16 - L'allée des Embrumes

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«C'est à partir de combien de larmes que l'on arrête d'être triste? »

Cela faisait déjà des mois que Narcissa vivait dans le Manoir Malefoy. Elle n'avait pas eu besoin de le visiter : cette demeure n'avait plus de secrets pour elle depuis bien longtemps.

En quelques mois, tout avait changé. Les rues étaient vides, les ténèbres planaient dans le ciel telle une menace prête à l'exécution. Le Seigneur des Ténèbres avait pris du pouvoir et la guerre était déclarée. Lucius servait d'espion au Ministère, mais Narcissa savait qu'il participait également à des batailles. Tous les soirs, il revenait le visage recouvert de cendre et les mains tâchées de sang. Tous les matins, il repartait, laissant à la place de sa place vide du lit une narcisse aux couleurs immaculées. Narcissa ne disait rien, se contenter de laver ses vêtements elle-même pour ne pas que les domestiques ne se doutent de quelque chose. Elle l'attendait ensuite dans le salon, parfois jusqu'à ce que la lune soit au plus haut dans le ciel. Et lorsqu'il revenait, il l'embrassait rapidement avant de remonter se coucher, épuisé. Narcissa aurait vous hurler. Hurler pour briser ce silence étouffant, hurler sa présence, hurler sa solitude.

Hurler qu'elle attendait un enfant. Leur enfant.

Mais Narcissa faisait ce qu'on lui avait toujours appris à faire : se taire, et souffrir en silence. Elle était en colère contre le Seigneur des Ténèbres pour lui prendre son époux et son bonheur. Non pas qu'elle était contre son idéologie, mais plutôt qu'elle n'aimait pas sa manière de l'appliquer. Sa manière de se servir de ses fidèles comme s'ils étaient des esclaves. Sa manière de s'attribuer tout le mérite des faits de ses mangemorts.

Partout, elle entendait parler de morts, par milliers. De moldus torturés, pendus, écartelés. De monuments historiques détruits, réduits en cendre. D'enfants sang-mêlés arrachés de leurs parents nés-moldus. Lorsqu'elle entendait ces histoires, Narcissa en frémissait. Il lui arrivait de penser à Andromeda et à se demander si elle vivait toujours avant de se rappeler qu'elle n'était plus sa sœur. Seulement une lâche et traîtresse.

La guerre la rendait malade. Il y avait trop de sang, de morts, partout. Elle voulait que Lucius revienne, que tout cela cesse. Mais les jours passaient, et la situation ne faisait qu'empirer.

Un soir, Narcissa s'assit sur le fauteuil du salon, comme à son habitude et attendit, un verre de vin à la main. Les heures s'écoulèrent, lentement, tandis que les flammes dansaient devant ses yeux noirs. Le silence était oppressant dans ce manoir, mais Narcissa ne voulait pas manquer l'arrivée de Lucius. Elle finit son verre de vin et sentit ses paupières s'alourdir dangereusement. Luttant encore plusieurs minutes, elle finit par succomber et se laissa glisser dans les bras de Morphée.

Lorsqu'elle se réveilla, le jour s'était déjà levé. Le feu avait terminé sa danse et les premiers rayons de soleil traversaient les fenêtres, pâles et froids, perdant leurs éclats dans les lourds nuages gorgés de tristesse. Elle cria le nom de son époux et monta les grands escaliers en courant, relevant sa jupe noire. Il n'y avait aucun narcisse sur le lit. Rien qui témoignait la venue du jeune homme dans la nuit.

Narcissa crut entendre son cœur se déchirer et s'effondra au sol, étouffant un sanglot de sa main tremblante. Elle ne voulait pas croire qu'il était mort, rejetait cette pensée avec véhémence. Lucius ne pouvait pas mourir. Il ne pouvait pas l'abandonner de cette manière. Pas lui.

Pas alors qu'elle portait leur enfant.

Elle resta effondrée au sol durant des jour, incapable de se relever sans pouvoir sentir les bras fermes de Lucius l'aider. Elle voulait qu'il revienne. Elle voulait qu'il l'embrasse de nouveau, qu'il brise ce silence froid qui la ravageait. Elle voulait s'assurer qu'il était vivant. Juste ça. Juste ça...

𝕿𝖔𝖚𝖏𝖔𝖚𝖗𝖘 𝕻𝖚𝖗 (𝐿𝑖𝑣𝑟𝑒 𝟙) ✔Where stories live. Discover now