| JOUR 4 | FATE

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Les craquements familiers du bois retentissaient dans la grande maison alors que Neji marchait, traçant un cercle sur le plancher, tentant de rendre son pas le plus doux et le plus régulier possible

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Les craquements familiers du bois retentissaient dans la grande maison alors que Neji marchait, traçant un cercle sur le plancher, tentant de rendre son pas le plus doux et le plus régulier possible. Il savait que Tenten avait le sommeil fragile, sujette aux insomnies et toujours prête à bondir du lit kunaï en main au cas où le passé aurait voulu revenir les attaquer. La réveiller alors qu'elle réussissait enfin à s'autoriser le repos après plusieurs nuits sans fermer l'oeil était bien la dernière chose que le jeune homme voulait. Déjà qu'il avait presque dû la forcer à rester sur le matelas, il se serait senti coupable s'il était la cause du bruit la tirant de sa torpeur ensommeillée.

La nuit, plus sombre ces derniers temps que d'ordinaire à la même période à cause du ciel chargé d'épais nuages de pluie qui voilaient les étoiles ainsi que la lune, jetait son manteau de ténèbres sur Konoha tout entier. On entrait dans les moments les plus silencieux, aux alentours de trois heures du matin, quand la nature et les hommes semblaient d'accord pour retenir leur souffle ou fermer l'oeil en attendant l'aube. Ces heures bien connues des ninjas, ces heures maudites ou le pire arrivait, et que Neji avait tant de fois passées en embuscade sur une branche, les nerfs en alarme et prêt à frapper.

Son pas s'accéléra subtilement avant qu'il ne s'en rende compte et tente de se calmer. Rien qu'en fermant les yeux quelques instants il pouvait voir se dessiner sous ses paupières les scènes de massacres auxquelles il avait participé, il pouvait encore entendre les cris des mourants et ceux de ses coéquipiers qui mettaient leur vie en jeu. Il ne regrettait pas, du moins pas tant qu'il l'avait un jour fait, ses choix de vie et la manière dont son bras avait parfois dû mortellement frapper. Il savait que la guerre n'était au fond qu'un cruel jeu politique et qu'il y avait joué son rôle.

Neji avait toujours eu un rapport compliqué avec le concept de destinée. L'idée seule que l'entièreté de sa vie se trouvait quelque part écrite, déjà toute tracée, avant même qu'il ne soit conscient de sa propre existence, le dérangeait profondément tout en le rassurant d'une étrange manière. Si sa voie s'étalait sans possible déviation à ses pieds, alors il ne pouvait lutter et ses actes étaient tous quelque part gravés comme nécessaires ou du moins inévitables, pas vrai ?

Une part de ce raisonnement, peut-être, l'avait empêché de ressentir trop de culpabilité.

Si Naruto lui avait fait prendre conscience qu'on pouvait toujours influer sur le cours de ce sort vu comme immuable et cruel, tout au fond de lui par un effet peut-être de ses croyances d'enfant ou de ce qu'on s'était efforcé de lui entrer dans le crâne toute sa vie durant à propos de sa place en ce monde et plus particulièrement au sein de son clan, Neji continuait de croire que certaines choses ne pouvaient être changées. Que les vies se déroulaient paisiblement, ou moins pour certains, dans l'objectif d'atteindre un point précis, un moment pour lequel chacun avait vu le jour.

Quoi que braille son presque beau-frère par exemple, il restait le fait qu'il soit quasiment né avec cette fixation de devenir Hokage et qu'il était aujourd'hui certain que ce serait son rôle au sein du village une fois Kakashi retiré. Il y avait dans cela, certes une leçon sur la persévérance et le courage mais, Neji voulait le croire, aussi une force mystérieuse à l'œuvre.

Lui, par exemple, avait toujours été persuadé que son existence même avait pour but de protéger celle d'Hinata, et quand les paroles de celui qu'il voyait alors comme un moins que rien avaient changé cette croyance, il s'était dit que sa destinée semblait bien plus nébuleuse qu'il ne l'avait alors crue, et surtout que personne, pas même les aînés de la Soke, ne savaient réellement de quoi il en retournait. Neji en était venu à la simple explication que chacun était né pour quelque chose, mais que tant qu'on atteignait pas ce point dans la vie, il n'y avait nulle façon de savoir pour quoi exactement.

Il avait cherché ce point, ce moment, depuis ses quinze ans.

Et aujourd'hui, en baissant les yeux sur la minuscule forme qui dans ses bras n'esquissait pas un mouvement ni ne disait mot, il savait qu'il l'avait trouvé, ce moment de son existence qui faisait tomber toutes les pièces du puzzle de sa vie dans leur exact emplacement.

Un doux sourire contemplatif s'étala sur ses lèvres alors qu'il berçait tendrement le nouveau-né, les yeux pareils à deux perles mauves de l'enfant ancrés fermement dans les siens. Neji cessa de faire les cent pas dans la pièce, autant pour limiter le bruit que parce que ses jambes commençaient à faiblir sous la fatigue. S'asseyant dans le fauteuil à bascule près de la cheminée éteinte, il continua son mouvement de balancier avec l'espoir que cela endormirait le petit démon qui depuis un mois qu'il était dans cette maison avait réussi l'exploit de chambouler complètement son monde et sa vie jusque là parfaitement ordonnés.

L'enfant cependant ne daignait pas fermer les yeux, se contentant de regarder en silence son père, comme s'il avait voulu absorber en sa mémoire chacun de ses traits. Ses poings serrés sur son torse tirèrent au chef de la Bunke un sourire niais qui le surpris lui-même. Il ne se connaissait pas ce côté trop candide, à s'émerveiller du moindre geste de ce fils qui, il devait chaque instant se le rappeler sous peine de le penser être un de ces songes trop merveilleux ayant si souvent hanté ses nuits durant la guerre, était mélange de sa femme et de lui.

Neji avait peine à accepter à quel point l'enfant était minuscule contre son torse, et se demandait sans cesse s'il ne devrait pas, comme Tenten, poser un kunaï sur la table de chevet. Juste histoire d'avoir une arme à portée de main pour le défendre.

Quand, enfin, le nouveau-né accepta de laisser le sommeil l'emporter, son père s'autorisa un sourire victorieux, et à lents pas mesurés, se leva pour le porter jusqu'à la chambre. Heureusement, pas un mouvement de la part du bébé même quand il fut seul dans son berceau, privé de chaleur humaine et de mouvement de balancier.

Neji soupira doucement dans le noir, la faible lumière nocturne prodiguée par le passage d'un nuage à la fenêtre lui permettant d'admirer les formes endormies des deux personnes les plus importantes dans sa vie. Lorsqu'il se glissa sous les couvertures, et que sans un mot, peut-être pas même consciemment, Tenten se tourna vers lui pour profiter de sa chaleur, il sourit, un sentiment de bonheur semblable à nul autre jusqu'alors expérimenté lui traversant le corps.

C'était pour cet instant qu'il était né.

SEPT JOURS AVEC NEJI HYUUGAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant