, c'est certain!! Et il me déteste! Eh bien, je le déteste aussi!

Patrocle se massa les tempes. Il avait l'impression de tenter de raisonner un enfant.

- Achille, mon aimé, tu dois te calmer. Je t'en prie, reviens te battre, ou implore les dieux de nous aider. Nous perdons bataille sur bataille... si cela continue nous devrons battre en retraite! Imagines-tu l'humiliation infligée à nos rois?

- Ils l'auront tous bien méritée!!

- Et moi, si j'en meurs dans ces combats, l'aurais-je mérité? Achille, si tu ne cesses pas ton caprice et ne reviens pas te battre à nos côtés, je prends moi-même ta place et la prochaine fois que tu me verras risque d'être au royaume d'Hadès.

- ...Tu n'oserais pas!

- Si c'est ce que tu crois, alors tu ne me connais pas assez.

Comme pour l'en empêcher, il l'attira à lui, et l'enlaça fermement.

- Je ne le ferai pas, mon aimé... reprit-il d'un soupir. Mais je t'en supplie, reviens te battre.

Même si finalement, ce serait une bonne idée... mais il ne pourrait pas lui faire ça.

- Pourquoi viendrais-je me battre aux côtés d'un traître et voleur?

- Tu ne te bats pas avec Agamemnon. Tu te bats contre les Troyens.

Achille relâcha son étreinte, sans pour autant se reculer.

- Et pourquoi? Parce que ces mêmes rois qui sont venus me chercher en me faisant croire que j'étais important à leurs yeux, n'ont au fond besoin de moi que pour ma capacité au combat! En réalité je me fiche bien de cette catin d'Hélène, aussi reine soit-elle. Je me fiche du destin des Grecs et des Troyens, je me fiche de qui perd et de qui gagne, je me fiche de qui meurt, si ce n'est toi. Si je n'avais pas d'honneur, je rentrerais en Thessalie sans attendre. Puis ma mère en sera heureuse.

- Crois-tu en avoir, de l'honneur, lorsque tu te caches comme un lâche dans cette tente? Je suis sûr que les Troyens, et même certains Grecs parmi nous, rient bien de toi.

- Qu'ils rient! Les dieux s'en vengeront.

- Les dieux ne sont pas à tes pieds.

- Pourquoi les voudrais-je à mes pieds? Ils sont aussi orgueilleux et bagarreurs que les Hommes!

- Et ne l'es-tu pas, toi?

- De par mes origines, je porte les fléaux de chacun. Qu'y puis-je?

- Mais tu peux leur montrer que tu es meilleur qu'eux ; Diomède a blessé Aphrodite et Arès. Tu pourrais les blesser tous!

- Je n'en ai pas l'envie, Patrocle. Tu pourrais insister autant que tu le voudras, je ne quitterai pas cette tente. Pardonner... ce serait donner raison à Agamemnon, et cela, je le refuse!

- Encore cette histoire de captive? Par Zeus, ce que tu peux être têtu!

- Ce n'est pas que cela! En voyant Briséis, si faible et vulnérable face à la guerre, je me disais que j'étais puissant, et j'en étais fier. J'aimais son regard admiratif lorsque je revenais couvert de sang ennemi. Elle était si obéissante, elle m'adorait. À présent qu'elle n'est plus là, je n'ai plus personne à étonner ni protéger et je n'ai plus le goût du combat.

- Si tu veux mon avis, son regard était davantage apeuré qu'autre chose. Et si elle te souriait et t'obéissait, c'était pour ne pas avoir son sang sur ton armure plutôt que pour te montrer une quelconque dévotion.

- Je fais peur, moi?

- Terriblement. Tu ne sais pas à quel point les Troyens tremblent à l'entente de ton nom... susurra Patrocle en descendant sa main sur sa poitrine dévêtue d'un air provocateur. Même les dieux te redoutent... les foudres de Zeus ou les flèches d'Artémis ne sauront égaler ces beaux muscles...

- Il faudrait que tu viennes les observer de plus près. Contrairement à la foudre et aux flèches, ils ne sont pas toujours dangereux...

D'un geste, Achille attrapa le bras de son amant et le fit tomber sur le lit, ce qui lui arracha un rire. Il se mit au-dessus de lui, tandis que Patrocle qui s'était arrêté de rire mais souriait toujours, le regarda dans les yeux en retour.

- Essaies-tu de détourner la conversation?

- C'est toi qui m'a détourné de mon raisonnement en premier.

- Ton corps m'a détourné de tes mots... geignit-il en le caressant.

Achille l'embrassa furtivement.

- Oublions cette rancœur un instant. Aphrodite a beau être notre ennemie, je sais que cette nuit, elle guidera nos ébats.

Il retourna l'embrasser, plus fougueusement. Il n'était pas près de la quitter, sa tente.

Les émois d'AphroditeWhere stories live. Discover now