Êtres et histoires légendaires du Monde-Rêve

Chapitre 3 : Cet aveugle

Le marché était en pleine effervescence. Les marchands criaient tout en tendant leurs articles à la vue de tous, les étales pullulaient sur la place, les gens marchaient, négociaient, discutaient, se promenaient, d'autres encore essayaient d'en profiter pour faire revendre quelques biens. Aujourd'hui d'ailleurs, divers grands noms du commerce s'étaient déplacés dans ce si petit village, pourtant qui semblait si vivant, et fort.

Au milieu de toute cette foule, de ces grands mouvements et parfois des bousculades qu'une belle jeune femme tentait de faire son chemin. Elle était saluée et saluait absolument chaque personne qu'elle rencontrait, une véritable petite vedette locale, la fille du voisin de leur voisin, ou l'amie de leur fils. A bien y regarder, c'était un peu comme ça pour tout le monde, quoi de plus normal pour un si petit village ?

Seulement cette fille, en plus d'attirer les salutations et les sourires, captait totalement l'attention de certains passants. La plupart devait penser à quel point la beauté de ce qu'ils pouvaient contempler les subjuguait, à quel point cette simple personne avait pu éclairer davantage que le soleil ne le faisait déjà sur cette place de marché.

Sur son chemin, chuta un homme, un vieil homme. Il s'étala de tout son long, soudainement devant la jeune fille qui en fit presque tomber son petit panier tant elle s'est jetée auprès de lui pour s'assurer que ce pauvre homme affaibli allait bien. Le dallage de pierre ne devait vraiment pas aider à une telle réception, surtout sur le torse. Elle saisit la canne du petit homme aux cheveux gris une fois à ses côtés et l'en approcha. Quand il fut relevé, l'homme s'adressa sobrement à la belle et jeune brune qui venait de l'aider, sans aucun réel remerciement.

❝ Ce que vous êtes éblouissante. ❞

La brave héroïne de ce moment ne sut quoi répondre, tant elle fut surprise. Un tel compliment, alors qu'il ne l'avait pas encore regardé ? Alors que son visage faisait encore face au sol ? La surprise passée, elle émit un rire qui illumina son visage déjà radieux davantage, avant qu'elle ne reprenne à sa suite.

❝ Mais... vous ne m'avez encore point regardé ! ❞

Enfin, l'homme tourna son visage. Deux orbites blancs, un iris sans pupille, opaque, gris virant au blanc aussi. Un aveugle. La jeune fille ressentit comme un léger frisson de compassion et d'incompréhension sur l'instant. Comment peut-on faire un tel compliment sans jamais voir le visage de quelqu'un ? Comment pouvait-il affirmer cela si sereinement et honnêtement sans avoir vu un seul moment sa peau, ses grains de beauté, ses traits ?

Seulement. Il insista.

❝ Ce que vous êtes éblouissante. ❞

S'en suivit un grand silence, la jeune fille stupéfaite, le vieil homme souriant, fixe. Les passants curieux s'étaient désormais amassés. C'est quand la foule devenait importante que l'homme se releva entièrement, et s'en alla. Sans un mot, ni de lui, ni d'elle.

Perturbée, la jeune fille ne savait quoi faire ou dire, elle se contenta de le regarder partir, sous le regard étonné, intrigué, interrogateur de tous passants, marchands, villageois. Tous désormais avait le regard tourné vers ce vieil homme, qui ne chût plus.

Le soir vint enfin, l'effervescence était terminée depuis longtemps, à peine le soleil couché. Désormais l'heure était au foyer, au repas. La jeune fille arrivait enfin à sa demeure. Seulement, à son arrivée, il n'y avait ni porte, ni paillasson. Il n'y avait plus de maison, de jardin, de lampes posées au pas de la porte. A sa place, une grande porte, comme celle d'un petit fortin de noble se dressait.

Sur le côté de la porte se trouvait une plaque, dans un métal qui lui était inconnu. Une plaque gravée. Elle était à son nom.