Êtres et histoires légendaires du Monde-Rêve

Chapitre 4 : Cet orbe

Dans la pièce régnait une lumière discrète, diffuse, crépitante. L'endroit n'était éclairé que par quelques torches aux murs, et quelques braseros posés ça et là, seules quelques bougies sur le bord de fenêtre de pierre et sur les meubles éclairaient moins uniformément l'assemblée qui se déroulait sur le moment.

Cette réunion s'était faite autour d'une grande table ovale, au centre y trônait un orbe flottant, comme maintenu en suspension. Il était sombre, violacé, quelques ombres bleu foncé sous forme de nuage s'y enroulaient, éclairés par des éclairs de différents tons du violet. Une petite dizaines de paires d'yeux fixaient l'objet, intrigués, perturbés, étonnés, méfiants.

Quoi de plus normal pour un vieil objet trouvé dans de vieilles ruines de villages, presqu'en plein coeur, intact. Malgré son apparence, aucun d'eux n'avait ressenti le moindre mauvais présage à sa vue comme à son contact. Ainsi, ignorant tout de cet artefact, ils avaient décidé de le ramener dans leur petit fortin de Guetteurs.

Malgré l'absence de toute négativité, un tel objet restait anormal. Une anomalie dont ils avaient la charge de se débarrasser. Ils le devaient, pour le bien, pour l'équilibre. Pour le Monde. Cependant, aucun ne sut encore mettre de mot sur ce qu'ils fixaient assiduement. Tous étaient encore restés silencieux, sans quitter la sphère des yeux, à l'exception d'une femme aux cheveux roux, qui avait désormais baissé la tête pour dessiner l'objet.

Alors que l'un d'eux s'apprêta à parler, tous se tournèrent vers lui, comme s'ils attendaient soudainement une illumination de sa part, des réponses. Mais il se retira immédiatement, baissant par la même occasion la main qu'il avait commencé à lever. Ils étaient décidément dans une impasse. A quoi pouvait bien servir une sphère pareille ? Aussi sombre ? Il doit en tout cas contenir une grande puissance, un grand pouvoir, sinon pourquoi émettrait-il des éclairs de la sorte ? De quelle nature était ce pouvoir ? Toutes ces questions, la rousse avait commencé à les écrire, elle écrivit tellement que c'en fut presque une introduction de chapitre sur le sujet. Mais elle dut s'arrêter, ne sachant pas écrire plus que des questions.

Il fallait se rendre à l'évidence, ils allaient finalement devoir détruire l'objet sans n'en laisser la moindre trace écrite, la moindre réponse. Ils allaient devoir détruire un objet, qui si cela se trouve ne perturbait aucunement les lois de ce monde, la vie de ses habitants. Si cela se trouve, à le briser, ils ne feraient que provoquer la fin des temps, du monde, ils briseraient les règles et créeraient leur propre perte. C'était le risque, ils le savaient. C'était le même qu'à chacune de leurs missions, seulement, d'habitude ils possédaient les informations dont ils avaient besoin, pour savoir que ce qu'ils faisaient était le bon choix.

C'est alors qu'un jeune homme, pas bien grand, vêtu de sa tenue de fonction et d'une décoration qui prouvait sa valeur en temps que Guetteur, se leva. Il posa ses paumes sur la table, avant de toiser chaque personne du regard. Il prit parole, le ton haut, avant que tous puisse l'entendre.

- On se casse la tête sur ce... truc, mais sait-on seulement posé des questions sur l'endroit où on l'a trouvé ? Cela pourrait nous aider à comprendre, ou même cela pourrait tout expliquer vous ne croyez pas ? On sait quelque chose sur ce qui a provoqué les gens à partir, ou sur ce qui a détruit le village ?

- Tout ce que l'on sait date d'il y a 3 mois, et d'après ces informations le village se portait encore bien. Depuis, aucune trace de ses habitants, d'après des marchands qui passaient par là, il n'y avait que des chevaux encore coincés dans une des prairies. Les ruines ne montraient aucune trace d'incendie, c'est à peine si au moment de leur disparition la moindre torche était allumée, aucun feu de cheminée, rien, lui répondit aussitôt un grand homme qui semblait être leur supérieur.

- Donc le seul indice qu'on ait ce serait ce truc ?, reprit aussitôt la jeune femme rousse qui ferma son carnet dans le même temps. Cela me semble un peu gros qu'un tel objet puisse faire disparaître un village entier comme ça. Même les Grands Piliers de l'Est n'ont pas été capables d'une telle chose, et pourtant vous savez aussi bien que moi quels dégâts ils ont causé. Il n'existe rien qui puisse faire disparaître toute une centaine de personnes sans laisser de trace, si ?

Alors que chacun commençait à énumérer une liste d'objets et de faits historiques tout aussi marquants les uns que les autres, le plus jeune de l'assemblée, une recrue fraîchement formée, saisit l'orbe de ses mains nues, sans se préoccuper nullement de la conversation. Tous se figèrent. Personne n'avait osé toucher l'objet jusqu'alors.

Seulement, il ne se passa rien. L'intérieur de l'orbe ne se retrouva que légèrement perturbé par le mouvement, avant de se remettre à agir comme au centre de la table. Rien n'était arrivé au jeune homme. Il était simplement là, assis, l'orbe en mains.

- Tu.. Tu sens quelque chose, Inril ?, s'inquiéta son supérieur, brisant le silence par la même occasion.

- Je ne saurais trop vous l'expliquer. C'est comme si je pouvais sentir une grande puissance, mais avec une seule utilité, et que son usage n'est pas encore venu.

Inril se figea ensuite, les yeux baissés vers la sphère qu'il tenait de ses mains. Les autres se regardèrent à tour de rôle, avant d'hocher la tête.

- Entreposons le, reprirent tous au même moment avec une synchronicité parfaite.

Le jeune homme qui portait l'objet fronça les sourcils un instant, avant de se lever. Il allait déjà devoir lâcher cet étrange objet, ce qui ne manqua pas de lui faire lâcher une triste moue déçue. Il l'emmena néanmoins dans une grande salle où étaient exposés divers objets, allant de la simple petite bague à la grande hache légendaire dont on parle dans certains contes populaires de peuplades lointaines. Ca et là se trouvait des présentoirs vides, c'est vers l'un d'eux qu'il se dirigea pour enfin poser l'orbe, qui se remit à flotter, à quelques centimètres du bois du présentoir, comme il flottait au-dessus de la table.

Le jeune Guetteur se retourna, pour sortir et fermer la porte, lâchant un dernier regard sur l'objet.

La nuit tombée, l'orbe émettait d'étranges ondes et pulsations lumineuses. Personne ne put être présent pour assister au spectacle. Il pulsa, longuement, sans que personne ne puisse le saisir pour savoir, pour comprendre. Il appela autour de lui, sans réponse.

Au même moment, une région voisine était prise d'un mal étrange. Un aura mortelle s'était faite ressentir. Pour la première fois de leur histoire, les Guetteur s'était trompé. Ils avaient fait le mauvais choix. Ils avaient décidé de ranger et d'oublier cet objet si particulier, jugé suspect mais intriguant.

Seulement, ce soir-là, personne ne put être protégé de l'aura bienveillante et protectrice de l'Orbe.