Chapitre n°9

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Charlotte avait énervé Jason.

Elle savait très bien pourquoi : avouer être une personne amnésique n'était pas le meilleur moyen de devenir amis. Elle apparaissait maintenant devant lui comme un boulet qu'il se traînait sur la cheville par pure bienséance sociale. Le pire, c'est qu'il ne semblait même pas faire dans ce genre d'idéologie utopiste : Jason avait plutôt l'air d'un viking boxeur, grognon et terriblement dangereux.

Il avait eu pitié de Charlotte, pas d'autre explication à sa main tendue vers elle, sur ce parking de l'hôtel.

Charlotte se remit à bouger, elle voulut d'abord manger puis remarqua les deux carafes d'eau. Son cœur se serra : il avait pensé à elle. Elle se servit donc un grand verre et se retint de le boire en moins de deux secondes. Quelques têtes se tournaient déjà vers eux avec curiosité, inutile d'attirer encore plus l'attention.

Elle attaqua ensuite son omelette, toujours en silence.

Une colère sourde montait en elle, à mesure qu'elle voyait Jason engloutir ses oeufs avec rapidité. Il voulait se débarrasser d'elle.

Charlotte commençait à paniquer. Elle ne voulait pas se retrouver seule.

La jeune femme était simplement énervée qu'il n'éprouve pas plus de compassion à son égard. C'était elle la victime ! Il n'avait pas passé la pire nuit de sa vie, lui.

Avec agacement, elle commença à se gratter la clavicule gauche. Son omelette était pourtant succulente ! Elle devait se calmer.

- Arrête de te gratter, grogna Jason en la fixant.

Charlotte suspendit son geste en grimaçant, l'endroit qu'elle venait de déchiqueter lui faisait mal. Elle tenta de regarder son bout de peau mais impossible pour ses yeux d'y accéder.

- J'ai quelque chose ? Demanda-t-elle d'une voix étonnée.

- Un tatouage, répondit Jason en terminant son omelette avec nonchalance, on dirait les quatre points cardinaux... sauf qu'à chaque extrémité, ce ne sont pas les bonnes lettres qui sont écrites.

Charlotte se mordit la lèvre, il fallait qu'elle se souvienne de la signification de ce tatouage. Pour prouver à Jason qu'elle n'était pas un cas si désespéré que ça.

- Tu te souviens des lettres écrites ?

Il la testait. Charlotte baissa les yeux sur sa clavicule et ne vit que l'extrémité sud du tatouage. Un simple "J" y figurait.

Avec un soupir, elle secoua la tête.

- Non, je ne me souviens pas, avoua-t-elle lentement.

Sans répondre, Jason posa ses couverts autour de son assiette, puis il étira ses bras et resserra ensuite sa queue de cheval. Ainsi son visage semblait tiré en arrière, faisant ressortir ses yeux dorés. Sa barbe semblait si douce, bien entretenue en tout cas et Charlotte en conclut qu'il prenait soin de lui.

Elle essayait de se rassurer. Cet homme était civilisé.

Jason lui lança un regard pour qu'elle se dépêche de finir son omelette. Il porta son verre de whisky au bord de ses lèvres en continuant de la fixer. Charlotte baissa les yeux et recommença à manger.

Jason se racla la gorge et gigota. Il semblait à l'étroit sur cette chaise, mal à l'aise.

Le moment de repartir était proche. Charlotte allait devoir trouver une solution rapidement si Jason ne voulait toujours pas d'elle.

Elle posa ses couverts à son tour sur les deux bouchées qu'il lui restait de son repas et tenta une dernière approche :

- Je ne vais pas te supplier, si tu ne veux pas m'aider, je comprendrais.

Elle essaya de ne pas trembler en finissant sa phrase et reprit un morceau d'omelette. En fait si, elle était prête à le supplier. À genoux. Mais elle se gardait ce droit jusqu'au dernier moment. Pour l'instant elle voulait surtout bluffer.

- Je ne peux pas t'aider, Charlotte, lâcha-t-il en se reculant sur sa chaise, je suis la pire personne pour toi en ce moment.

Il semblait sincère. Vraiment. Il ne disait pas ça pour la dégoûter inutilement. Il croyait profondément à ce qu'il était en train de lui dire. Ses prunelles dorées ne mentaient pas.

- Tu ne seras jamais pire que ceux qui m'ont fait ça, murmura-t-elle en posant ses couverts une bonne fois pour toute.

Elle avait la nausée maintenant. Au moins, l'horrible goût dans sa bouche avait complètement disparu.

Jason ne répliqua rien. Il ne répliquerait rien.

Le motard en face d'elle la regardait simplement.

Tellement de nonchalance, tellement de fermeté à la fois.

Charlotte se leva. Il y avait trois couples dans le restaurant, l'un d'eux pourrait la ramener dans une ville proche et elle aviserait.

- Merci pour tout, Jason. Je n'oublierai jamais. Prends-soin de toi.

Charlotte n'arrivait pas à être en colère. Elle aurait pu lui lancer le reste de la carafe d'eau sur le visage... mais pour quoi faire ? Il n'y était pour rien. Elle s'imposait à lui.

Sauf que Jason a des amis, une famille et des souvenirs.

Il n'avait pas besoin d'une Charlotte amnésique dans sa vie.

Un frisson la parcourut quand elle quitta la table, il ne la retint pas. Elle était désormais seule. Seule et perdue. Amnésique.

Son instinct lui ordonnait de disparaître un moment, de trouver une cachette perdue dans un coin improbable. Elle était persuadée que les quatre hommes à sa recherche n'allaient pas en rester là.

L'air chaud de l'extérieur lui fit du bien. Ses pieds ne sentaient même pas le goudron chaud, elle ne se préoccupait plus de ses douleurs physiques. La peur d'être laissée seule était bien plus grande.

Charlotte inspira, ferma les yeux. Elle était désormais libre. Sans argent, sans habits, sans toit.

Sans identité.

La jeune femme eut envie de pleurer. Qu'avait-elle fait ? Pourquoi elle ? Qui était-elle ? Avant ce drame ? Et maintenant ? Est-ce que quelqu'un était à sa recherche ? Quelqu'un ne possédant pas d'armes à feu de préférence ?

Qui m'a fait ça ?

Les larmes affluèrent sur son visage et elle grimaça quand sa pommette gonflée se mit à la piquer.

Elle sentit une main ferme et grande se poser sur son épaule.

Charlotte sursauta et se dégagea rapidement, réprimant un cri de peur.

- Jason ?

Elle se frotta les yeux. C'était bien lui, devant elle. Son blouson de cuir semblait encore plus impressionnant, d'aussi près.

Jason leva une main devant lui, comme il l'avait fait en entrant dans la chambre.

Du calme.

Je vais t'aider, murmura-t-il. Mais ne pleure plus. Plus jamais. 

OakDeath Club T1 - Jason [TERMINÉE]Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin