Chapitre 53

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Trop de lumière.

Ce fut ma première pensée lorsque je repris conscience. Il y avait beaucoup trop de lumière. Elle était chaude, claire. Elle m'incendiait la rétine.

Des images de corps enflammés apparurent derrière mes paupières et je sentis la panique me prendre à la gorge. J'étais en feu ! Je brûlais encore !

Des voix résonnèrent autour de moi. Des mains me forcèrent à cesser de lutter. Elles me plaquèrent contre une surface molle et douce qui irrita mon dos.

Mes ailes.

Je n'en avais plus. Elles avaient brûlé.

Qu'étais-je ? Avais-je atterri en Enfers ? Était-ce pour ça que je souffrais encore autant ? Je n'étais pas mort comme je l'avais espéré. J'étais damné.

Le noir m'avala et je l'accueillis à bras ouverts.


La seconde fois que je repris connaissance, la lumière était toujours aussi vive. J'étais toujours incapable d'ouvrir mes yeux et le néant derrière mes paupières était rouge sang. Rouge feu.

La douleur était pareille à un bourdonnement qui avait pris possession de tout mon corps.

Où étais-je ? Je n'aurais su le dire. Le silence était total. Glacial. Tout ce dont j'étais certain était que j'étais sur un lit.

Je tentai de bouger. En vain. J'étais attaché aux quatre coins du lit. Ça n'était pas bon signe. Pas du tout. Le pire était que j'étais trop faible pour essayer de me dégager. Le moindre mouvement envoyait des ondes du pure souffrance dans chacune de mes terminaisons nerveuses.

Ma tête se mit à tourner et je sombrai à nouveau.


Je cessai de compter combien de fois je recouvrai et perdis connaissance. Le cycle se répéta à l'infini. Dès que je voulais ouvrir les yeux, j'étais agressé par la lumière. Si j'étais capable de parler, je ne pouvais pas m'entendre. Tout comme les voix autour de moi n'étaient qu'un bourdonnement informe et indéchiffrable.

La douleur était toujours là. Elle ne me lâchait pas. Comme les cauchemars. Même dans les tréfonds de l'inconscience, ils me trouvaient et me hantaient. La chaleur des flammes, la trahison de mes propres ailes, Lucifer, en flamme jumelle, connecté à moi par la mort et le feu. Je l'entendais sans cesse hurler. À moins que ce soit moi, que j'entende.

Tout était flou. Plus rien n'avait de sens. Peu importe le nombre de fois où je repris connaissance, j'étais toujours incapable de savoir où j'étais. Parfois, j'étais convaincu d'être en Enfer. C'était impossible de souffrir autant aux Cieux. À d'autres, j'aurais pu croire que j'étais aux Cieux car pourquoi prendrait-on soin de moi aux Enfers ?

J'avais si mal...

Et aucune notion de temps. Combien de décennies s'étaient écoulées depuis que j'avais tué Lucifer ? Pourquoi étais-je encore en vie ? J'avais détruit un archange, aussi mauvais fut-il. J'aurais dû être détruit aussi. Et si la trahison de mes ailes était un signe de mon bannissement des Cieux, que se passait-il ? Où étais-je ?


Les voix étaient lointaines mais, pour la première fois, les mots étaient compréhensibles. Pas tous. Les plus courts et les plus forts. Mon prénom, aussi. On parlait de moi. De la possibilité que je ne me réveille jamais. Ils me pensaient encore inconscient. Ne voyaient-ils pas que j'errais entre conscience et inconscience depuis des siècles ?

- Tu ne devrais pas être là.

Ce fut la première phrase entière que je parvins à comprendre. Elle claqua comme un fouet dans le silence.

Cold Days In Heaven (A Season In Hell #2)Where stories live. Discover now