PR☆LOGUE

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[ Le journal du soir passe à la télé, le présentateur en costard bleu turquoise parle.]

« LA GUERRE EST DÉCLARÉE.
LES HOSTILITÉS ONT COMMENCÉ.

Les États-Unis depuis ce matin neuf heures.
La France depuis cet après-midi six heures, sont entrés en guerre avec la Turquie et l'Iran.
L'Allemagne se range à nos côtés.
Les Émirats-Arabes-Unis et l'Afghanistan proclament leur neutralité.
Le chancelier fait un appel à la mobilisation de tous les concitoyens français, qu'il soient soldats, soignants... »

Miray appuie sa tête sur l'épaule de sa grande soeur, assise à côté d'elle sur le canapé.

Cette annonce se répétait depuis deux semaines sur toutes les chaînes télévisées du pays.

Elles avaient toutes les deux peur, mais aucune ne voulait le montrer.

Au même moment, dans la cuisine, le papa hurle au téléphone dans une langue qui leur était presque incompréhensible.

— "Eh ! Vous vous méprenez..." criait-il en turc. "Beaucoup d'argent ? Foutez vous votre putain de fric, bien là où je le pense !"

Il crache par terre, toujours en marchant de long en large. "MES enfants ne seront JAMAIS mêlés à ces choses là. Non ! J'en veux pas de votre pognon. Non... vous ne pouvez pas m'en obliger... Allo ? ALLO ?"

Il jure au moins cinq fois avant de jeter son portable sur la table avec un mugissement.

— "C'est la cinquième fois que je fais le même rêve," soupira lentement Ashel.

« NOUS AURONS BESOIN DE RÉSERVOIRS, D'EXPLOSIFS...»

La petite lève le menton pour analyser le visage de sa grande sœur.

« D'ARMES À FEUX ET DE TRANSPORT... »

— "C'est un cauchemar : je rêve de me réveiller par le bruit d'un portable qui sonne mais je ne sais pas où il se trouve. Une musique classique, un tintement de violon dissonant accompagné d'une mélodie monstrueuse... elle m'obsède et me donne envie de m'arracher les cheveux."

— "Et après ?"

— "Et après je trouve le téléphone. J'essaie de décrocher mais lorsque j'appuie sur le bouton, il ne fonctionne pas. Alors, la sonnerie continue sans relâche. Elle ne s'arrête pas. Quoi que je fasse, elle me suit inlassablement. Je hurle, me débats puis réveille en sueur, à bout de souffle."

« TOUS LES JEUNES HOMMES ET LES JEUNES FEMMES ÂGÉES DE TREIZE À DIX-HUIT ANS SONT INVITÉS À REJOINDRE LA RÉSISTANCE... »

— "Qu'es-qu'il y a papa ?" Demande Miray en se mettant à debout sur le canapé, le dos tourné à la télé.

Elle crut voir pour la première fois de sa vie, des larmes sur le visages ridés de son père. De fines gouttes transparentes, presque invisibles, coulaient sur sa barbe grise.

— "Miray, assied-toi correctement," ordonne Ashel en tapant sur sa jambe.

L'aînée n'a pas envie d'apprendre la  mauvaise nouvelle qui l'attendait. Sans même savoir de quoi il s'agissait, elle avait le très mauvais pressentiment que ça pouvait la concerner.

— "Papa, c'est officiel. Ils sont en guerre avec la Turquie, avec notre pays." La petite s'arrête, le temps qu'il mette ses lunettes.
"Tu crois que mami et papi vont mourir ? Et Hazel et Tayfun ? Et tous les autres cousins qu'on a jamais pu rencontrer?"

Ashel lève les yeux au ciel en croisant les bras. Elle va la fermer, oui ?  Evidemment qu'ils allaient mourir ! C'est comme ça pendant la guerre. Les citadins peu favorisés sont toujours les plus touchés.

— "On a pas l-i temps d-i penser à eux, " déclare Ahmet, d'une voix tremblante. "C'est d-i ta soeur Ashel, qu'on devra s'inquiéter."

Il pose sa main tremblante sur l'épaule de sa fille. Ashel avale lourdement sa salive.

-"Ayshil, ils veulent que t-i les aide, les franc-i. Tu va d-I-voir aller espionner l-i président Turque, à..." il hésite, "à Istanbul."

Un silence malaisant s'installa dans la pièce. Ashel n'entendit pas la fin des paroles de son père. Elle lut sur ses lèvres : Turquie, président, espionner, armée, loin d'ici... mais quelle horreur !

Les services secrets français s'en était prit à elle.

C'était la quinzième fois de la semaine qu'ils avaient contacté son père. A chaque fois, il refusait et raccrochait le téléphone. Mais on ne rigole pas avec ces gens-là : soit ils obéissaient docilement, soit ils « disparaissaient mystérieusement ».

— "Je n'irai pas là-bas." Elle tourne la tête vers la fenêtre et fixe l'arbre foudroyé sur le trottoir.

— "On a pas l-i choix."

La gorge sèche et nouée, Ashel pense à tous les moments forts qu'elle a vécu pendant ces longues 16 années d'existance. Quand maman est partie au ciel, à seulement dix ans, Ashel avait dû ranger les courses, cuisiner, s'occuper de sa petite soeur, du ménage, de l'école et des devoirs, sans jamais se plaindre. Car elle savait, au fond d'elle, qu'à tout moment, l'Etat pouvait enlever la garde des enfants à son père.  

— "P... pourquoi moi ?" elle ne voulait pas quitter sa famille, même si elle savo que cela fasait partit de ses responsabilités. Ses yeux avait rougis, elle s'agrippe au bras de son père, "j'vais jamais réussir, baba. J'sais pas faire ça, je n'peux pas !"

Ses yeux affolés grossirent tout à coup.
— "Et si jamais on me découvrait ?"

Le visage d'Ahmet changea de couleur.

Miray se pencha vers l'oreille de sa grande soeur et lentement, suavement, elle murmura :

— "Ils te tueront..."

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MERCI MERCI MERCI MILLE FOIS ✨ J'espère que vous avez aimé ce début de chapitre ! Je vous déconseille de lire la suite si vous n'avez pas lu attentivement le prologue et le premier chapitre parce qu'elles fournissent des informations sur le passé des personnages et de leur situation actuelle, ce qui vous aidera à comprendre des événements futurs.
;)
- Ona

UN RÊVE POUR DEUX🥀Where stories live. Discover now